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Sachez vous reposer!

Un texte familier et plein d'humour du pasteur Joseph Ratzinger. A lire et à relire chaque année à la même époque (6/7/2014)

     

Ce texte "pastoral", prouve que le futur Benoît XVI savait s'adresser à tous les auditoires, dans tous les registres, y compris celui de l'humour.
Déjà reproduit dans ces pages, il se trouve dans le livre "La gloire de Dieu aujourd'hui" (édition Parole et Silence) .

Oserait-on suggérer à François, très fatigué à juste titre, de s'inspirer de ce sage conseil de son prédécesseur, et de se reposer un peu pendant les mois d'été?

Pouvoir se reposer

Pour le 17e dimanche de l'année, le nouvel ordo de la liturgie catholique a sélectionné un évangile qui nous montre à quel point les disciples de Jésus étaient déjà confrontés au problème du stress et du repos (Marc, 6,30-34). Rentrant de leur première mission, les apôtres sont remplis de ce qu'ils ont vécu et réussi à faire. Ils ne se lassent pas de raconter leurs succès et ils ont suscité autour d'eux une vie si animée qu'ils n'ont même plus le temps de manger tant les gens ne cessent de venir les voir. Peut-être espèrent-ils être félicités de leur zèle mais au lieu de cela Jésus les exhorte à aller ensemble à un endroit où ils seront seuls pour pouvoir se reposer.

Je crois que cela fait du bien de voir l'humanité de Jésus se manifester lors de cet épisode car cela montre qu'il n'a pas forcément recours à des formules grandiloquentes pour s'adresser à nous. Il ne s'acharne pas non plus à vouloir régler tous les problèmes qui se présentent.
Je peux parfaitement m'imaginer son visage à ce moment-là.
Alors que les apôtres sont en train de se déchirer, qu'ils en renoncent même à leur repas par zèle et par souci de leur importance, Jésus les ramène aux réalités terrestres : reposez-vous un peu maintenant ! On perçoit la pointe d'humour, l'ironie amicale avec laquelle il les ramène dans le concret.

C'est précisément dans ces moments d'humanité que sa divinité devient perceptible et c'est aussi dans son humanité que la nature de Dieu devient perceptible. N'importe quel type d'agitation quelle qu'elle soit, même religieuse, est très éloignée de l'image de l'homme qui se trouve dans le Nouveau Testament.

Nous nous surestimons à chaque fois que nous croyons être complètement indispensables ou que le cours du monde ou de l'Église dépend de notre capacité à faire preuve d'une agitation débordante.
C'est souvent un acte d'authentique humilité et d'honnêteté constructive de savoir nous arrêter, reconnaître nos limites, nous accorder un temps pour souffler et nous reposer conformément à ce qui a été prévu par Dieu pour l'homme.

Je ne voudrais pas me faire ici le défenseur de la paresse mais réviser un tant soit peu le catalogue des vertus tel qu'il a fini par s'imposer dans le monde occidental où seuls comptent l'action et le travail. La contemplation, l'étonnement, le recueillement, le silence y sont devenus des postures indéfendables ou tout moins nous nous sentons obligés de les justifier. C'est ainsi que périssent des aspects essentiels du potentiel humain.

Nos activités de loisirs en sont la meilleure illustration. Il ne s'agit souvent que d'un changement de lieu et beaucoup ne se sentiraient pas très bien s'ils étaient privés de la fréquentation des masses et des activités qu'ils voulaient pourtant fuir. Alors qu'il nous serait si indispensable, nous qui vivons dans un monde d'artifices, de nous extraire de tout cela et de chercher la rencontre avec la dimension authentique de la Création.

Je voudrais aussi évoquer ici un épisode relaté par le Saint-Père (Jean-Paul II alors qu'il était encore cardinal) dans ses conférences de retraite pour Paul VI. Il y parle de ses entretiens avec un scientifique « un chercheur remarquable et un homme parfait » et le cite par deux fois : «Du point de vue de ma science, je suis athée... » mais aussi: « chaque fois que je me retrouve face à la majesté de la nature, des montagnes, je sens qu'Il existe ».

Redisons-le : dans un monde d'artifices, Dieu ne se manifeste pas. Il nous est donc d'autant plus indispensable de nous extraire de nos activités, de chercher le souffle de la création afin de pouvoir le rencontrer et de pouvoir nous trouver.

* * *

Marc 6, 30-34
30 Les Apôtres se réunissent auprès de Jésus, et lui rapportent tout ce qu'ils ont fait et enseigné.
31 Il leur dit : « Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux qu'on n'avait même pas le temps de manger.
32 Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l'écart.
33 Les gens les virent s'éloigner, et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
34 En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement.

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