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Synode: le pronostic de John Allen

Il penche pour une évolution, ou un assouplissement de la procèdure d'annulation du mariage (17/9/2014)

Le tableau qu'il brosse ici est très américain, mais les perspectives qu'il indique sont plus que vraisemblables.
Merci à mon amie Anna-Maria qui a trouvé l'article et l'a traduit pour moi.

     

LA RÉFORME DE LA NULLITÉ: UN PARI MALIN POUR LE PROCHAIN SYNODE
Original en anglais: www.cruxnow.com/church/2014/09/15/annulment-reform-is-a-smart-bet-at-looming-synod-of-bishops/
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S'il y avait un pari en ligne à propos du prochain Synode des Evêques sur la famille à Rome, la perspective d'un processus simplifié d'annulation serait fortement favorite à 2 contre 1.
En supposant qu'une des lignes majeures de discussion de la prochaine rencontre du 5 au 19 octobre sera de décider si l'interdiction de l'Eglise au catholiques divorcés et remariés de recevoir la communion doit être levée, le fait de simplifier le processus de nullité paraît une mesure potentielle de compromis qui donnerait à la majorité des camps au moins quelque chose de ce qu'ils veulent.
C'est la raison pour laquelle la réforme de l'annulation pourrait bien remporter le gros lot pour le résultat de la rencontre.
A la différence du divorce, qui se fonde sur l'idée qu'un vrai mariage est dissous, l'annulation est la déclaration d'un tribunal ecclésiastique qu'il n'y a pas eu initialement de mariage parce que ce dernier ne répond pas à un ou plusieurs des critères du droit canon pour sa validité.
Dans certains cas, ces critères impliquent la procédure. Par exemple, le droit canon prescrit que les voeux du couple doivent être reçus par un prêtre catholique et, si un ministre du culte protestant a célébré le mariage, l'union pourrait être considérée nulle et non avenue à cause d'un vice de forme.
Dans d'autres cas, le problème est de fond. On peut par exemple juger qu'un, ou les deux conjoints n'ont pas eu la capacité psychologique de pleinement comprendre leurs voeux au moment du mariage.

L'Eglise catholique considère officiellement le mariage comme un engagement à vie, c'est pourquoi la procédure d'annulation est délibérément lente et prudente, bien qu'un peu moins aux Etats-Unis. Avec à peine 6% de la population catholique du monde, l'Amérique compte entre 55 et 70% des quelques 60 mille déclarations de nullité prononcées dans le monde chaque année.
Les défenseurs du système américain disent que c'est parce que les évêques aux Etats-Unis ont lourdement investi dans la création de tribunaux et dans la formation d'avocats canonistes afin que le processus soit efficace.
Les détracteurs, en revanche, soutiennent que l'Eglise aux Etats-Unis est une «usine à annulation». Sheila Rausch Kennedy, qui s'est longuement et finalement avec succès battue contre la tentative de l'ancien membre du Congrès américain Joe Kennedy d'annuler leur mariage, a dit que les Etats-Unis sont «le Nevada du monde de l'annulation» (ndt: La législation libérale de cet État donne à la ville de Reno la réputation de capitale du divorce express, cf. www.europusa.com)
Toutefois, même aux Etats-Unis beaucoup de ceux qui sont passés par ce processus se plaignent qu'il prenne du temps, soit coûteux et envahissant sur le plan des détails personnels qui sont demandés.
Certes, le nombre des annulations prononcées par les tribunaux ecclésiastique en Amérique est modeste par rapport au nombre des divorcés catholiques. Une étude de 2007 a relevé qu'aux Etats-Unis presque 10% des catholiques ont divorcé et se sont remariés 10 ans après leur premier mariage, chiffre qui monte à 18% après 20 ans.
Cela fait des millions de Catholiques divorcés, parmi desquels peu se soucient de réclamer une annulation.

