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Benoît et François

Une lettre de Jeannine (12/2/2015)

Le Pape émérite et son frère

dans la chapelle du couvent Mater Ecclesiae, janvier 2014

Chère Béatrice,

Merci d'avoir trouvé la raison de cette si belle lettre de Benoît XVI à l'évêque émérite Kapellari (cf. Une lettre du pape émérite). Je me posais la question mais l'essentiel était le geste de Benoît, cette amitié ancrée dans sa mémoire et la délicieuse surprise faite à celui qui prenait sa retraite.

I. Benoît

IL Y A UN AN
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Nous sommes le 11 février et je repense tout particulièrement au même 11 février 2013; je vois encore mon mari venant me dire " le pape démissionne " : un coup de tonnerre.

Par pragmatisme, mais surtout pour avoir moins mal, je me suis dit que le temps allait passer et le rendre plus lointain. La radicalité de ses paroles : ne plus le voir et rester seulement uni par la prière, m'a fait prendre conscience qu'il quittait le devant de la scène, qu'il restait trois semaines avant la date buttoir du 28 février et qu'après on allait vers l'inconnu. Bizarrement je n'étais pas inquiète pour lui car il allait vers la vie qu'il voulait. Par contre devant son épuisement, cette fatigue qui l'accablait mais ne l'empêchait pas de remplir toutes les obligations fixées par lui jusqu'à son départ, mon anxiété était grande.

Par grâce notre pape émérite a bien récupéré et cette nouvelle vie lui convient.

Je regrette toujours son immense intelligence, son sourire, sa douceur empreinte de fermeté, son exquise courtoisir, sa finesse, sa distinction, son élégance, son humilité, sa prescience de l'avenir du monde et de l'Eglise, sa foi solide comme le roc, qu'il proposait en l'expliquant aux fidèles, à travers les Ecritures, la vie des Saints, les modèles plus simples à suivre mais riches de leur amour de l'Eglise. La liturgie n'était pas oubliée et le calendrier liturgique était expliqué avec précision pour le rattacher à la vie courante. Ses textes étaient ciselés et il y glissait, avec discrétion, des petits pans de cette vie qui était la sienne. Les "lectio divina", entre autres, étaient à écouter, à relire, à voir, les mains de pianiste accompagnant les paroles pour les renforcer, mieux les présenter, attirer sur des points bien précis l'attention de l'auditoire. J'ai en mémoire, la dernière avant la renonciation avec un pape épuisé, accueilli avec chaleur , enthousiasme par ses séminaristes et le texte qui coulait avec la limpidité d'une eau de source, des séminaristes écoutant comme des petits écoliers, certains un peu surpris devant tant de science et de paternelle exigence, l'applaudissement final, très long, un triomphe et pour finir le repas du soir pris avec eux comme d'habitude, on était le 8 février !.

Ce qui me manque aussi c'est son sens de la beauté, de la plus simple à la plus achevée, son amour de la musique. A la fin des concerts, le cadeau rêvé pour lui faire plaisir, son commentaire éclairé présentait les œuvres interprétées et les rendait claires à qui ne les avait bien suivies.

J'ai été marquée par cette prédestination depuis la naissance jusqu'à l'homme qu'il est maintenant Une vie au sein d'une famille profondément croyante, unie, simple. Même dans la période de la guerre décrite par son frère, on retrouve Joseph qui, avec du papier et un crayon écrit des poèmes, des petites prières et par là-même échappe un peu à ce climat pesant. L'enfance s'éloigne, séminariste, prêtre, le chemin lui paraît tout tracé : enseigner, lire, écrire, apprendre, être toujours plus proche de Dieu. La providence transforme la ligne droite en une sinusoïde pour répondre aux appels qu'il reçoit. Distingué pendant le Concile, puis archevêque puis très vite cardinal, rien de ce qu'il avait imaginé n'existera. L'ascension vers le point culminant est commencée et le départ pour Rome marque la fin des espoirs de Mgr Georg Ratzinger lorsqu'il apprend , que même à la retraite, son petit frère ne reviendra pas en Bavière. Le pontificat détruit toute vie privée et cela a été douloureusement ressenti par eux deux.

BENOIT DANS L’INTIMITE DE LA FAMILLE
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Le pape Benoît XVI vit au Vatican mais derrière cette vie qualifiée d'austère il y a une famille recomposée : la famille pontificale avec Mgr Gänswein, les quatre memores domini et de quoi accueillir bien sûr son frère et ainsi ne pas rompre le lien familial et compléter la proximité téléphonique. Le cercle est restreint mais autour de lui la vie "comme à la maison" est recréée avec ses joies, ses peines, la vie courante en somme.

