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Rahner 1er, Pape?

Où le Pape jésuite puise-t-il sa théologie? (30/10/201)

Anna a traduit un article de Maurizio Blondet, très long, très touffu, par moments très trapu, et extrêmement intéressant, sur le célèbre théologien jésuite allemand Karl Rahner (1904-1984), l'un des inspirateurs du Concile [(*)], qui continue à influencer les milieux progressistes de l'Eglise, et, peut-être, le Pape lui-même, dont il se pourrait qu'il s'en soit inspiré pour son concept de conscience, son Eglise ouverte à tous, et comme un "hopital de campagne".

Rahner, écrivain très prolixe est connu "de nom" par la plupart des gens qui s'intéressent à l'histoire récente de l'Eglise.
Je précise "de nom", car en dehors d'un petit cercle d'initiés entre les mains desquels ses idées sont de la nitroglycérine pour l'Eglise, rares sont ceux qui ont eu le courage de s'aventurer dans les méandres de sa pensée tordue, qui s'est exprimée dans une production "littéraire" gigantesque, et de façon si absconse (si on en juge par ce qu'en dit Roberto De Mattei, cité par Blondet) que cela doit bien cacher quelque chose de pas net: ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, disait justement Boileau il y a plus de trois siècles.
En substance, Rahner pense qu'il faut se débarrasser des dogmes, qui ne sont plus adaptés aux chrétiens de notre temps.
On lit en effet dans l'article de Blondet:

«Rahner ne croyait pas au sacerdoce consacré, au péché originel, à la phrase "Jésus est Dieu", au dogme de la transsubstantiation. La position de Rahner s'appelle subjectivisme, relativisme et moderniste effréné. Parmi les dogmes qu'il considère "inadéquats à ce qui est nécessaire en premier, l'annonce de la foi", Rahner énumère ceux-ci: "Des propositions telles que 'il y a trois personnes en Dieu', 'nous sommes sauvés par le sang de Jésus Christ' sont purement et simplement incompréhensibles pour un homme moderne (…) elles ressemblent à de la pure mythologie d'une religion du temps passé"».

A ce sujet, Maurizio Blondet s'interroge sur la signification d'un miracle eucharistique survenu à Buenos Aires, du temps où le futur Pape en était archevêque:

«(...) Je pense, et j'insiste, qu'afin de comprendre Bergoglio, le fait eucharistique de Buenos Aires est dirimant. L'hostie a saigné dans sa ville, pendant qu'il en était l'évêque. C'est un message clair pour lui, pour le futur Pape. Comment l'a-t-il vécu? Comment l'a-t-il accepté? A-t-il compris l'avertissement? Est-ce lui qui a mis une sourdine à l'événement? Ou bien est-ce la communauté paroissiale de l'Avenida la Plata? Souvent me semble-t-il, les miracles eucharistiques ont été une réponse à l'incrédulité de prêtres en la Présence Réelle. Est-ce ici le cas, ou pas?».

Enfin, une remarque personnelle, en relation avec le sujet de mon site: à l'évidence, Blondet n'aime pas les théologiens allemands (il est vrai qu'avec Rahner et Kasper - on aurait presque envie d'ajouter Küng, qui est de nationalité suisse mais sévissait dans les universités allemandes - il y a de quoi!), et il fustige durement "la maladie intellectuelle allemande, la même pour laquelle depuis Kant la philosophie n'est plus la libre recherche qui sert à tous les hommes, la tentative continuelle de réponse à la 'question d'être', mais bien une matière universitaire réservée à des techniciens en possession de la juste terminologie".
S'il inclut Joseph Ratzinger/Benoît XVI dans ce préjugé générique, c'est peut-être qu'il ne le connaît pas bien.

