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ONU: le Saint-Siège se défend

Explications d'Andrea Gagliarducci après l'assimilation vicieuse et unilatérale, par le comité de l'ONU, des abus sur mineurs à des actes de torture (12/5/2014)

>>> Ci contre: l'archevêque Tomasi, représentant du Saint-Siège à l'ONU

     

Les faits rapportés par les médias

PÉDOPHILIE: LE VATICAN PASSÉ À LA LOUPE PAR UN COMITÉ DE L'ONU (AFP, Le Point)

Le Vatican a présenté lundi 5 mai à Genève son premier rapport au comité de l'ONU contre la torture, un exercice auquel doivent se plier tous les signataires de la Convention contre la torture de 1984. Le Saint-Siège a signé cette convention en 2002, et c'est la première fois qu'il présente son rapport devant le comité de l'ONU, établi à Genève. Confronté aux critiques des associations de défense des victimes pour les abus sexuels commis par des prêtres, considérés comme des actes de torture, le Vatican s'est défendu en affirmant que la Convention s'applique uniquement au territoire du Vatican.

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AGRESSIONS SEXUELLES : L'ONU PARLE DE LA TORTURE DU VATICAN (AP, Radio Canda)
La manière dont le Vatican a géré les agressions sexuelles commises par le clergé à travers le monde est comparable à de la torture, a affirmé lundi un comité des Nations unies qui se penche sur le dossier.
Cette affirmation permet de croire que le refus du Vatican d'enquêter sur les agresseurs et leurs supérieurs (ce qui est faux!) pourrait avoir des répercussions juridiques plus vastes.

Andrea Gagliarducci a consacré plusieurs articles à la présentation du rapport du Saint-Siège devant le Comité de l'ONU.
Il soulignait la mauvaise foi du Comité, dont le co-rapporteur, une juriste américaine dénommée Felicia Gaer, avait unilatéralement décidé d'inclure les faits de pédophilie dans la torture, et présenté plusieurs questions d'ONG idéologiquement opposées à l'Eglise, dont beaucoup étaient carrément hors-sujet par rapport aux buts de la Convention. Parmi ces ONG, le Center for Reproducitve Rights (quel rapport avec la torture?) et le fameux SNAP (Surivvors Network of Those Abused by Priests).

S'il s'agit d'imprimer une image révoltante de l'Eglise dans l'opinion publique, associer pédophilie du clergé et TORTURE (!!) est carrément dévastateur.
On en revient à ce qu'affirmait le Père Santiago Martin, dans un article traduit la semaine dernière par Carlota (L'ONU, un cadavre pourri), en termes certes un peu vifs, mais la guerre en cours contre l'Eglise n'est pas spécialement une guerre en dentelles: l'Eglise devrait envisager d’abandonner une institution qui l’attaque aussi sauvagement...

     

Comité des Nations unies: le Saint-Siège se défend
10 mai 2014
Andrea Gagliarducci
korazym.org
(ma traduction)
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Le Saint-Siège l'avait déjà expliqué la semaine qui avait précédé la présentation du rapport près du Comité des Nations unies contre la torture: insérer la pédophilie parmi les cas examinés par la Convention aurait été forcer l'esprit de la Convention. Mais l'idée était d'attaquer l'Église justement à travers le passe-partout de la pédophilie. Et donc, Felice Gaer, co-rapporteur de la commission, a demandé au cours du débat si la criminalisation des abus sexuels, et des abus sexuels sur les enfants, pouvait être considérée comme de la torture. Le nonce Tomasi a souligné dans sa réponse qu'il n'était pas «juriste» et que, de son point de vue personnel, cette interprétation concerne le comportement des personnes quand ce comportement entre dans l'esprit de la Convention. Mais c'était assez pour Felice Gaer pour annoncer à la presse, dans les rapports publiés dans le monde entier, que la déclaration du Saint-Siège était un aveu ou une affirmation de la part du Saint-Siège.

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Le jeu est devenu particulièrement clair, et il est commun à tous les débats avec les États parties. Le Comité des Nations Unies propose une interprétation large de la Convention, introduisant pratiquement de nouveaux délits qui - s'ils étaient pris en considération - devraient faire l'objet de nouvelles négociations entre les États parties, menant à la signature de protocoles additionnels. Le thème de la pédophilie, en plus, est très sensible. Le Saint-Siège s'est rendu au débat préparé, en fournissant les chiffres de la lutte contre les abus (près de 850 prêtres réduits à l'état laïc), mais il a toujours dit clairement que non, la pédophilie ne rentre pas strictement dans la Convention contre la torture. Evidemment, un rapport qui met en lumière les scandales de l'Église est plus susceptible d'être mis en évidence quand il tente d'imposer un agenda à l'Eglise.

