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Sans morale, l'annonce est abstraite

Une réflexion d'un théologien jésuite dans La Bussola me renvoie à un fait divers de ce jour. (14/4/2014)

Ecoutant distraitement la radio ce matin, mon attention est attirée par un reportage.
La station Machin n°1 le présente comme une "information Machin n°1", avouant implicitement que l'information en général n'est pas un fait objectif en soi, mais une fabrication à motif idéologique, ici dans un but d'intimidation (du reste, si les parents ne sont pas satisfaits de l'enseignement dispensé à leurs enfants dans l'établissement ainsi dénoncé par la police de la pensée, il leur est très facile de les en changer).

Plusieurs professeurs, parents et élèves d'un établissement CATHOLIQUE ("sous contrat" , donc, sous contrôle de l'état socialiste) et forcément huppé du très chic 16e arrondissement de Paris, se seraient plaints des "séances d'instruction religieuse", au cours desquelles "l'association anti-avortement Alliance Vita aurait tenu à plusieurs reprises des propos très violents"...
Le reste est à lire éventuellement ici.

C'est à ce fait divers, réel ou fictif, mais tristement emblématique d'une époque que j'ai pensé en lisant ce texte de la plume d'un théologien jésuite, publié aujourd'hui sur la Bussola.
Actuellement, une génération entière grandit dans l'ignorance de la différence entre le bien et le mal, et c'est un problème qui va bien au-delà de la foi.

     

Qui parle encore du péché?

Sans morale, l'annonce est abstraite
Enrico Cattaneo (*)
14/04/2014
http://www.lanuovabq.it
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Tout au long du grand débat actuel sur les «questions éthiques», il me semble que - paradoxalement - il y a peu de place pour la morale.
Pourtant, ce devrait être le devoir des pasteurs d'indiquer où il y a «péché», c'est-à-dire offense à Dieu, à travers une violation délibérée de sa Loi (la Parole).
Si on n'en parle jamais, les gens finissent par penser qu'«il n'y a pas de péché».

Pour en venir au concret, et à des questions à l'ordre du jour, faire un «don» de sperme, est-ce ou n'est-ce pas contre la morale? Si c'est une bonne action, encourageons la; mais si c'est un péché, pourquoi ne le dit-on pas?
De même pour le don d'ovocytes. La fécondation in vitro (homologue ou hétérologue) est-elle ou n'est-elle pas contre la morale? Il me semble avoir lu récemment de la part d'un représentant catholique que la fécondation homologue «ne pose pas de problèmes éthiques» (1). C'est peut-être ce que pense désormais la majorité des catholiques. La même chose s'applique à de nombreuses autres questions (voir contraception, rapports sexuels en dehors du mariage, rapports contre nature, etc.), où le silence des pasteurs amène les gens à penser que tout au plus il y a des contre-indications pour la santé, mais pas de problèmes moraaux.

Mais vraiment, la masturbation avec laquelle on prélève la semence mâle ne pose pas de problèmes moraux? A ma connaissance, personne ne l'a encore retirée de la liste des péchés contre le sixième commandement (tu ne commettras pas d'impuretés). De même, en ce qui concerne l'avortement, il faudrait rappeler qu'encourent le péché (grave, menant à l'excommunication), non seulement ceux qui le demandent, mais aussi ceux qui le recommandent, en plus bien sûr du médecin qui le pratique. Ainsi, si une femme décide d'avoir un avortement et si son mari est d'accord, ils péchent tous les deux, et donc non seulement la femme, mais aussi son mari doivent se confesser. Je voudrais demander aux confesseurs s'ils ont jamais trouvé un homme qui s'est accusé d'avoir poussé sa femme à se faire avorter.

C'est vrai, il faudrait faire une liste des «nouveaux péchés». Je ne le dis par provocation. Mais faire un discours moral clair ne signifie pas augmenter le sentiment de culpabilité, mais plutôt éduquer au sens du péché. Le sentiment de culpabilité est nuisible, car il vous oblige à vous en prendre à vous-même, et il vous autodétruit. Le sens du péché, au contraire, vous place face à Dieu, qui est miséricordieux, et donc, si vous vous confiez à lui, vous retrouvez le pardon et la paix, la force de réparer le mal causé et de recommencer sur la voie du bien.