L'article de De Mattei écrit en 2009 dans Il Foglio - qui sert de point de départ à sa réflexion, se conclut par ces mots, qu'il a (volontairement?) omis de citer:
" Le jeune Ratzinger subit la fascination de sa personnalité, mais il vit très vite les conséquences désastreuses de sa pensée, et, en un sens, il consacra tout son travail intellectuel ultérieur à en réfuter les thèses". [(*)]

Voir à ce sujet: La théologie selon Benoît XVI

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A propos de Maurizio Blondet, que nous avons déjà croisé, voir ici: La théologie papale .
L'article est en accès payant, comme l'ensemble de son site Effedieffe, mais il a été reproduit sur un site italien précieux <Le cronache di Papa Francesco>. Je pense donc qu'il n'est pas interdit de le traduire.

     

RAHNER Ier PAPE?

http://bergoglionate.wordpress.com
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De plus en plus nombreux sont ceux qui signalent, dans le modus operandi du Pape Bergoglio, l'influence de Karl Rahner, le jésuite théologien et peritus du Concile.
Il y en a même qui voient l'élection de François comme un coup d'Etat des jésuites, désormais réduits à une secte rahnerienne. «Leur école domine toutes les chaires dans les universités catholiques, où l'enseignement du christianisme a été remplacé par le rahnerisme, et en Amérique Latine».
La brutale suppression des Franciscains de l'Immaculée serait une vindicte contre un ordre où «pour la première fois, on a vu mettre en pièces avec la plus stricte rigueur leurs idoles de papier, les Rahner et compagnie».

Je ne sais pas quoi penser, je n'ai pas assez d'informations internes, ni de lectures théologiques pour pouvoir juger. Je sais d'un haut prélat, un parmi les épurés du le pape François, qui est en train de relire avec un intérêt accru les prophéties de la bienheureuse Catherine Emmerich («Je vois deux papes…»), je sais que quelque chose, d'inquiet, de menaçant bouillonne dans la curie, et en tant que croyant j'en suis angoissé.

Pour le peu que j'en sais, je perçois d'inquiétantes résonances rahnériennes dans l'impatience du Pape actuel envers ces chrétiens préoccupés par la Tradition, les dogmes et les hérésies qui prolifèrent clairement dans l'Eglise, et qu'il appelle «chrétiens idéologiques».
Pendant le Concile, dont il fut un peritus très écouté, Rahner énonça la prière sardonique qui suit: «Que le Saint Esprit guide l'Eglise afin qu'elle renonce aux dogmes et aux condamnations; alors les théologiens pourraient, avec le temps, trouver ce qui est juste».
Pour Rahner, les énoncés de la foi traditionnelle [les dogmes] sont, en bonne partie, inadéquats, au moins en ce qui concerne ce qui avant toute autre chose est nécessaire : l'annonce de la foi (...).

LA PHILOSOPHIE DE RAHNER
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Cela ressemble beaucoup à l'idée de l'Eglise comme hôpital de campagne où on n'examine pas le taux de cholestérol à quelq'un qui est mortellement blessé. Ce qui semble une bonne chose, mais seulement si on oublie ce qu'est pour Rahner, «l'annonce de la foi», qu'il considère comme si urgente qu'elle ne doit pas être entravée par la dogmatique.
Il faut se rappeler que Rahner est un représentant 'terminal' de cette pathologie de la pensée dite «idéalisme allemand», dans sa version Heidegger. Et dans le jargon philosophique le mot a une signification toute autre que celle du langage commun («Que voulez-vous, chère Madame, je suis un idéaliste»).

Non. «l'Idéalisme est la théorie métaphysique qui commence en affirmant qu'à l'expérience du "moi" sont donnés seulement ses états subjectifs, qu'on appelle les "idées". De sorte que la réalité extérieure, les objets, n'ont de réalité que dans la mesure où ils sont conçus par le sujet, individuel ou abstrait».
Ainsi, selon Kant, qui inaugure l'Idéalisme, le monde externe n'est pas intelligible «en soi», mais seulement dans la mesure où il «apparaît» à la conscience du sujet. On ne doit pas non plus se soucier de la «chose en Soi» (que Hegel éliminera complètement), étant donné qu'il suffit de connaître le contenu de la conscience, de son bien-aimé "moi".