Les pressions sont sur la souveraineté du Saint-Siège, au point que lors de la dernière rencontre avec le Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant, il y avait même eu des pressions sur le droit canonique. Felice Gaer, juive, avec une réputation de formidable défenseur des droits de l'homme, a clairement fait savoir dès le début ses intentions, contestant même la différence entre la Cité du Vatican et le Saint-Siège. Face aux déclarations dans la presse, la réponse du Saint-Siège ne s'est pas faite attendre longtemps.

Elle a consisté en un communiqué de presse et une lettre à Claudio Grossman, qui préside le Comité de la Convention contre la torture. Dans le communiqué de presse, est retracé, documents en main, le débat auquel s'est réfèrée Felice Gaer.

Voici les réponses du nonce Tomasi, Observateur permanent du Saint-Siège au siège de l'ONU à Genève. «La Convention de la torture s'applique-t-elle également aux mineurs? Certes oui, parce que chaque question d'abus concernant non seulement les enfants, mais chaque personne est une infraction criminelle punissable par la loi du Vatican, quel que soit le crime, et relève donc de la compétence du Code criminel». «La criminalisation des infractions d'abus sexuels contre des enfants peut-elle être considéré comme de la torture? C'est ce que vous avez indiqué dans votre Observation générale n°2 et je ne suis pas juriste, mais je pense que cette interprétation doit être mise en relation avec le comportement des personnes au moment où ce comportement entre dans l'esprit de la Convention» (ndt: la phrase en italien n'est pas très claire, pour moi: ritengo che questa applicazione debba essere relazionata al comportamento delle persone nel momento in cui ricadono nelle definizioni della Convenzione).

Dans les deux cas, Tomasi a repris la question de Gaer, et a dit très clairement qu'il ne donnait aucune interprétation juridique à l'esprit de la Convention. Il s'est limité à commenter des affirmations (plutôt exagérées) de Gaer.

La note de protestation envoyée à Claudio Grossman souligne comment, après le débat, Gaer a «continué à parler aux médias, lesquels ont indiqué que Mme Gaer considérait que mes réponses sont un aveu par le Saint-Siège que la Convention doit être interprétée selon la position qu'elle a formulée dans d'autres environnements que l'ONU, par exemple des conférences universitaires».

Tomasi poursuit: «Il est problématique qu'un co-rapporteur de la commission parle publiquement - avant que les Observations finales ne soient publiées - sur les processus autour d'une révision, et donne l'interprétation que les représentations des États parties renforcent les déclarations précédentes et non officielles des membres du Comité, ou cherche à mettre en évidence une interprétation particulière de la Convention qui puisse être importante pour les observations finales et les conclusions de la commission».

En somme, à tort ou à raison, ces considérations peuvent être jugées par un observateur extérieur comme «une vision prédéterminée ou l'intention de générer un sentiment public» en faveur de certaines observations, tandis que les lignes directrices voudraient que le processus de révision du Comité garantisse que les membres du Comité sont indépendants de toute influence extérieure.

«Si ce type de communication externe n'est pas affronté et corrigé, la conséquence malheureuse peut être que les observations finales du Comité dans cette situation particulière, et son travail en général, soient considérés comme faussés et guidés par des motifs personnels», a conclu Tomasi.

Finalement, le monde laïc lui-même a remarqué les forts préjugés des membres du Comité, y compris en présentant les questions d'ONG idéologiquement en désaccord avec l'Eglise catholique.

Le Wall Street Journal, dans un article paru ces jours-ci, signé par David B. Rivkin et Lee A. Casey, ex-fonctionnaires du ministère de la Justice sous les administrations Reagan et Bush, a souligné que ce serait «une interprétation insoutenable et perverse du traité» sur les tortures si l'ONU accueillait les exigences des associations qui ces jours-ci demandent que les Nations Unies prennent des décisions contre le Vatican et la ligne avec laquelle il a traité les cas de pédophilie en son sein. Car - écrivent-ils - les accusations au Saint-Siège ne sont pas liés seulement aux abus de prêtres, mais, par la pression précisément de ces ONG, pourraient aussi s'étendre aux positions de l'Eglise sur la contraception et l'avortement. Et cela, écrit le WSJ, «pourrait même représenter une attaque macroscopique contre la liberté religieuse».