J'apprécie de trouver dans des forums tant de photos mises en ligne par ceux qui ont la gentillesse de les partager. Grâce à ces sources on découvre l'homme dans d'autres activités que les grandes célébrations ou les engagements. Benoît XVI est Joseph Ratzinger, très simple, riant, partageant, n'ayant pas encore l'obligation qu'il s'est créée de s'effacer derrière la fonction. Ces apports photographiques, souvent liés à des précisons, reliés à des dates de célébrations de diverses importances, font apparaître un personnage à l'opposé du " panzerkardinal " crée par les médias incapables de sortir de leur bêtise crasse et de leur haine.


IL NOUS A STIMULES INTELLECTUELLEMENT
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Je n'oublie pas que, pour pouvoir le suivre, l'ordinateur m'est devenu indispensable. Vous m'avez donné le goût et l'idée de fouiller pour ne pas rester celle qui attend passivement ce que l'on va lui servir sur un plateau. L'italien m'est devenu familier, j'ai repris l'anglais et l'espagnol de mes années d'études et ainsi je peux trouver dans les forums des articles que je comprends. Pour l'allemand, à dose homéopathique j'ai mon traducteur-maison. Ses textes si bien préparés m'ont fait découvrir tant de choses que je ne peux que lui en être infiniment reconnaissante

RECUPERATION
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Je rends grâce pour la façon inespérée dont Benoît XVI a récupéré.

Impossible d'oublier le dernier 8 décembre (2012), lors du traditionnel hommage à l’Immaculée, Place d’Espagne, bien enveloppé dans le grand manteau rouge, tassé dans le fauteuil, le visage amaigri, crispé par la fatigue mais présent en dépit d'une météo déplorable, il m'a paru encore plus fragile; pareil pour la célébration du Mercredi des Cendres. Ses yeux si mobiles au regard profond paraissaient sans vie dans le visage figé.

Les débuts à Castel Gandolfo n'ont pas été aisés, Mgr Gänswein a d'ailleurs dit "au début Benoît XVI n'allait pas très bien". Entouré d'affection, d'attentions, de soin, il a fait des progrès. Il fallait laisser du temps au temps. Parfois il y avait des nouvelles, des photos, peut-être volées mais je reconnais que ce n'était pas mon grand souci. Son environnement, son entourage, lui assuraient la paix, la sérénité auxquelles il aspirait pour prier, se ressourcer, reprendre des forces; j'étais heureuse. N'ayant plus rien à suivre je me suis replongée dans les archives, repris ses voyages qui, en dépit des prédictions catastrophiques, étaient des succès, regroupé ses textes par catégories afin qu'ils me soient plus accessibles, avec lui j'étais tranquille, son gouvernement était fiable et tout était bon à compulser pour s'instruire. Des visites avaient lieu et le silence, l'isolement, étaient moins stricts que ce que j'avais craint.

VISITES AU MONASTERE
(cf. /benoit-et-moi.fr/2014-II/benoit/rencontres-privees-de-benoit-xvi-en-2014)
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L'année 2014, si elle a vu le pape émérite regarder l'envol de son successeur ( cf. interview de Mgr Gänswein, le 27/2/2014, benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/le-pape-benoit-regarde-son-successeur-senvoler) montre également l'accélération des visites au Monastère avec, en plus, des communications écrites de Benoît XVI.

Les visiteurs sont variés et il est valorisant de constater que ce pape humble, effacé, garde le même pouvoir d'attraction malgré les années qui passent. Les dernières entrevues parlent d'un pas lent, mais sans aide à la marche, un regard profond, un accueil dans un cadre sobre, intime, décoré selon son goût. Maintenant il reçoit qui il veut et réserve une magnifique surprise en répondant par deux fois à deux demandes d'audience fort anciennes et jugées classées sans suite par leurs auteurs.

Le visiteur vient au Monastère, une vraie bénédiction, franchit le portail de ce lieu calme avec fleurs, jardins, arbres, oiseaux libres. C'est là que vit cet immense théologien, à la mémoire encyclopédique, à l'intelligence phénoménale, avec une vue magnifique sur Saint-Pierre et une chapelle personnelle, ce lieu de recueillement pour prier ce Dieu auquel il a toujours dit "oui".