De même Rahner, dans sa «science» théologique, ne s'occupe pas de Dieu, dont l'existence n'est pas, selon lui, démontrable, mais de l'homme, dans la conscience duquel le concept de Dieu apparaît. Sans l'homme, Dieu ne peut pas être connu: c'est le «tournant anthropologique» de Rahner en théologie, analogue à la «révolution copernicienne» que Kant s'attribua: la connaissance n'est plus l'«adaptation de l'esprit au réel» (comme chez Saint Thomas), mais c'est l'intellect humain qui impose ses lois aux objets. Donc, Dieu n'existe que dans l'esprit….
Quelle serait donc l'annonce de la foi que l'Eglise rahnerienne doit proclamer avec une telle urgence? Quel est son contenu, puisque Dieu en est exclu?

«Rahner - écrit de Mattei [(*)] - affirme que le salut n'est pas un problème, car il est assuré à tous, sans limites d'espace, de temps et de culture. L'église est une communauté vaste comme le monde, incluant les "chrétiens anonymes", lesquels bien qu'ils se disent non-catholiques, ou même athées, ont implicitement la foi. Quiconque en effet "accepte sa propre humanité et bien que ne le sachant pas, dit oui au Christ, parce qu'en Lui, il a accepté l'homme». Tous, donc, même les athées en tant qu'athées, se sauvent s'ils suivent leur propre conscience. N'importe quel homme, lorsque il se connaît lui-même, même dans le mal qu'il accomplit, s'il s'accepte en tant que tel, s'auto-rachète et a la foi. Et plus il connaît et accepte sa propre "expérience transcendantale", plus il a la foi».

Est-ce aussi cela que vous pensez? demanderais-je, angoissé, au Saint Père.
Avec une douce perfidie intellectuelle, les amis Palmaro & Gnocchi ont cité un passage de l'essai "Difficulté de croire", de Karl Rahner:

«Quiconque suit sa propre conscience, soit qu'il se considère chrétien ou non chrétien, ou bien athée ou croyant, un tel individu est bien accueilli et accepté par Dieu et peut parvenir à cette vie éternelle que nous confessons dans notre foi chrétienne être le but de tous les hommes». «En d'autres termes: la grâce et la justification (càd la transformation du pécheur en serviteur juste de Dieu), l'union et la communion avec Dieu, la possibilité de parvenir à la vie éternelle, tout cela ne rencontre un obstacle que dans la mauvaise conscience de l'homme».

Hélas, cela paraît coïncider parfaitement avec ce que vous-même, Très Saint Père, avez à plusieurs reprises déclaré à Eugenio Scalfari, par écrit d'abord et puis dans l'interview quelque peu reniée par la suite. Rahner ne croyait pas au sacerdoce consacré, au péché originel, à la phrase «Jésus est Dieu», au dogme de la transsubstantiation. La position de Rahner s'appelle subjectivisme, relativisme et moderniste effréné. Parmi les dogmes qu'il considère «inadéquats à ce qui est nécessaire en premier, l'annonce de la foi», Rahner énumère ceux-ci: «Des propositions telles que "il y a trois personnes en Dieu", "nous sommes sauvés par le sang de Jésus Christ" sont purement et simplement incompréhensibles pour un homme moderne (…) elles ressemblent à de la pure mythologie d'une religion du temps passé».

MIRACLE EUCHARISTIQUE À BUENOS AIRES
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Comme je l'ai déjà raconté [sur mon site], un miracle eucharistique s'est produit entre 1992 et 1996, à Buenos Aires, en la paroisse Santa Maria, au 286, avenida La Plata. Une hostie jetée par terre et mise dans le tabernacle, dans un bocal afin qu'elle se dissolve dans l'eau, s'est transformée en un lambeau sanglant. A l'examen il s'est révélé être un morceau d'un muscle cardiaque humain proche du ventricule gauche; «la personne était vivante quand il a été prélevé» a établi le département compétent qui l'a analysé; un coeur ayant subi «un stress très intense, comme s'il avait été frappé à la poitrine», (peut-être le coup de lance).

