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Ce 16 avril 1927

Souvenirs croisés (16/4/2014)

>>> L'enfant de Marktl am Inn

     

Planche ci-dessus extraite de l’album-BD « Avec Jean Paul II et Benoît XVI » par Dominique Bar et Guy Lehideux, coll « Le vent de l’histoire », ed . du Triomphe.
(Il y a une petite erreur: c'est Maria, née en 1921, et non Georg, né en 1924, qui est l'aînée des enfants)

Ma vie, souvenirs, Joseph Ratzinger,
(éd. Fayard, pages 8-9)


Je suis né un samedi saint, le 16 avril 1927, à Marktl am Inn. Ma naissance, le dernier jour de la Semaine sainte et la veille de Pâques, n'est jamais passée inaperçue dans l'histoire familiale, d'autant plus que j'ai été baptisé dès le matin de ma naissance avec l'eau tout juste bénite la « nuit pascale », célébrée à l'époque le matin. Et être le premier baptisé avec l'eau nouvelle fut considéré comme un signe du Ciel. Le fait que ma vie ait été ainsi plongée dès le début dans le mystère pascal m'a toujours rempli de gratitude, car ce ne pouvait être qu'un signe de bénédiction. Bien sûr, ce n'était pas le dimanche de Pâques mais le samedi saint ; or plus j'y repense, plus cela me semble être en accord avec notre vie humaine toujours en attente de Pâques, qui n'est pas encore dans la pleine lumière, mais s'en approche dans la confiance.

Comme nous avons quitté Marktl deux ans après ma naissance, en 1929, je n'ai d'autres souvenirs que les récits faits par mes parents, mon frère et ma sœur. Ils m'ont raconté que le jour de ma naissance régnaient une neige épaisse et un froid de loup, qui empêchèrent mes deux aînés - à leur grande désolation - de venir à mon baptême, pour éviter de prendre froid.

     
Georg Ratzinger , Michael Hesemann,
"Mon frère et moi", ed. Bayard, page 43-45

Vint ensuite cette journée sur laquelle on a tant écrit, ce 16 avril 1927 où mon frère Joseph vint au monde. C'était le Samedi saint, on dit qu'il faisait froid et qu'il y avait beaucoup de neige, un temps terrible. Je me souviens seulement m'être réveillé et m'apercevoir que j'étais seul. Or je n'étais pas habitué à dormir seul, en ce temps-là mes parents et ma sœur dormaient encore près de moi. Mais ce jour-là, personne ne m'avait réveillé comme on le faisait d'habitude, et au lieu de cela j'entendais les échos d'une activité fébrile. Des portes claquaient, des pas rapides résonnaient dans l'entrée, on parlait à voix haute. Quand j'entendis la voix de mon père, j'appelai : « Père, je voudrais me lever ! » Mais il répondit : « Non, il faut que tu attendes encore, un petit garçon nous arrive aujourd'hui ! » Tout cela était pour moi alors un peu énigmatique.

Le pape Benoît XVI est né à 4h15 du matin, son baptême a eu lieu dès 8 heures. Comme sa marraine, Anna Ratzinger, n'avait pas pu être avertie assez vite, une religieuse du nom d'Adelma Rohrhirsch la remplaça.

En ce temps-là, la liturgie de la nuit de Pâques était déjà célébrée le matin du Vendredi saint. La consécration de l'eau baptismale et le rite du baptême étant des composantes fixes de cette liturgie, les parents n'hésitèrent pas longtemps. « Maintenant qu'il est là, le gamin, on le baptise. » C'était en quelque sorte un hasard providentiel, une manière de présage. Seuls les deux enfants, Georg et Maria, durent rester à la maison, car les parents craignaient qu'ils prennent froid. La mère aussi resta chez elle, elle était encore trop éprouvée par la naissance pour avoir le droit de sortir dans la neige. Ainsi le nouveau-né fut-il le premier baptisé avec l'eau fraîchement consacrée et prit le nom de « Joseph Aloisius ». « Devant la porte de Pâques, mais pas encore entré » devint désormais une métaphore pour toute sa vie, qui dès le début avait pénétré si profondément dans le mystère de Pâques.
(Michael Hesemann)

Au bout de quelques jours, j'ai enfin pu le voir à mon tour, mon petit frère Joseph. Il était tout frêle et délicat. Notre père avait engagé une religieuse pour assister ma mère au cours de ces journées, car elle était encore assez souffrante. Cette religieuse soignait mon petit frère, le baignait et l'habillait. Notre grande inquiétude à l'époque était qu'il ne gardait pas sa nourriture. La religieuse essaya tout, il n'aimait rien, jusqu'à ce que l'idée lui vienne de lui donner des flocons d'avoine. Surprise, il parvint à les absorber, et les mangea volontiers. Ces flocons lui ont pratiquement sauvé la vie, tant la religieuse ne savait plus quoi faire. Depuis, il aime toujours manger des flocons d'avoine, comme notre père d'ailleurs. Contrairement à ma sœur et moi qui n'aimions pas tellement ça.