Les rencontres se déroulent dans la simplicité, Benoît XVI écoutant, posant des questions, ayant le passé en mémoire, les noms, les lieux et les faits qui s'y rapportent. Bien installé sur le canapé blanc, comme pour le portrait sur verre (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I/benoit/un-portrait-de-benoit-en-vitrail), il accorde le temps demandé par l'artiste, un léger sourire aux lèvres. De la personnalité au simple visiteur, notre pape émérite s'adapte sans problème, il sait se mettre, sans faute de goût, au diapason de celui qu'il reçoit, c'est cela l'amour du prochain. A la fin de ce moment de grâce, Benoît XVI remet un chapelet qui doit être conservé comme un trésor, je pense. On le photographie pour garder une image précieuse de cette visite, celui qui repart emporte avec lui une lumière, celle de la foi si profonde qui éclaire le regard du pape émérite.

FLASH-BACK, PARIS, 2008
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En parlant de simplicité dans les rencontres j'ai le souvenir, lors du voyage en France en 2008, de Benoît XVI, alors qu'il traverse la cathédrale après les vêpres, interpelé en allemand, très spontanément, par les Bénédictines de Vauhallan et Sœur Gabrielle-Marie du Prieuré des Sœurs de Sion-la-Solitude, elles sont ravies, explosent de joie, les mains tendues vers lui. Ces mots dans sa langue maternelle l'étonnent, il s'arrête avec le sourire et les salue. Entouré du cardinal Vingt-Trois, décontenancé, de Domenico Gianni, visage fermé, sévère, main sur la cravate, des gardes du corps impassibles, de Mgr Jacquin dubitatif, cette légère entorse au protocole (maintenant une habitude ‘gérée’ avec le sourire) a fait le sujet de la grande photo, double-page de Paris-Match, légendée " la foi dans la joie " avec ce sous-titre de paragraphe : "Le Pape est en récré". Pas très respectueux allez-vous me dire mais si vrai tant on perçoit la joie, le bonheur sous les hautes voûtes de Notre-Dame de Paris. Une fois de plus, impossible de ne pas remarquer la classe du Pape qui sait apprécier mais garde son allure souveraine. Les autres photos de la cathédrale avec Benoît XVI, célébrant, vêtements avec l'or qui domine, la célèbre rosace éclairée par un soleil magnifique et inespéré, sont des clichés inoubliables pour moi. Benoît XVI était visiblement heureux, d'autant plus qu'il aimait et aime toujours la France.

A MATER ECCLESIAE
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Le décor a changé et il a retrouvé la simplicité qui est la sienne. Dans une soutane blanche toujours impeccable on le voit assis dans un simple fauteuil devant sa maison, serein. Une autre fois la soutane souffre peut-être de la présence dans ses bras d'un chaton pour une douce et attentive caresse ou d'une tentative d'escalade, excellent pour s'agripper, les memores arrangeront cela. Ces petits animaux aimés lui donnent de la joie et c'est l'essentiel. Maintenant ce sont deux chats très indépendants qui s'invitent à leur gré dans cette maison accueillante : reçus, appréciés mais libres. Devant la façade et aux fenêtres, suivant la saison, des jardinières fleuries, un sentier pour se promener, des arbres pour la beauté de leur verdure et pour l'ombre bienfaisante, des oiseaux qui visitent ce territoire protégé, deux jardins, un manoir simple pour un occupant qui l'est tout autant. Cette image me rappelle Verlaine :
« Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là, simple et tranquille ».