A présent, il est très clair que ce fait, ce fait nu, contredit totalement la "théologie" de Rahner. Celle qui selon lui ne serait que «mythologie dépassée», à laquelle l'homme moderne ne peut plus croire, apparaît à Buenos Aires dans la forme d' un myocarde sanglant; un événement nullement «idéaliste»; un coeur matériel donnant sa plus redoutable réalité à la phrase «nous avons été sauvés par le sang du Christ», qui semble à Rahner aujourd'hui inacceptable. Une réalité littérale, et non métaphorique, pas un mythe ou une façon de parler, mais un objet qui au microscope révèle des globules blancs encore palpitants.

Ce fait brut qui s'est produit en Argentine ne confirme pas seulement la scandaleuse réalité des parole de Jésus. Il dément tout «idéalisme», c'est à dire la prétention que nous, quand nous connaissons, contemplons notre connaissance ou nos idées, et non l'objet au delà de notre moi. Il confirme au contraire le «réalisme» chrétien: non seulement la réalité existe objectivement et en dehors de nous, mais bien la Réalité; la vraie connaissance est d'adapter son esprit au réel, à la «chose». Ce réalisme qui est, comme le dit Thomas, le premier acte d'humilité: ce n'est pas nous qui créons la réalité, nous l'avons trouvée déjà ici, Dieu l'a faite et il est de notre devoir de la connaitre comme Dieu l'a faite. C'est aussi une réalité «dure» qui démonte nos illusions, et aussi les illusions de l'incrédulité.

Car - il n'est pas inutile de le rappeler - les hommes «anciens» n'acceptèrent pas facilement, comme des «superstitieux», cette chose que Rahner conseille à l'Eglise d'abolir parce que «l'homme moderne» n'arrive pas à y roire. Lorsque Jésus déclara: «Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'Homme et ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous» les juifs se scandalisèrent et entre eux se demandaient: «Comment peut-il, celui-ci, nous donner sa chair à manger?». En fait plusieurs, peut-être la majorité de ses disciples s'exclamèrent «Cette parole est dure! Qui peut l'écouter?». Et depuis ce moment «beaucoup de ses disciples tournèrent le dos et n'allèrent plus avec Lui».

Selon Rahner et les rahnériens, qui sont légion paraît-il, à ce moment Jésus aurait dû atténuer, pensant à «ce qui est nécessaire avant toute chose, l'annonce de la foi». Au contraire il renchérit, et défie même les douze apôtres: «Vous aussi vous voulez partir?».

Certes, Jésus ne nous a pas rendu les choses faciles. J'ai toujours eu de la compréhension pour les juifs: ils attendaient le Messie Roi, le puissant vainqueur et libérateur politique et il leur arrive celui-ci avec son: «mon Règne n'est pas de ce monde». Et pourtant la Sainte Ecriture avait promis l'autre, pas celui-ci; ils avaient tout le droit de se sentir trahis. Et pour une foi pure et rationnelle, combien de choses inutiles nous faut-il accepter: un Dieu unique en trois personnes, une Personne divine qui se fait homme, accouché par une Vierge, un mort qui ressuscite… toutes choses «purement et simplement incompréhensibles à l'homme moderne». Rahner a raison.

Ou plutôt il aurait raison s'il n'y avait pas ce lambeau de Coeur humain apparu à Buenos Aires, pour déranger le tournant anthropologique. Il est absurde, il est indigérable, et même révoltant, mais c'est «la réalité», ce phénomène brut que la conscience humaine, le moi idéaliste, n'a pas réussi à prévoir, qu'elle croyait au contraire pouvoir exclure.

«Avec la progression de l'histoire de la grâce, le monde devient de plus en plus indépendant, mûr, profane, et doit penser à s'auto réaliser. Cette mondanité historique croissante (…) n'est pas un malheur qui obstinément s'oppose à la grâce et à l'église, mais bien le moyen par lequel la grâce se réalise progressivement dans la création», a écrit Rahner.

