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On ne réforme pas l'Eglise sans conversion

Catéchèse de Benoît XVI du 23 février 2011, consacrée à Saint Robert Bellarmin (3/10/2014)

Consacrée à un saint théologien jésuite italien du XVIe-XVIIe siècle, la catéchèse contenait de nombreux passages que l'on peut considérer comme autobiographiques

Le message est d'une actualité particulière en cette veille de Synode...

Ma traduction d'alors:

Chers frères et sœurs ,

Saint Robert Bellarmin, dont je veux parler aujourd'hui, nous reporte par la mémoire au moment de la douloureuse division de la chrétienté occidentale, quand une grave crise politique et religieuse conduisit à la séparation de nations entières du Siège Apostolique .

Né le 4 Octobre 1542 à Montepulciano, près de Sienne, il était le neveu, par sa mère du pape Marcel II.
Il reçut une excellente formation humaniste avant d'entrer dans la Compagnie de Jésus, le 20 Septembre 1560. Les études de philosophie et de théologie, qu'il effectua entre le Collège Romain, Padoue et Louvain, axées sur Saint Thomas et les Pères de l'Église, furent décisives pour son orientation théologique.
Ordonné prêtre le 25 Mars 1570, il fut pendant quelques années professeur de théologie à Louvain.
Puis, appelé à Rome en tant que professeur au Collège romain, il fut nommé à la chaire d'«apologétique»; durant la décennie où il occupa ce poste (1576 - 1586), il élabora une série de leçons qui aboutirent par la suite aux "Controversiae", devenues immédiatement célèbres pour la clarté du travail, la richesse du contenu, et l'angle essentiellement historique.
Le concile de Trente venait tout juste de s'achever, et pour l'Eglise catholique, il était nécessaire de renforcer et de confirmer sa propre identité, y compris par rapport à la Réforme protestante. L'action de Bellarmin s'insère dans ce contexte.
De 1588 à 1594, il fut d'abord le père spirituel des étudiants jésuites du Collegio Romano, parmi lesquels il rencontra et dirigea Saint Louis de Gonzague, puis des supérieurs religieux. Le pape Clément VIII le nomma théologien pontifical, consultant du Saint-Office, et recteur du collège des pénitenciers (confesseurs) de la basilique Saint-Pierre. Son catéchisme, "Abrégé de doctrine chrétienne" qui fut son œuvre la plus populaire, remonte à 1597-98.

Le 3 Mars 1599, il fut créé cardinal par le pape Clément VIII, et le 18 Mars 1602, il fut nommé archevêque de Capoue. Il reçut l'ordination épiscopale le 21 avril de la même année. Au cours des trois années où il fut évêque diocèsain, il se distingua pour son zèle de prédicateur dans sa cathédrale, pour sa visite hebdomadaire dans les paroisses, pour les trois synodes diocésains et le Conseil (Concile?) provincial auquel il donna vie.
Après avoir participé aux conclaves qui élirent les pape Léon XI et Paul V, il fut rappelé à Rome, où devint membre des Congrégations du Saint-Office, de l'Index, des Rites, des évêques et de la Propagation de la Foi. Il occupa également des postes diplomatiques, auprès de la République de Venise et de la Grande-Bretagne pour défendre les droits du Siège apostolique. Dans ses dernières années, il écrivit plusieurs livres sur la spiritualité, dans lesquels il condensa le résultat de ses retraites spirituelles annuelles. De leur lecture, le peuple chrétien peut encore tirer une grande édification.
Il mourut à Rome, le 17 Septembre 1621. Le pape Pie XI le béatifia en 1923, le canonisa en 1930 et le proclama Docteur de l'Église en 1931.

* * *

Saint Robert Bellarmin a joué un rôle important dans l'Église des dernières décennies du XVIe siècle et du début du siècle suivant.

Ses Controversiae constitueront un point de référence encore valide pour l'ecclésiologie catholique, autour de la Révélation, la nature de l'Église, les Sacrements et la théologie anthropologique. En elles, l'aspect institutionnel de l'Eglise semble accentué, en raison des erreurs qui circulaient alors sur ces questions. Toutefois, Bellarmin clarifia les aspects invisibles de l'Eglise comme Corps mystique et les illustra avec l'analogie du corps et de l'âme, pour décrire la relation entre la richesse intérieure de l'Eglise et les aspects extérieurs qui la rendent perceptible.

Dans cette oeuvre monumentale, qui tente de systématiser les diverses controverses théologiques de l'époque, il évite toute coupure (taglio) polémique ou agressive contre les idées de la Réforme, mais, en utilisant les arguments de la raison, et de la Tradition de l'Église, il explique en termes clairs et efficaces la doctrine catholique.

Cependant, son héritage réside dans la façon dont il conçoit son travail.
Les lourdes tâches de gouvernement ne l'empêchent pas, en effet, de tendre quotidiennement vers la sainteté à travers la fidélité aux exigences de son état de religieux, de prêtre et d'évêque. De cette fidélité découle son engagement à la prédication. Etant, en tant que prêtre et évêque, d'abord et avant tout un pasteur, il se sentait le devoir de prêcher régulièrement.


