Accueil

La pensée du théologien Ratzinger

Certains aspects de la pensée du théologien Ratzinger selon Hans Küng (10/4/2014)

     

Chapitres précédents

La pensée du théologien Ratzinger selon Hans Küng.
Extrait de "Mémoires II. Une vérité contestée" (Novalis/cerf, 2007, p. 184, 185)

Qui a changé?
----
Ratzinger s'est toujours violemment défendu contre les critiques qui lui reprochaient d'être un "torcol" (1), et, dans son autobiographie, il insiste sur sa continuité. Je pense à assez juste titre. D'une certaine façon, on peut dire: tout comme le professeur est passé de Tübingen à Ratisbonne, le pape de 2006 y est revenu donner un cours.
Dès le début et jusqu'à maintenant, comme l'a clairement montré au monde en 2006 Benoît XVI, le pape bavarois, il se sent "vraiment chez lui" dans cette Bavière au catholicisme traditionnel, un pays où la culture quotidienne est profondément intriquée dans l'histoire. Il se voyait et se voit comme le théologien d'une tradition qui en reste pour l'essentiel au cadre d'Augustin ou de Bonaventure. Pour lui, "la vieille Eglise", celle des Pères, reste la mesure de toutes choses.
La vieille Eglise telle qu'il la comprend, Jésus de Nazareth ne la voyait pas comme cela, pas plus que ses disciples ou l'Eglise primitive.
C'est celle que les conciles hellénistiques des IVe et Ve siècles ont définie dogmatiquement, celle d'une chrétienté qui s'est plus scindée qu'unifiée, et qui ne s'est guère souciée du dogme judéo-chrétien de départ. D'où son désintérêt presque total pour un islam qui est pourtant très marqué par ce christianisme originel [...] Ce n'est pas l'Eglise du Nouveau Testament qui intéresse Ratzinger, mais l'Eglise des Pères.
[...]
Pour lui, la vieille Eglise , c'est donc celle des Pères, et, à y regarder de près, moins celle des Grecs que celle des Latins.
[...]
Lui entend la relation du Père, du Fils et de l'Esprit, non pas même à la façon des Pères grecs qui partent d'un seul Dieu et Père (et c'est pourquoi les Orientaux considèrent encore aujourd'hui comme une hérésie le filioque introduit dans le credo),mais plutôt à la façon d'Augustin, le Latin, que les grecs prisaient peu, mais qui part de la "nature" divine commune aux "trois personnes", et qui est responsable de la doctrine occidentale du péché originel et fonde ainsi théologiquement le Moyen Age catholique romain.
Tout le confirme donc: Ratzinger est dès le départ un théologien du paradigme médiéval catholique romain, et, devenu pape, il le reste. Il se situe sur beaucoup de points en opposition au paradigme hellénistique, mais qui, comme je l'ai déjà dit, n'en a pas moins atteint son sommet au cours des premiers siècles du deuxième millénaire sous la conduite des papes romains. A Tübingen, Ratzinger prend pourtant encore très au sérieux la raison essentielle de la poursuite du schisme entre l'Eglise orientale grecque et l'Eglise occidentale latine: la prétention romaine à la primauté absolue telle que l'ont défendue au XIe siècle les papes de la réforme grégorienne.
[...]
En 1982, il laissera imprimer: "Rome ne doit plus imposer à l'Orient la doctrine de la primauté telle qu'elle fut formulée et vécue durant le premier millénaire". Ah, si seulement il avait dit cela en 2006, lors de sa visite au patriarche oecuménique Bartholomée Ier à Istanbul! Au lieu de quoi, il défend à nouveau (de façon courtoisement voilée), et naturellement sans succès, l'idéal médiéval d'une Eglise papale qui, grâce à son monopole de la vérité, domine le monde, tout au moins spirituellement, ce qui, selon Vatican I, implique la soumission du christianisme oriental à la primauté juridictionnelle du pape (que celui-ci a toujours refusée) et à son magistère infaillible. Il aurait pu aller plus loin! il ne l'a pas voulu. Pourquoi?

* * *

(1) TORCOL: petit oiseau voisin du pic (..) qui fait aisément pivoter sa tête. Ce qui voudrait dire que Joseph Ratzinger est capable de changer d'avis du tout au tout. Küng lui a bien reproché en effet d'être passé du théologien progressiste au Grand Inquisiteur. En même temps, il lui reproche de n'avoir pas évolué! Disons que Joseph Ratzinger n'a pas évolué dans le sens souhaité par Küng!

     

Commentaire (Monique T)

Donc, selon Hans Küng, nous avons eu, au début du XXIe siècle un pape MEDIEVAL, plutôt éloigné du Nouveau Testament et ayant fait obstacle au rapprochement avec l'orthodoxie.

La renonciation de ce pape anachronique permettra sans doute à l'Eglise de corriger ces graves défauts et de s'adapter à notre siècle.
---
Ce qui serait passionnant, ce serait que Benoît XVI réponde à ces accusations!!