C'est comme dire: «Ce sont des choses qui n'arrivent pas». Et pourtant c'est arrivé, de nos jours, en 1992, à Buenos Aires. Eh bien, c'est bien la Réalité devant laquelle nous devons nous incliner. Il n'y a pas que pour nous qu'elle est difficile à croire. Eh oui, c'est une difficulté, pour l'apostolat; difficile d'essayer de convaincre ceux que nous voulons convertir de tout cela: la transsubstantiation, la particule qui, consacrée, devient réellement chair et sang… Tout cela est absurde, mais la Réalité l'a ainsi voulu. Le message, elle a voulu le donner de cette façon charnelle, épouvantable, révoltante, «celui qui ne boit pas Mon Sang n'a pas la vie éternelle». Et nous, si nous sommes croyants, nous avons l'obligation de propager la foi non pas comme une «annonce»" générique, mais à l'intérieur de ces absurdes réalités, avec ces limitations…que nous appelons dogmes et qui nous agacent, nous paraissent mythologiques, résidus autoritaires d'époques révolues, «idéologie» traditionaliste, de monarchies archaïques…

A cause de cela je pense, et j'insiste, qu'afin de comprendre Bergoglio, le fait eucharistique de Buenos Aires est dirimant. L'hostie a saigné dans sa ville, pendant qu'il en était l'évêque. C'est un message clair pour lui, pour le futur Pape. Comment l'a-t-il vécu? Comment l'a-t-il accepté? A-t-il compris l'avertissement? Est-ce lui qui a mis une sourdine à l'événement? Ou bien est-ce la communauté paroissiale de l'Avenida la Plata? Souvent me semble-t-il, les miracles eucharistiques ont été une réponse à l'incrédulité de prêtres en la Présence Réelle. Est-ce ici le cas, ou pas?

UN PERSONNAGE HORRIBLE
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Ce ne sont pas des insinuations, mais des questions que je pose avec angoisse, en tremblant et avec crainte, en priant pour le Saint Père.

Et puis, en tant que simple croyant, de peu de lectures, je demande: comment un type comme Karl Rahner a-t-il pu avoir tant de faveur dans l'Eglise, dans la hiérarchie? Comment a-t-on pu lui laisser la chaire de théologie?

Ceci nous dit que quelque chose de terrible est arrivé dans la hiérarchie pour qu'ils se laissent convaincre et séduire par un pareil personnage. Des rares choses que j'ai lues de lui, hypocritement tordues, tordues à la manière de Heidegger afin d'échapper à l'accusation d'hérésie, une chose apparaît par contre très claire: l'immense orgueil intellectuel, l'arrogance méprisante, du genre professeur allemand, le fait de se donner de l'importance pour des raisons qui n'en ont aucune sur le plan de la foi.

Il m'arriva une fois d'interviewer Hans Kung: son arrogance, son orgueil et sa vanité étaient même insupportables; il citait ses livres et rien que ses livres et tenait pour acquis que tous les aient lus; Il devint insultant parce que je ne les avais pas lus (j'avais mieux à faire) et ne répondit plus à mes questions que par des moqueries ou des auto-citations, comme on fait avec un ver de terre.

Chez Rahner je vois la même attitude. A l'occasion d'une controverse qu'il eut en 1971, le cardinal Hoeffner lui fit doucement remarquer: «Celui qui affirme: "je ne crois pas que Jésus est ressuscité des morts" ne fait plus partie de l'Eglise catholique… respectez la foi de l'Eglise Catholique et soyez (vous, Rahner) assez honnête de vouloir en sortir publiquement…».

Rahner répondit avec moquerie au cardinal: «Où les évêques ont-ils appris leur théologie?». Une phrase qui n'est que trop révélatrice: pour lui, l'autorité, ce ne sont pas les Evêques, mais «les théologiens». Les successeurs des apôtres doivent humblement apprendre «la théologie», entendue évidemment comme la «science» de professeurs allemands se donnant de l'importance et polémiquant entre eux dans un jargon incompréhensible, afin de faire, à faire comme travail intellectuel salarié, «une réinterprétation constante du dogme pour exclure l'erreur», selon ses propres mots. C'est la maladie intellectuelle allemande, la même pour laquelle depuis Kant la philosophie n'est plus la libre recherche qui sert à tous les hommes, la tentative continuelle de réponse à la «question d'être», mais bien une matière universitaire réservée à des techniciens en possession de la juste terminologie.