Il y a des centaines de Sermons - les homélies - tenus en Flandre, à Rome, à Naples et à Capoue lors des célébrations liturgiques. Non moins abondants sont les explanationes et les expositiones aux curés, aux religieuses, aux étudiants du Collège Romain, qui ont souvent pour objet l'Ecriture Sainte, en particulier les Lettres de saint Paul. Sa prédication et sa catéchèse présentent ce même caractère d'essentialité qu'il avait apprise par l'éducation ignacienne , toute tournée à concentrer les forces de l'âme vers le Seigneur Jésus profondément connu, aimé et imité.

Dans les écrits de cet homme de gouvernement, on ressent très clairement, même dans la réserve derrière laquelle il cache ses sentiments, la primauté qu'il accorde à l'enseignement du Seigneur.
Saint Bellarmin offre ainsi un modèle de prière, âme de chaque activité: une prière à l'écoute de la Parole de Dieu, qui est comblée d'en contempler la grandeur, qui ne se replie pas sur elle-même, mais est heureuse de s'abandonner à Dieu.
Un signe distinctif de la spiritualité de Bellarmin est la perception vive et personnelle de l'immense bonté de Dieu, raison pour laquelle notre Saint se sentait vraiment fils aimé par lui, et c'était une source de grande joie de se reccueillir avec sérénité et simplicité, dans la prière et la contemplation de Dieu . Dans son livre De ascensione mentis in Deum - élévation de l'esprit vers Dieu - composé sur le modèle de l'Itinerarium de Saint-Bonaventure, il s'écrie: « O âme, ton exemple est Dieu, beauté infinie, lumière sans ombre, luminosité qui dépasse celle de la lune et du soleil. Lève les yeux vers Dieu, dans lequel se trouve les archétypes de toutes choses, et duquel, comme source de fécondité infinie, dérive cette variété presque infinie des choses. Tu dois donc conclure: Qui trouve Dieu trouve chaque chose , qui perd Dieu perd toute chose" .

Dans ce texte, on entend l'écho de la célèbre "contemplatio ad amorem obtineundum" - la contemplation pour obtenir l'amour - des Exercices Spirituels de saint Ignace.
Bellarmin, qui vécut dans la société fastueuse et souvent malsaine de la fin du XVIe siècle et du début et du début du XVIIe, tirait de cette contemplation des applications pratiques et y projetait la situation de l'Eglise de son temps avec une vivante inspiration pastorale.
Dans De arte bene moriendi - l'art de bien mourir - par exemple, il indique comme norme sûre pour bien vivre et aussi pour bien mourir, de méditer souvent et sérieusement que nous serons responsables devant Dieu de nos actes et de notre manière de vivre, et d'essayer de ne pas accumuler des richesses en ce monde, mais de vivre simplement et avec charité, afin d'accumuler des biens dans le ciel.
Dans De gemitu columbae - Le cri de la colombe, où la colombe représente l'Eglise - il appelle avec force le clergé et tous les fidèles à une réforme personnelle et concrète de leur vie en suivant l'enseignement de l'Écriture et des saints, parmi lesquels il cite saint Grégoire de Nazianze, saint Jean Chrysostome, saint Jérôme et saint Augustin, en plus des grands fondateurs d'ordres religieux tels que saint Benoît, saint Dominique et saint François.

Bellarmin enseigne avec une grande clarté et l'exemple de sa vie qu'il ne peut y avoir aucune vraie réforme de l'Église s'il n'y a pas en premier lieu notre propre réforme et la conversion de notre coeur.

Dans les Exercices Spirituels de saint Ignace, Bellarmin puisait des conseils pour communiquer d'une manière profonde, même aux plus simples, la beauté des mystères de la foi: «Si tu as de la sagesse, tu comprends que tu es créé pour la gloire de Dieu et pour ton salut éternel. Ceci est la fin, ceci est le présent et le centre de ton âme, ceci est le trésor de ton cœur. Estime donc comme vrai bien pour toi ce que te mène à ton but, et comme vrai mal ce qui te le fait manquer. Evénements indésirables ou prospères, richesse et pauvreté, maladie et santé, honneur et outrages, la vie et la mort, l'homme sage ne doit ni les chercher ni les fuire pour lui-même. Mais ils ne sont bons et souhaitable que s'ils contribuent à la gloire de Dieu et à ta félicité éternelle, ils sont mauvais et à éviter s'ils y font obstacle" (De ascensione mentis in Deum, grad. 1).

Ces mots ne sont pas passés de mode, mais à méditer longuement afin de guider notre chemin sur cette terre. Ils nous rappellent que la fin de notre vie est le Seigneur, le Dieu qui s'est révélé en Jésus-Christ, dans lequel Il continue à nous appeler et à nous promettre la communion avec Lui.
Ils nous rappellent l'importance de la confiance dans le Seigneur, de nous dépenser dans une vie fidèle à l'Evangile, d'accepter et d'illuminer par la foi et la prière toutes les circonstances et toutes les actions de notre vie, toujours tendus vers l'union avec Lui

Amen.

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