On a l'impression que, s'il est vrai que l'Eglise est un «hôpital de campagne», les médecins qui travaillent dans cet hôpital ont décidé de ne pas révéler les maladies graves, conduisant à la mort du patient, mais seulement de donner quelques palliatifs. Le Pape François a dit que l'Eglise n'est pas une ONG qui s'occupe de distribuer de la nourriture, des médicaments, etc. Mais elle ne doit pas non plus être réduite à un «centre de bien-être», même spirituel.

La mission de l'Eglise n'est pas de faire que les gens se sentent bien. Certes, l'Église est contente quand les gens vivent en paix, ont un emploi, une instruction, des soins médicaux, etc. mais ceci n'est pas sa mission spécifique. Les œuvres de miséricorde (corporelle et spirituelle), ce sont les chrétiens qui les ont inventées. Cela signifie que la foi a certainement une valeur sociale, parce qu'elle apprend à vivre selon la justice des commandements, à ne pas nuire au prochain et à s'engager dans la solidarité. Donc, quand la vie s'organise selon la foi chrétienne une société vit mieux, l'harmonie et la coopération entre les citoyens s'établissent et la paix, qui est un bien commun pour les individus et pour les nations, est préservée.

Toutefois, la mission de l'Église, qui est celle-même de Jésus, n'est pas de rendre les gens heureux sur cette terre, mais surtout d'enseigner ce qui nous attend après cette vie, dans l'au-delà: une vie heureuse avec Dieu ou une éternité désespérée sans Dieu. La liturgie nous invite constamment dans ses prières à être orientés vers les «biens éternels»; mais aujourd'hui, ces mots nous glissent dessus comme des stéréotypes sans signification réelle. Le monde sécularisé dans lequel nous sommes plongés, évite soigneusement de s'occuper de l'au-delà. C'est un thème qui dérange. Pour ceux qui font profession d'athéisme, le problème ne se pose même pas, parce que, selon eux, après cette vie il n'y a rien (mais comment savent-ils?). Et même, ils accusent le peuple chrétien, qui se soucie encore du salut de l'âme, d'avoir un comportement intéressé, donc, tout compte fait, hypocrite, mesquin. On ne comprend pas que le «salut» offert par la foi n'est pas un bien matériel, mais spirituel et personnel.

L'enfer, dont parle aussi le pape François, c'est se ruiner soi-même, détruire la meilleure partie de soi et sombrer dans le non-sens; c'est finir dans la prison de l'égoïsme, où je n'aime personne et ne suis aimé par personne, où je hais et suis haï de tous. C'est cela, la damnation éternelle que nous devons éviter.

Le paradis, au contraire, c'est la réalisation de soi-même dans la vérité et le bien, c'est se réaliser dans l'amour comme personne aimée et aimante. En effet, ce ne sont pas les choses, mais c'est l'amour qui rend heureux, c'est pourquoi tout le monde peut obtenir ce bonheur, car tout le monde peut aimer ou apprendre à aimer à la suite du Christ. Ainsi la foi chrétienne offre à tous le bonheur; pas un bonheur individualiste, mais social, parce que l'amour est interpersonnelle, et le bonheur est d'autant plus grand que sont nombreux les gens que j'aime et qui m'aimeent.

C'est cela, la «bonne nouvelle» que les chrétiens ont reçue et qu'ils veulent communiquer aux autres . Mais pour que ce discours ne se réduise pas à de bonnes paroles, nous devons éduquer la conscience morale, qui nous apprend où est le bien à faire et le mal à éviter.



* Jésuite, professeur de patristique et de théologie fondamentale à la Faculté de Théologie de l'Italie du Sud, membre du Comité scientifique de la «Revue de théologie.»

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(1) http://www.ginefiv.fr/techniques_de_fecondation_in_vitro_reproduction_assistee.aspx
La Fécondation "In Vitro" consiste en la fécondation au laboratoire d’embryologie des ovocytes de la patiente (par stimulation ovarienne), avec le sperme du conjoint, du compagnon ou du donneur, à cultiver les embryons obtenus pendant au moins 48 heures pour finalement transférer les meilleurs embryons obtenus dans l’utérus de la patiente, et cryo-conserver le reste des embryons (s’il y en a) pour des essais postérieurs.
Lorsque le sperme utilisé est celui du mari/ conjoint de la patiente, cette technique est nommée Fécondation in Vitro homologue. Quand, dans le cas contraire, le sperme d’un donneur est utilisé, elle est appelée Fécondation in Vitro Hétérologue.