A la question insultante «mais où les évêques ont-ils appris leur théologie?», le cardinal aurait dû réponde: «Et vous, Rahner, jésuite et prêtre, où avez-vous appris la sainteté?». Car la question est là: quand a-t-on commencé à faire de la théologie une matière pouvant ne pas relever de la sainteté? Nos véritables théologiens sont le Padre Pio, Saint François, Sainte Thérèse, Saint Maximilien Kolbe, la petite Jacinte de Fatima… eux, ils connaissent quelque chose sur Dieu et Jésus et peuvent nous l'enseigner.

Rahner, en revanche, alors qu'il participait en tant que peritus au Concile Vatican II, avec Ratzinger, Daniélou, Haering, Congar, De Lubac et d'autres «scientifiques en théologie» dont il était le prince et le paon, harcelait de lettres brulantes sa maîtresse Luise Rinser: 1800 lettres enflammées, au son de «mon petit chou», et «ricciolina» (petite boucle), et elle de "mon petit poisson" (pesciolino moi), «Ça m'effraye que tu m'aimes avec autant de passion» et «Ne mange pas trop sinon tu vas grossir et tu ne me plairas plus». Cette Rinser était une «intellectuelle» progressiste qui finit par sympathiser avec les terroristes rouges de la bande à Baader, qui à l'époque partageait sa chair fougueuse entre le célèbre Divo-Jésuite et un abbé bénédictin bavarois, et qui publia sa correspondance avec le grand théologien Rahner. Comme le rappelle De Mattei, cette femme lui écrivait le 11 mai 1968: "Sais-tu la plus grande difficulté que j'ai avec toi? Que tu sois un relativiste. Depuis que j'ai appris à penser comme toi, je n'ose plus rien affirmer avec sûreté».

Forcément, lorsqu'on vit de cette manière là et qu'on ne quitte pas l'Eglise (ni la chaire ni le salaire) on crée la théologie justificative appropriée. Rahner était un personnage horrible. Comment a-t-il pu être aussi influent sur le Concile? L'Eglise d'aujourd'hui est-elle vraiment dans les mains de ses adeptes? Est-ce vraiment eux qui ont démoli les Franciscains de l'Immaculée. Voulez-vous nous rassurer, Très Saint Père? (Possiamo stare tranquille, Santo Padre?

(* ) Note

RAHNER ET L'ESPRIT DU CONCILE
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[Il vaut la peine de reproduire le résumé, qui prophétiquement signale les ennemis internes de Benoît XVI. Soulignons qu'il date de 2009:]

Roberto De Mattei:

«Karl Rahner, maestro del Concilio, di Martini e della coscienza relativa» (Karl Rahner, maître du concile, de Martini et de la conscience relative),
Il Foglio, 16 juin 2009.

* * *

«Derrère l'opposition intra-ecclésiale à l'enseignement de BXVI il y a la pensée d'un autre influent jésuite - Le nom de Karl Rahner est un passage obligé pour ceux qui veulent entrer au coeur du débat inttraecclésial de nos jours.
En sa qualité de peritus conciliaire du cardinal Franz König, le jésuite allemand joua un rôle crucial dans les coulisses du Vatican II, au point que le futur doyen de la Grégorienne, Juan Alfaro, le définit "le plus grand inspirateur du Concile".
Il a sans doute dominé l'après-concile comme conférencier réputé et écrivain à la production alluvionnaire, prêt à donner avec désinvolture son avis sur tous les problèmes du moment: ses titres dépassent les 4000, ses oeuvres traduites et diffusées dans le monde entier continuent d'exercer une large influence sur le monde catholique contemporain. Le moment semble toutefois venu de "sortir de Rahner", comme le souhaitait implicitement Benoît XVI dans son désormais historique discours à la Curie Romaine du 22 décembre 2005, au sujet des "herméneutiques" du Concile Vatican II.
L'"esprit du Concile" auquel se réfèrent les herméneutes de la "discontinuité" a en effet sa source dans le Geist der Welt de Rahner, cet "Esprit du monde" qui est le titre de son premier et plus important livre publié en 1939.
Dans ce volume Rahner esquisse sa conception philosophique de la connaissance; dans le suivant, "Auditeurs de la Parole" (Hörer des Wortes), paru en 1941, il expose sa vision proprement théologique.