En terme de politique de l'imminent synode, trois camps principaux s'affrontent sur ce qu'il convient de faire à propos des divorcés et remariés catholiques, et un calcul de probabilités explique pourquoi une réforme de l'annulation est un bon pari.

¤ Un groupe croit qu'il est temps de réviser l'interdiction de la communion, sur la base de la miséricorde et de l'accueil (outreach).
¤ Un autre est d'avis que ce n'est pas faisable parce que cela saperait une doctrine qui vient du Christ lui-même et affaiblirait la défense du mariage traditionnel de la part de l'Eglise. Mais ce camp veut faire quelque chose de plus en faveur des divorcés remariés (??).
¤ Le troixième groupe pense que les dimensions du problème ont été exagerées puisque les fidèles catholiques comprennent et acceptent l'actuelle discipline.

Bien que les effectifs des différents groupes ne soit pas égaux, un calcul élémentaire suggère qu'il peut s'avérer difficile d'obtenir un consensus sur la facilitation des règles d'accès à la communion. Toutefois, il y a une forte majorité en faveur d'autres solutions, avec la réforme de la nullité comme évident point départ .
Un signe d'avancée est que même en Italie, où seulement un tiers des demandes de nullité est effectivement prononcé, on enregistre une demande croissante en faveur de l'élargissement des bases pour reconnaître la nullité du mariage.
En février, une conférence d'avocats ecclésiastiques de la région de Ligurie, en Italie, a proposé d'inclure dans la liste le «mammisme» (ndt: néologisme formé sur "mamma"), c'est à dire une situation dans laquelle les conjoints sont tellement sous la coupe d'un des parents - en général la mère selon ces juristes - qu'ils ne sont pas libres de décider.
Que l'on fasse ou non du «mammisme» un concept légal ou psychologique, cela illustre combien les responsables catholiques sont impatients de rendre les annulations plus accessibles.

Une autre possibilité de réforme vient du Cardinal Sean P. O'Malley de Boston, qui dans un interview de février au Boston Globe (le titre pour lequel écrit actuellemnt John Allen), a lancé l'idée que les annulations pourraient être accélées par l'élimination de la possibilité de faire appel à Rome, une disposition qui implique qu'un cas peut traîner pendant des années si une des parties veut contester le résultat.
Encore une autre possibilité est que le Vatican pourrait encourager les plus riches églises d'Amérique du Nord et d'Europe à aider à créer des tribunaux dans d'autres parties du monde, par exemple en instituant des bourses pour avocats ecclésiastiques (canonistes) afin d'étudier dans leurs universités, ou bien à autoriser quelques-uns de leurs canonistes à des affectations de courte durée pour aider au développement d'un système local.
Toutefois, le fait d'accélérer le processus de nullité ne constitue pas une solution facile, car il y a aussi un fort parti qui croit que le système est déjà trop laxiste.
Les Papes Jean-Paul II et Benoît XVI on tous les deux fait entendre des voix de prudence, en appelant les juges ecclésiastiques à ne pas distribuer les annulations de façon automatique,
alors qu'à la base, des groupes comme «Save our Sacrament» aident les conjoints qui ne croient pas que leur mariage est invalide à s'y opposer.
En outre, de nombreux avocats ecclésiastiques à Rome ou dans d'autres parties du monde catholique, ont longtemps considéré le système américain relativement accéléré comme une aberration et feraient probablement résistance à tout mouvement perçu comme une "américanisation" de la pratique globale.

Aucune décision immédiate ne sera prise en Octobre, puisque ce synode prépare en effet un synode plus élargi, le Synode mondial des Evêques qui inclura plus d'évêques, entre le 4 et le 25 octobre 2015 au Vatican.
On aura bientôt une idée de ce qu'en pensent les évêques et les autres participants qui se réuniront à Rome le mois prochain et, en fin de compte, ce qu'en pense le Pape François à qui reviendra le dernier mot.



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