A l'intérieur un salon confortable pour recevoir les hôtes, des teintes fondues et claires, des tableaux et, bien évidemment, "ses livres", "ses vrais amis". Tout cela parle d'une vie calme, organisée, bien équilibrée où chaque occupation trouve sa place.
Grâce à l'anniversaire de son frère (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I/benoit/tout-va-bien) nous avons eu des photos fort belles et notre pape émérite, debout en manteau blanc, avec un visage serein, bien reposé, m'a paru en excellente forme, toujours attentif avec bienveillance, douceur et sourire à celui qui lui parle. Il me semble que la brève hésitation qui se manifestait souvent au début des rencontres a disparu. J'ai admiré le calme qu'il conservait dans les périodes de vent contraire, la barque de Pierre voguait sur des flots agités mais il gardait le cap.
L'Avent et Noël avaient apportés des décorations à Mater Ecclesiae, de la joie et cet anniversaire prolongeait cette ambiance festive avec, suprême cadeau, de la musique tant appréciée, preuve d'une fête bien organisée. Sœur Christine était présente aux côtés de Mgr George Ratzinger, le cardinal Koch aussi, c'est celui dont les confrères disaient qu'il avait perdu son sourire depuis sa création cardinalice par Benoît XVI. Je pense que Mgr Georg Ratzinger doit garder son humour car les visages des artistes qui viennent le saluer sont souriants, amusés.
Ce pape est libre et il l'a montré lors de sa décision. Cette vie si différente lui permet de continuer à dire "oui" d'une autre façon mais sa prière si profonde, si féconde, ne peut que nous aider dans les temps perturbés que nous vivons; merci Saint-Père. Je suis une femme et, partant de cela, j'ai été sensible à son élégance, à sa distinction, à sa douceur. J'ai apprécié son érudition qui a fait travailler mes neurones pour tenter de combler une petite part de mes lacunes. Dans des textes très travaillés, pessimistes selon certains, il parlait toujours de la joie de croire, de la joie de la foi. Je le connaissais un peu avant 2005 et je l'ai suivi avec un affectueux intérêt depuis; rien n'a changé en 2013. Il n'a rien perdu des qualités que j'appréciais. Cela peut surprendre, déplaire, mais c'est ainsi. Comment ne pas remercier ceux qui ont la gentillesse de partager leurs rencontres avec ceux qui attendent des nouvelles de ce pape qu'ils admirent et aiment toujours.

II. François

OÙ VA LE PAPE?
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Le Pape François me déconcerte. Où va-t-on?

Si moi je ne le sais pas, lui le sait (sans doute !) car le cap est fixé par lui et il termine toujours ce qu'il a entrepris : ce n'est pas de moi mais de proches qui le pratiquent depuis de longues années. Il parle des surprises de Dieu et je suis réticente car les surprises ne m'inspirent guère confiance. Moi, je suis toujours à la recherche d'un plan rigoureux pour lutter contre les insuffisances de cette Eglise qu'il dirige comme un général d'armée: pragmatique, rationnelle, à mon âge je ne changerai pas. Son vocabulaire est coloré, ordinaire, ne convenant pas pour moi à un pape, même à l'évêque de Rome puisqu'il préfère ce titre. Est-ce à ce prix que l'on peut devenir la personnalité favorite des médias et de la foule?

Quelqu’un a écrit " le pape a beaucoup de mal à comprendre que tout ce qui arrive en Europe et aux Etats-Unis ait toujours la priorité sur ce qui se passe ailleurs, au Nigéria, en Irak, en Syrie, au Yémen, où des milliers de gens meurent presque dans l'indifférence ".
Certes nous avons des torts, mais en acceptant d'être l'évêque de Rome, il savait bien qu'il devenait le pasteur d'un troupeau regroupant différentes nationalités, cultures, croyances et je ne vois en quoi nous n'avons pas le droit d'exister au même titre que les autres.

Je ne m'étends pas sur les défauts qu'il nous attribue avec constance pendant les homélies du matin et qui à travers les prêtres visent tous les chrétiens. Pauvreté, mondanité, miséricorde, charité, globalisation, mondialisation, un leitmotiv. Il y a beaucoup à faire mais certains problèmes n'ont pas l'honneur d'attirer son attention, ils sont réservés à sa seule décision

Les membres de la Curie ne sont pas parfaits, rien à redire à cela, que leurs fautes soient plus ou moins graves, c'est certain mais je ne suis pas Mgr Gänswein qui pense que cette envolée brutale, cinglante, lors des vœux à cet organisme, peut être salutaire et inciter à réfléchir pour nous tous, jusqu'au simple fidèle (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I/actualites/une-interview-de-mgr-gaenswein).

Je pense que les mises au point en public sont un signe de maladresse. Certaines émises en privé, bien assénées, ont bien plus de chance d'être entendues et écoutées car selon moi elles respectent les personnes, et permettent des échanges qui se révèlent souvent constructifs. Avoir du doigté, ne pas humilier, ne sont pas des signes de faiblesse mais d'intelligence, d'autorité bien gérée sans verser dans l'autoritarisme. Je regrette que le pape ait offert aux médias, qui l’ont beaucoup appréciée, cette sortie aussi maladroite qu’inutile (pensez-donc le pape critique l'Eglise !).

Ce n'est d'ailleurs pas la seule : les lapins, la fessée, le coup de poing en cas de critique de sa mère, il y en aura d'autres. Dans une conversation privée on dit ce qu'on veut, mais lancer de tels propos en sachant fort bien qu'ils vont faire le tour du monde à la vitesse de l'éclair relève pour moi soit de l'inconscience soit du désir d'imposer un style qui ne changera pas, des deux à la fois sans doute.

