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Benoît XVI et ses prêtres (3)

Première rencontre avec "son" clergé, celui de Rome, le 13 mai 2005 (8/8/2014)

>>> Texte complet ici: www.vatican.va
>>> Video sur le canal youtube de Raffa: www.youtube.com/watch?v=qdNY0xvZbfE

Le Pape a d'abord prononcé un discours "préparé" (càd en lisant ses notes), où il a rappelé entre autrece que beaucoup de prêtres semblent avoir oublié:

En réalité, tout ce qui est constitutif de notre ministère ne peut être le produit de nos capacités personnelles. Cela vaut pour l'administration des Sacrements, mais également pour le service de la Parole: nous sommes envoyés non pour nous annoncer nous-mêmes, ou nos opinions personnelles, mais pour annoncer le mystère du Christ et, en Lui, la mesure du véritable humanisme. Nous ne sommes pas chargés de dire beaucoup de mots, mais de nous faire l'écho et les porteurs d'une seule "Parole", qui est le Verbe de Dieu fait chair pour notre salut. La parole suivante de Jésus est donc également valable pour nous: "Ma doctrine n'est pas de moi mais de celui qui m'a envoyé" (Jn 7, 16).

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A la fin, il a lu le décret en latin annonçant le feu vert donné à la béatification de Jean Paul II, avant d'observer avec un sourire (car l'assistance explosait en applaudissements):
"Je vois que tout le monde comprend le latin... A présent, je vous donne la parole. Je chercherai dans la mesure du possible à vous répondre à la fin" .

Puis il a écouté les interventions de 21 prêtres avant de répondre par un discours a braccio.
On observera combien il paraissait à l'époque jeune, fort, dynamique.
Et aussi, plein de bonté, de paternité, d'indulgence.

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Discours "a braccio"

Pour finir, je ne peux que remercier pour la richesse et pour la profondeur de ces contributions, dans lesquelles apparaît un presbyterium plein d'enthousiasme, d'amour pour le Christ et d'amour pour le troupeau qui nous est confié, et d'amour pour les pauvres. Et pas seulement de la ville de Rome, mais réellement de l'Eglise universelle, de tous nos frères. Merci également de l'affection que vous m'avez exprimée, qui m'aide tant.

Je ne me sens pas en mesure, à présent, d'entrer dans les détails de ce qui a été dit. Il serait beau de poursuivre une véritable discussion et j'espère que les possibilités se présenteront d'instaurer une discussion concrète, avec des questions et des réponses. En ce moment, j'exprime simplement ma gratitude pour tout. Je sens réellement votre engagement pastoral, je sens que vous voulez construire l'Eglise du Christ ici à Rome, je sens que vous réfléchissez également sur la façon de mieux faire, je sens que tout cela naît d'un grand amour pour le Seigneur et pour l'Eglise.

Je voudrais seulement mentionner trois ou quatre points qui me sont restés en mémoire.
Vous avez parlé de ce lien entre romanité et universalité. Il me semble que c'est un point très important.
D'une part, cette Eglise est une véritable Eglise locale, qui doit vivre comme telle. Il y a des personnes qui souffrent, qui vivent, qui veulent croire ou qui ne réussissent pas à croire. Ici, dans les paroisses, doit grandir l'Eglise de Rome avec sa grande responsabilité pour le monde, car elle porte en elle ce mandat, d'une certaine manière, d'"exemplarité"; de sorte qu'apparaisse dans l'Eglise de Rome, le visage de l'Eglise comme telle et qu'elle soit un modèle pour les autres Eglises locales. Pour pouvoir être un modèle, nous devons nous-mêmes être une Eglise locale, qui s'engage chaque jour dans le travail humble qu'exige le fait d'être Eglise en un lieu déterminé et à une époque déterminée.

