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Quand Kasper renverse les rôles

Voilà qu'après avoir insidieusement semé la tempête, il prend les médias à temoin et veut se faire passer pour l'agneau que des loups s'apprêtent à déchirer. Riccardo Cascioli reconstruit méthodiquement une stratégie de subversion entamée en octobre dernier avec l'annonce de la convocation du synode (19/9/2014)

>>> Image ci-contre: www.studiotomso.com/illustrateur-livre-jeunesse-auzou/

     

La reconstruction est correcte, mais elle est incomplète.
L'inconnue reste la pensée du Pape (en réalité de moins en moins inconnue, mais ESSENTIELLE!) et Riccardo Cascioli, fidèle à la ligne de son site, évite soigneusement la question, ce qui l'oblige à passer sous silence certains faits pourtant très éloquents, au premier rang l'éloge public (et appuyé) du cardinal par François lors du Consistoire de février. Sans parler d'actes répétés très significatifs, dernier en date celui des Mariages à Saint-Pierre , dimanche dernier

     

CEUX QUI VEULENT LA «GUERRE» AU SYNODE
Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it/it/articoli-chi-vuole-la-guerra-al-sinodo-10367.htm
(ma traduction)
19/09/2014
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La stratégie est claire: faire passer ceux qui défendent la doctrine traditionnelle de l'Église en matière de famille et de mariage - évêques, cardinaux, théologiens - comme des «ennemis du pape», qui complotent dans l'ombre avec des stratégies sans précédent, et même un livre dans lequel ils réaffirment la validité de la vision de l'Église contre les tentatives de la transformer en quelque chose qui ressemble à une dénomination protestante. Personnages louches qui veulent discuter publiquement de choses dont on ne devait parler que durant le Synode, et qui imposent une discussion sur la communion pour les divorcés remariés quand le Synode devrait s'occuper de nombreux autres défis qui regardent la famille.

Hier, nous avions déjà commenté l'éditorial d'Alberto Melloni (théologien progressiste de "l'Ecole de Bologne" partisan d'une lecture du Concile en termes de rupture) sur Il Corriere della Sera, mais le Corriere insiste, cette fois avec Massimo Franco , qui tente de reconstituer plus précisément ce climat de conjuration de palais contre l'esprit d'innovation du pape François. Et pour lui donner un coup de main, il y a aussi La Stampa, qui impute aux cardinaux «conservateurs» un climat de guerre auquel évidemment, le cardinal Walter Kasper répugne - il se confesse à Vatican Insider - : il n'a posé que les questions, par ailleurs «en accord avec Pape»: aucun désir de changer la doctrine, à Dieu ne plaise, mais seulement des questions sur la façon d'aider les individus et les couples dans les cas complexes.

Evidemment, hier, les journaux, la radio, les télévisions répétaient le mot d'ordre: les cardinaux sortent à découvert contre le Pape, et ainsi de suite.

La réalité est tout autre. Non seulement il n'y aucune attaque contre le le pape - le cas échéant, il y a une tentative de Melloni et cie de l'enrôler - mais l'ensemble de la reconstruction du débat pré-synodal est manifestement mystificateur, tendant à diviser les Pères synodaux entre une partie constituée de mauvais, mentalement fermés (les défenseurs de la doctrine, devenue désormais un gros mot) et une autre partie entièrement dédiée à la miséricorde, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Église. C'est la répétition du vieux schéma de Vatican II.

Il suffit pourtant d'un minimum de mémoire historique pour se rappeler que ceux qui ont déclenché une offensive sur la communion pour les divorcés remariés, tentant d'en faire le thème unique du Synode, c'est justement Kasper et cie.