Le zeste d'Amérique Latine attribué par Mgr Gänswein à François me paraît sous-évalué. Au long des confidences recueillies auprès de proches on trouve un pape héritier d'une culture caustique, celle des portenos qui lancent des mots bruts sans prendre de gants (J-M G). « On ne peut nier sa filiation et ce besoin irrépressible de fustiger tout ce qui ne correspond pas à la radicalité de ce qu'il désire installer d'où de l'incompréhension et des interrogations au sein de sa base ». Je suis d’accord !

Sur le voyage mémorable aux Philippines avec une fréquentation jamais atteinte, j'ai relevé (Radio Vatican, 15/1) que pour la fête du Nazaréen (une statue miraculeuse) cinq à six ou sept millions de fidèles ( nombre à vérifier) s'étaient déplacés à Manille la semaine précédente, donc il faudrait relativiser. Lorsque l'on arrive à ce stade de fréquentation que peuvent valoir les évaluations? Ces grands rassemblements sont festifs, chaleureux avec des larmes de joie, d'émotion, cependant combien de fidèles seront marqués durablement par cette célébration? Je le dis pour lui comme pour tous ses prédécesseurs, une silhouette blanche perdue dans l'étendue mal définie n'a pas pour moi la même valeur qu'une proximité plus grande lors d'une rencontre plus ordinaire. J'aime l'organisation et avec une telle affluence, la fatigue, le bruit, je me demande quelle part est réservée à l'intériorité. Je n'aime pas la foule qui peut se révéler fort imprévisible.

Mais j'ai noté aussi, fournis par Radio Vatican, les détails suivants : lors du voyage au Sri Lanka, avant le départ pour les Philippines ( 15/1) François s'est rendu au centre Benoît XVI à Bolawalana, à huit kilomètres de l'aéroport. La veille, le 14/1, profitant d'un moment libre il est allé dans un temple bouddhiste suite à l'invitation du moine qui le gère; brève visite mais il a cependant remarqué une photo de ce moine avec Benoît XVI au Vatican. Récemment il a repris un long passage de Benoît XVI, cité comme tel. Détails me direz-vous, aucun intérêt pour les médias mais je crois que c'est à travers ces petites choses que l'on peut essayer de comprendre les papes bien plus que dans les bains de foule. Benoît XVI a fort bien parlé des messes océaniques, un pape n'est pas une star sur un podium.

François a ravalé l'image de la papauté en supprimant ce qui faisait une figure emblématique et ce n'est pas fini. Cette évidente simplification renforce, sans tapage, son pouvoir en concentrant entre ses mains toutes les décisions selon son gré et le plan qu'il a défini en bon jésuite, tout est bien calculé et, en augmentant le temps de réalisation des différentes entreprises, il est permis d'espérer de voir s'émousser les tensions, les revendications. Cela fait partie de son jeu, ne s'éloignant pas de la doctrine mais faisant une large part aux idées d'ouverture, celles qui parlent à son cœur. Je n'aime pas faire naître des espoirs qui ne seront peut-être pas tenus.
Il fait la morale, ce n'est pas son rôle selon moi. Il s'entoure de proches qui ne sont pas des exemples pour la foi catholique et aiment pour certains porter au pinacle des souhaits d'ouverture qui interpellent, qui inquiètent. Les anniversaires de Benoît XVI étaient marqués avec discrétion, l'exécution du tango m'a paru être un choix que j'aurais vu réservé au privé.
Saint-Jean-Paul II a disparu de la scène. Pour le prochain synode la liste des représentants a été publiée et la Pologne ne figure pas. Dans une période ouverte à l'évolution des prises de positions trop stricte, à l'accueil de tous et partant de tout, il est certain que cette nation très catholique, avec des avis très fermes sur le mariage et la famille fait figure de trouble-fête.
La France a fait l'objet de distinctions, cela m'a surprise mais pour l'ouverture au progressisme il faut reconnaître que nos évêques sont, pour certains, de grandes pointures.

Voici comment m'apparaît François, de quoi m'accuser de crime de lèse-papauté. Son pouvoir de séduction n'a pas de prise sur moi. Pour moi un pape doit parler de foi pour l'enraciner dans le cœur des fidèles et ne pas trop se perdre dans le social qui, avec lui, s'étend de plus en plus. Pourtant, il paraît que ce qu'il fait correspond tout à fait aux aspirations des foules, ce serait à vérifier mais la facilité apparente est toujours attirante.

A bientôt

Jeannine

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