Pour Rahner, l'objet de la science théologique n'est pas Dieu, dont l'existence ne peut pas être démontrée, mais l'homme qui est l'unique expérience dont nous avons l'immédiate certitude. On ne peut pas parler de Dieu en dehors du processus cognitif de l'homme. Plus précisément, Dieu existe en "s'auto-communiquant" à l'homme qui l'interpelle.
(...)
Rahner n'affirme pas que l'homme est nécessaire à Dieu afin que Dieu puisse exister, mais que, puisque sans l'homme, Dieu ne peut pas être connu, la connaissance humaine devient la clé de ce qu'il appelle le "tournant anthropologique" de la théologie.
(...)

En forçant le §16 de "Lumen Gentium", où on parle de la possibilité de salut de ceux qui "ne sont pas parvenus à une connaissance explicite de Dieu", Rahner affirme que le salut n'est pas un problème, car il est assuré à tous, sans limitation d'espace, de temps et de culture. L'église est une communauté vaste comme le monde, incluant les "chrétiens anonymes" qui tout en se définissant comme non-catholiques, ou même athées, ont une foi implicite. En fait, celui qui accepte sa propre humanité, sans le savoir dit oui au Christ, car en Lui il a accepté son humanité". Tous, donc, même les athées, en tant qu'athées, se sauvent s'ils suivent leur propre conscience. Tout homme, lorsqu'il se connaît soi-même, même dans le mal qu'il accomplit, s'il s'accepte en tant que tel, s'auto-rachète et a la foi. Il a d'autant plus la foi, qu'il connaît et accepte sa propre "expérience transcendantale". Comme le remarque à juste titre le père Andereggen, cela signifie que quelqu'un qui s'est fait psychanalyser selon Freud pendant 10 ans, a plus de foi qu'un religieux qui prie.

Le cardinal Franz König, homme fort du progressisme conciliaire, fut un grand légitimateur de Rahner, et en odeur d'hérésie jusqu'à la fin des années 60.
Parmi les nombreux et illustres disciples du jésuite, il faut rappeler l'ancien président de la Conférence épiscopale allemande Karl Lehman et, en Italie, le cardinal Carlo Maria Martini.
Les dernières interview-confessions de Martini, avec Georg Sporschill ("Conversazioni nocturne a Gerusalemme" - traduit en français sous le titre "Le rêve de Jérusalem") et avec don Luigi Verzé ("Siamo tutti nella stessa barca", Edizioni San Raffaele), sont d'empreinte rahnerienne, à cause de l'universalisme salvifique et de la "morale faible".
Martini, comme Rahner, considère que la mission de l'église est d'ouvrir les portes du salut à tous, y compris ceux qui se détachent de la foi et de la morale catholique.
Martini lui-même créa à Milan une "chaire des non-croyants", afin d'écouter leur contribution au salut du monde. Le successeur de Saint Cherles Borromée, renonçait ainsi à la tâche d' apporter le Christ aux non croyants, et confiait à des athées déclarés comme Umberto Eco la mission d'"évangéliser" les fidèles du diocèse ambrosien".

* * *

[Blondet n'a pas reproduit la fin de l'article de Roberto De Mattei, que voici:]

Il est pas exagéré de dire que Rahner est le père du relativisme théologique contemporain.
(...)
Karl Rahner, par l'utilisation sans scrupules de ses capacités intellectuelles incontestables, fut avant tout un grand aventurier de la théologie. Le jeune Ratzinger subit la fascination de sa personnalité, mais il vit très vite les conséquences désastreuses de sa pensée, et, en un sens, il consacra tout son travail intellectuel ultérieur à en réfuter les thèses.
Aujourd'hui, le nom de Rahner est la bannière théologiques de ceux qui s'opposent à la pensée théologique de Benoît XVI-Ratzinger. Son analyse critique mérite d'être portée à son terme.



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