Rappelons donc brièvement comment sont allées les choses.
Quand le pape François, début Octobre 2013, a annoncé la double Synode (ordinaire et extraordinaire) dédié à la famille, ce fut comme si le clairon sonnait la charge: le cas du diocèse de Fribourg a immédiatement explosé, où l'archevêque d'alors et président de la Conférence épiscopale allemande, Robert Zoellisch, défendait un vademecum préparé par son diocèse pour accompagner le cheminement spirituel des personnes séparées, divorcées et divorcées remariées, dans lequel un chemin était prévu pour les divorcés remariés, les amenant à se rapprocher de la communion.
La réaction du Saint-Siège est immédiate : le porte-parole le père Federico Lombardi parle de «fuite en avant» et affirme qu'il n'y a aucun changement dans la position de l'Eglise sur les divorcés remariés. En Allemagne, la situation est chaude, alors l'Osservatore Romano publie le 22 octobre une intervention - initialement publiée en allemand, quelques mois plus tôt - du préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Gerhard Ludwig Müller, qui explique que le débat ne signifie pas que tout peut être mis en discussion et qu'on ne peut pas transformer la miséricorde en sa caricature. Interviennent alors - avec des interviews aux journaux - le nouveau secrétaire du Synode, Bruno Forte, et le président du Conseil Pontifical pour la Famille, Vincenzo Paglia, affirmant que le Synode «parlera de tout» et qu'il ne peut pas y avoir de préjugés doctrinaux.

Mais c'est avec la publication du questionnaire distribué à toutes les conférences épiscopales que s'ouvrent les cataractes. Les journaux du monde entier titrent les changements doctrinaux en matière de famille, qui sont désormais inénéluctables pour l'Église catholique. En réalité, le questionnaire couvre tous les aspects possibles concernant la famille et est précédé d'un document introductif qui définit avec précision les enjeux doctrinaux de la discussion. Catéchisme de l'Église catholique, Exhortation apostolique Familiaris consortio et encyclique Humanae Vitae - que beaucoup d'épiscopats n'ont pas encore digéré - sont indiquées comme sources sûres de référence.

Mais c'est comme s'il [le document] n'avait pas été écrit: c'est au tour du cardinal autrichien Schönborn et du cardinal allemand Reinhard Marx de fournir des matériaux aux journaux (nous sommes à peu près 10 Novembre). Le premier, au terme des travaux de la Conférence des évêques autrichiens dit qu' «au Synode toute question est ouverte»; le deuxième, en revanche attaque directement Muller indiquant que le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de l'Eglise «ne peut pas bloquer la discussion» sur les divorcés remariés. Et pour confirmer que le problème n'est pas seulement pastoral, mais doctrinal, Marx ajoute qu'un grand nombre de fidèles ne peut absolument pas comprendre «qu'un deuxième mariage n'est pas accepté par l'Eglise». Et c'est l'archevêque Zollitsch qui donne suite à cette déclaration, avec le refus de bloquer les lignes directrices pour la communion aux divorcés remariés. Et d'autres évêques allemands interviennent sur la même ligne.

Muller réplique début décembre, dans un entretien avec un journal allemand, niant avoir l'intention de clore le débat. Mais, dit-il, «l'enseignement du Christ et de l'Église ne peut pas faire l'objet de discussion». Et cela parce que «le credo religieux ne doit pas être confondu avec un programme de parti, qui peut être développé selon les souhaits des membres de ce même parti». La responsabilité pastorale, en effet, «doit être fondée sur la doctrine».

Concepts très simples, pas de «guerre» , mais la défense d'une position fortement attaquée. Et c'est à ce moment qu'entre en scène le cardinal Walter Kasper, qui au début de décembre, est interviewé par l'hebdomadaire Die Zeit et qui se dit à peu près certain qu'à brève échéance les personnes divorcées remariées auront accès aux sacrements. Kasper réaffirme la nécessité de «réformes, modifications et ouvertures» sur certains thèmes et souligne que les divorcés remariés devraient avoir la possibilité de «participer pleinement à la vie de l'Eglise». Et cela parce que «ce qui est possible à Dieu, c'est-à-dire le pardon doit également s'appliquer à l'Eglise». Contrairement à ce que l'on veut nous faire croire aujourd'hui, il est évident que la position de Kasper et cie n'a pas seulement une perspective pastorale, mais vise directement au changement de la doctrine.

