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L'année zéro de l'Eglise

Voilà comment Andrea Tornielli voit le Synode (28/10/2014)

Il m'a paru intéressant, dans un but d'information, de traduire cet article où Andrea Tornielli expose son point de vue sur le Synode à peine conclu. Un point de vue différent du ressenti d'une large proportion d'observateurs attentifs , y compris des participants, et également de journalistes aussi insoupçonnables que Giuseppe Rusconi, dont nous avons traduit plusieurs articles dans ces pages, et Angela Ambogetti, qui parlait le 21 octobre de "synode étange", et titrait même "un synode encore entièrement à comprendre", (cf. www.ilportonedibronzo.it).
Il faut croire qu'Andrea Tornielli a vécu tout autre chose - qui contient certainement aussi sa part de vérité.
L'intérêt de l'article réside en grande partie dans le statut privilégié de son auteur auprès du Pape.
Le titre est tout un programme. J'imagine que c'est une provocation, et le but est atteint!
Je m'abstiendrai d'autres commentaires (sauf des soulignements dans le texte), mes lecteurs sont assez grands pour se faire leur propre opinion: du reste, il y a différentes façons de lire l'article...
Juste un détail: cela devient une habitude d'instrumentaliser Benoît XVI à ses propres fins, en omettant la moitié de ses propos, juste pour accréditer la continuité, et donner une assise solide à des positions théologiques contestables. Il est vrai qu'hier François a rendu hommage au "grand pape".... dont il ne me semble pas si évident qu'il suive l'exemple.

     

L'ANNÉE ZÉRO DE L'EGLISE: «PARLER CLAIREMENT POUR SE FAIRE COMPRENDRE»
Le message du Pape au Synode
La "route" indiqué par François: dialogue franc à l'intérieur et écoute à l'extérieur

Andrea Tornielli
http://vaticaninsider.lastampa.it
27 octobre 2014
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«Il faut vaincre la tendance au cléricalisme, que je résume dans un conseil reçu une fois, quand j'étais jeune: "Si tu veux avancer, pense clairement et parle de façon obscure". Une invitation à l'hypocrisie. Il faut l'éviter à tout prix».
Dans ces mots, confiés il y a un an par François aux supérieurs des ordres religieux, réside la clé pour comprendre ce qui s'est passé au Synode extraordinaire sur la famille.

Une assemblée qui est seulement la première étape d'un long parcours et qui s'est conclue avec des accents inédits d'attention et de proximité aux familles «blessées», aux couples, mariés civilement, et même à la cohabitation. Mais qui sur certains points «chauds» - la possibilité de réadmettre dans certains cas et sous certaines conditions, les divorcés remariés aux sacrements, et la pastorale des personnes homosexuelles - n'ont pas obtenu l'approbation des deux tiers des Pères synodaux.
Un Synode caractérisé comme jamais auparavant, par la liberté de parole absolue, sollicité dès le début des travaux par François lui-même.
«L'Eglise a toujours eu une grande variété de critères et de regards sur la réalité, sur les aspects théologiques et pastorale - explique le prêtre argentin Eduardo De Paola, qui connaît Bergoglio depuis de nombreuses années - mais cette diversité était un courant sourd et muet qui coulait en souterrain, et qui, de temps en temps, grâce à des situations particulières, émergeait à la surface, timidement, cherchant à ne pas créer de conflits».
Cette fois, au contraire, les différentes positions n'ont pas été étouffées. Elles sont apparues avec clarté, après que François ait invité à s'exprimer sans penser à devoir plaire Pape et sans aucune crainte.
«Le couvercle a été soulevé. Ce qui se dessine n'est pas encore tout ce qu'il y a à dire. D'abord, doivent sortir toutes les tensions accumulées, les idéologies réprimées, les conflits personnels», explique le père de Paola. Ils doivent émerger et dissiper les vapeurs comprimées durant une longue période.

D'un côté, il y a ceux qui ont affirmé que sur certains arguments, il n'était même pas opossible d'uvrir un débat: c'est la ligne incarnée notamment par certains cardinaux de la Curie, comme le préfet de l'ex-Saint-Office Gerhard Ludwig Müller et le préfet de la Signature Apostolique Leo Raymond Burke, fortement soutenu dans la salle des débats par le Préfet de la Congrégation pour les évêques, Ouellet, et le «ministre de l'Economie» George Pell.
De l'autre, il y a ceux qui se sont déclarés en faveur de l'approfondissement de la possibilité d'admettre, dans certains cas, les remariés aux sacrements, et ont proposé une attitude plus inclusive et accueillante pour les homosexuels, comme l'a fait le cardinal Reinhard Marx au nom des évêques allemands, le cardinal Christoph Schönborn de Vienne et l'Italien Mgr Bruno Forte. Le thème des gays, marginal par rapport à la réflexion sur les défis concernant la famille, et mentionné dans les textes préparatoires, en particulier en ce qui concerne l'attitude à prendre envers les enfants vivant avec ces couples, a fini par devenir la question la plus controversée du Synode, à cause de la formulation notablement 'ouverturiste' (et peu représentatif des humeurs de la salle) contenue dans le document de travail de mi-parcours, ensuite amendé dans la version finale. Un texte qui a provoqué la vive réaction des évêques africains.

Aux «tentations» auquel il a assisté dans la salle, citées dans son discours final - celle du «durcissement hostile» de ceux qui se considèrent comme «maîtres» de la doctrine, et celle du «buonisme destructeur, qui au nom d'une miséricorde trompeuse bande les blessures sans les traiter et les soigner avant»- François a opposé l'attitude des «vrais pasteurs» qui «portent sagement dans leurs cœurs les joies et les larmes de leurs fidèles».

La méthode de la «parrêsia» (ndt: franchise, liberté de parole!!!) c'est-à-dire de la franchise à s'exprimer sans crainte respectueuse, et de l'«écoute humble», a produit un effet auquel l'Église n'était plus habituée. Et elle ne peut pas manquer d'avoir des répercussions au niveau local. Il est difficile, en effet, d'imaginer que désormais, dans un synode diocésain, il n'y aura personne pour réclamer la même franchise, la même liberté d'expression.

Le thème de la pastorale des familles en difficulté et des sacrements aux divorcés remariés, cependant, n'est pas nouveau. La dernière fois qu'il avait émergé, c'était lors de l'édition 2012 du Synode sur la Nouvelle Évangélisation de 2012. Benoît XVI, figure beaucoup plus complexe que certains clichés dans lesquels ont tenté de l'enfermer certains soi-disant «ratzingeriens», en Juin de cette année, lors de la rencontre mondiale des Familles à Milan, avaient utilisé des mots de pasteur montrant qu'il «portait dans son cœur» les joies et les larmes des fidèles: «Le problème de divorcés remariés est une des grandes souffrances de l'Eglise aujourd'hui. Et nous ne disposons pas de recettes simples».

«Il serait erroné de lire ce qui est arrivé au Synode avec les catégories utilisées pour l'information parlementaire - dit à La Stampa le Père Antonio Spadaro, directeur de la Civiltà Cattolica - en parlant de minorités et de majorités. L'Église n'est pas une assemblée parlementaire et ne doit pas être lue avec des catégories politiques. Et ceci également au moment de voter, car on a toujours voté dans le cours de son histoire. Pensez au conclave. Il est par contre important de noter que dans le dialogue se sont confrontés, avec pleine liberté d'expression, des positions différentes entre elles».
«Ce qui en est sorti - conclut Spadaro - ce sont au fond deux approches, deux visions différentes de l'Église et la relation entre l'Eglise et l'histoire, avec le monde».



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