Vous avez parlé de la paroisse comme d'une structure fondamentale, aidée et enrichie par les mouvements. Et il me semble que précisément au cours du Pontificat du Pape Jean-Paul II, s'est créé un ensemble fécond entre l'élément constant de la structure paroissiale et l'élément, disons, "charismatique", qui offre de nouvelles initiatives, de nouvelles inspirations et de nouvelles animations. Sous la sage direction du Cardinal-Vicaire (Ruini) et des Evêques auxiliaires, tous les curés peuvent être ensemble réellement responsables de la croissance de la paroisse, en assumant tous les éléments qui peuvent venir des mouvements et de la réalité vécue par l'Eglise dans divers contextes.

Mais je voulais encore parler de ce lien entre romanité et universalité.
Un de nos confrères a parlé de notre responsabilité envers l'Afrique. Nous avons vu comment l'Afrique est présente à Rome, de même que l'Inde et le monde entier. Et cette présence de nos frères nous oblige non seulement à penser à nous, mais à sentir précisément en ce moment historique, en toutes ces circonstances que nous connaissons, la présence des autres continents. Il me semble qu'en ce moment, nous avons une responsabilité particulière envers l'Afrique, envers l'Amérique latine et envers l'Asie, où le christianisme - exception faite des Philippines - est encore en très grande minorité, même s'il grandit en Inde et se présente comme une force d'avenir. Nous pensons donc aussi précisément à cette responsabilité.
L'Afrique est un continent aux très grandes potentialités, dont les populations témoignent d'une très grande générosité, avec une foi vivante qui impressionne. Mais nous devons confesser que l'Europe a exporté non seulement la foi dans le Christ, mais également tous les vices du vieux continent. Elle a exporté le sens de la corruption, elle a exporté la violence qui dévaste à présent l'Afrique. Et nous devons reconnaître notre responsabilité dans ce qui peut permettre que l'exportation de la foi, qui répond à l'attente profonde de chaque homme, soit plus forte que l'exportation des vices de l'Europe. Il me semble qu'il s'agit d'une grande responsabilité. Le commerce des armes a encore lieu. On exploite les trésors de cette terre. Et nous, chrétiens, devons faire toujours plus notre possible pour que la foi y arrive et, avec la foi, la force de résister à ces vices et de reconstruire une Afrique chrétienne, qui sera une Afrique heureuse, un grand continent de l'humanisme nouveau.

On a ensuite parlé de la nécessité, d'une part, d'annoncer, de parler, mais également d'écouter. Il me semble que cela est important dans un double sens.
Le prêtre, le diacre, le catéchiste, le religieux, la religieuse, doivent, d'une part, annoncer, être des témoins. Mais pour cela, ils doivent naturellement écouter, dans un double sens: d'une part, avec l'âme ouverte au Christ, en écoutant intérieurement sa Parole, de façon à ce qu'elle soit assimilée et transforme et forme notre être; et, de l'autre, en écoutant l'humanité d'aujourd'hui, notre prochain, l'homme de notre paroisse, l'homme envers lequel nous avons une certaine responsabilité.
Naturellement, en écoutant le monde d'aujourd'hui qui existe également en nous, nous écoutons tous les problèmes, toutes les difficultés qui s'opposent à la foi. Et nous devons être capables de prendre au sérieux ces problèmes. Saint Pierre, premier Evêque de Rome, dans sa première Epître dit que nous, chrétiens, devons être disposés à donner raison de notre foi. Cela suppose que nous ayons nous-mêmes compris la raison de la foi, que nous ayons réellement "digéré", également de façon rationnelle, avec le coeur, avec la sagesse du coeur, cette parole qui peut réellement être une réponse pour les autres. Dans la première Epître de saint Pierre, dans le texte grec, il est dit avec un beau jeu de mot: "apología", réponse du "logos", de la raison de notre foi. C'est-à-dire, le "logos", la raison de la foi, la parole de la foi doit devenir réponse de la foi. Et nous savons bien que le langage de la foi est souvent très éloigné des gens d'aujourd'hui; il ne peut se rapprocher que s'il devient, en nous, le langage de notre temps. Nous sommes contemporains; nous vivons en ce temps, avec ces pensées, avec ces sentiments. S'il est transformé en nous, il peut trouver une réponse.