Muller, par ailleurs, devient une cible constante, il y a une tentative systématique de le discréditer, qui atteint le sommet avec l'intervention d'un autre cardinal, le Hondurien Oscar Rodriguez Maradiaga, qui dans une interview à un journal allemand en Janvier, semble même se moquer du préfet l'ex-Saint-Office: «Je pense que je le comprends - dit Maradiaga - C'est un Allemand, il faut le dire, c'est d'abord et avant tout un professeur de théologie allemand (ndt: et Kasper, qui en est la caricature!!!), dans son esprit il n'y a que le vrai et le faux. Mais je dis: mon frère, le monde n'est pas comme ça, tu devrais être un peu plus flexible, quand tu écoutes d'autres voix. Et pas seulement écouter et dire non».

Entre Janvier et Février, en outre, commencent à arriver les questionnaires provenant des différentes églises locales: dans les intentions du Pape (ndt: qu'en sait-il?) ils auraient dû rester confidentiels, mais au contraire, les épiscopats évêques d'Allemagne, de Suisse, d'Autriche - largement en faveur la communion pour les divorcés remariés - font «fuiter» les réponses qui vont bien sûr dans cette direction. L'objectif est clair: faire appel aux questionnaires pour demander le changement de doctrine sur la famille et l'homosexualité. Tout comme est claire la requête de dépaser Humanae Vitae, comme si l'encyclique de Paul VI n'avait été qu'un vilain accident de parcours.

Jusqu'à présent, pour contrer cette offensive qui bénéficie du grand soutien de la presse laïciste du monde entier, il y a le seul Muller, par ailleurs seulement dans ls interventions citées.
Quelque chose change avec le consistoire des 21 et 22 Février, consacré à la famille, dans lequel la relation principale est confiée par le pape justement au cardinal Kasper. Certains le lisent comme une prise de position, mais on peut en douter (ndt: Riccardo Cascioli cherche-t-il à s'en convaincre?) car c'est lors de ce consistoire que la pourpre cardinalice est remise au cardinal Muller, qui vient d'être réélu à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Le rapport Kasper qui, dans sa partie finale, ouvre la possibilité de communion pour les divorcés remariés, suscite de dures réactions chez les autres cardinaux et - pour ce qu'on a pu en savoir - la discussion a été très animée. Le fait que le rapport Kasper soit devenu public - il a également été mis en vente - provoque la sortie à découvert de certains de ses détracteurs. Voici alors le cardinal Carlo Caffara, archevêque de Bologne - l'un des «méchants» qui, selon Il Corriere et La Stampa manœuvrent contre le Pape - expliquant dans une longue interview à Il Foglio tous les points de désaccord. D'autres cardinaux, à ce point, interviennent pour critiquer Kasper. A la fin, le livre dont on parle tant ces jours-ci - 'Rester dans la vérité du Christ' - qui serait une opération éditoriale sans précédent, est le recueil de leurs travaux sur le sujet, bien autre chose qu'une machination anti-pape.

D'ailleurs, l'offensive pro-Kasper n'est pas terminée. Le 21 Mars, intervient celui qui a été nommé secrétaire général du Synode, le néo-cardinal Lorenzo Baldisseri, qui relègue au grenier Familiaris consortio et soutient la nécessité d' «actualiser la doctrine» en matière de famille. Aussi parce que, comme il l'expliquera en Avril au mensuel «Jésus», il n'y a pas de modèle unique de famille.

Les choses avancent ainsi, et voilà la nouvelle stratégie: on inverse la réalité, et on fait croire que Muller et Caffara ont déclaré la guerre au pape; et Kasper, dans l'interview d'hier à Vatican Insider, se présente comme l'agneau que les loups voudraient déchirer.
Il y a un an, ils disaient qu'il ne fallait pas bloquer le débat, maintenant ils cherchent à fermer la bouche à ceux qui ne s'alignent pas sur leur progressisme. Et nous pouvons être assurés que d'ici au 5 Octobre, quand le Synode commencera, nous en verrons encore de belles.

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