Je reconnais naturellement, nous le savons tous, qu'un grand nombre de personnes ne sont pas immédiatement capables de s'identifier, de comprendre, d'assimiler tout l'enseignement du Christ. Il me semble important d'éveiller tout d'abord cette intention de croire avec l'Eglise, même si certaines personnes peuvent ne pas avoir encore assimilé beaucoup de détails. Il faut avoir cette volonté de croire avec l'Eglise, avoir confiance dans le fait que cette Eglise - non seulement la communauté de deux mille ans de pèlerinage du peuple de Dieu, mais la communauté qui embrasse le Ciel et la terre, la communauté dans laquelle sont présents également tous les justes de tous les temps - que cette Eglise animée par l'Esprit Saint est réellement guidée en son sein par l'Esprit, est donc le vrai sujet de la foi. Et l'individu s'insère dans ce sujet, y adhère, et donc, même s'il n'est pas encore totalement pénétré par celui-ci, a confiance et participe à la foi de l'Eglise, veut croire avec l'Eglise. Cela me semble le pèlerinage permanent de notre vie, arriver avec notre pensée, avec notre affection, avec toute notre vie dans la communion de la foi. C'est ce que nous pouvons offrir à tous afin que, peu à peu, ils puissent s'identifier et surtout qu'ils accomplissent toujours à nouveau ce pas fondamental de se confier à la foi de l'Eglise, de s'insérer dans ce pèlerinage de foi, de façon à recevoir la lumière de la foi.

Enfin, je voudrais encore une fois remercier pour la contribution exprimée ici à propos du christocentrisme, de la nécessité que notre foi soit toujours nourrie par la rencontre personnelle avec le Christ, par une amitié personnelle avec Jésus. Romano Guardini, il y a soixante-ans, a dit à juste titre que l'essence du christianisme n'est pas une idée, mais une Personne. De grands théologiens avaient tenté de décrire les idées essentielles constitutives du christianisme. Mais le christianisme qu'ils avaient décrit apparaissait à la fin comme quelque chose de non convaincant. Car le christianisme est tout d'abord un Evénément, une Personne. Et dans la Personne, nous trouvons ensuite la richesse des contenus. Cela est important.

Il me semble que nous trouvons ici également une réponse à une difficulté que l'on entend souvent aujourd'hui à propos du caractère missionnaire de l'Eglise.
De nombreuses personnes nous manifestent la tentation de penser ainsi à l'égard des autres: "Mais pourquoi ne les laissons-nous pas en paix? Ils ont leur authenticité, leur vérité. Nous avons la nôtre. Coexistons donc pacifiquement, laissant chacun comme il est, afin qu'il recherche de la meilleure façon possible son authenticité". Mais comment la propre authenticité peut elle être trouvée si, dans la profondeur de notre coeur, il y a l'attente de Jésus et que la véritable authenticité de chacun se trouve précisément dans la communion avec le Christ, et pas sans le Christ? Autrement dit: si nous avons trouvé le Seigneur et si, pour nous, Il est la lumière et la joie de la vie, sommes-nous sûrs qu'à une autre personne qui n'a pas trouvé le Christ ne manque pas une chose essentielle et que cela ne soit pas notre devoir de lui offrir cette réalité essentielle? Laissons ensuite à la direction de l'Esprit Saint et à la liberté de chacun ce qui arrivera. Mais si nous sommes convaincus et avons fait l'expérience du fait que, sans le Christ, la vie est incomplète, qu'une réalité manque, la réalité fondamentale, nous devons également être convaincus que nous ne faisons tort à personne si nous lui montrons le Christ et si nous lui offrons la possibilité de trouver ainsi sa véritable authenticité, la joie d'avoir trouvé la vie.

Pour finir, je voudrais remercier tous les membres du presbyterium et de la Communauté ecclésiale de Rome, les curés, les vice-curés, tous les collaborateurs dans lrs diverses tâches, les diacres, les catéchistes, en particulier les religieux et le religieuses, qui sont un peu le coeur de la vie ecclésiale d'un diocèse. Merci de ce témoignage qui a été apporté.

Allons de l'avant tous ensemble, animés par l'amour du Christ. Et ainsi, nous avancerons bien!

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