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La diffamation de Pie XII

C'est le titre d'une biographie de Pie XII. Et d'un très bel article qui revisite la figure du grand Pape, sur le site The Remnant. Trouvaille et traduction de Anna.

The defamation of Pius XII

http://remnantnewspaper.com
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A l'automne 1990 je fus affecté à l'Ambassade des Etats-Unis près le Saint Siège comme Conseiller de l'Ambassadeur, le défunt Thomas Melady. C'était un des postes les plus récents de notre service diplomatique, car les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et le Saint Siège n'avaient été établies que six ans auparavant pendant l'administration Reagan. Le poste se révéla celui qui m'a le plus marqué, car il donnait non seulement une vision de l'intérieur du fonctionnement du Vatican, mais de l'intérieur de la Cité du Vatican également. Combien de gens savent, ou imagineraient, qu'il y a un héliport à l'intérieur du Vatican? (n.d.t: à présent nous le savons bien, nous aussi).

La chancellerie, ou édifice de l'ambassade, était ce que les italiens appellent un "palazzo", une large bâtisse, qui avait servi auparavant comme maison familiale, situé sur la via Aurelia 294, dans une jolie partie de Rome sur le Janicule, une des collines proches du Vatican. Le palais était assez spacieux pour notre personnel restreint, et peu après mon arrivée le gardien de l'édifice me demanda si je désirais voir quelque chose d'insolite à l'étage supérieur. Je le voulais bien.

Il me conduisit en haut d'un escalier qui ouvrait sur une petite chambre entourée de fenêtres de tous côtés. C'était dans cette chambre, me dit-il, que le jeune et frêle Eugenio Pacelli passait la plus grande partie de l'été pour éviter la chaleur de Rome; la future ambassade américaine avait été propriété de la famille du futur Pape Pie XII pendant des générations.

Je ne peux pas dire que ma connaissance de ce pape commença dans cet édifice, mais je sais que ce lien raviva un intérêt plus profond de ma part pour ce prêtre et pape. Il a aussi accru ma conscience de la polémique qui a sévi autour de lui pendant le dernier demi-siècle, une polémique qui a empêché la finalisation du processus de canonisation commencé en octobre 1967, privant ainsi d'une sainteté bien méritée un pape exceptionnel du 20ème siècle.

The Defamation of Pius XII (La diffamation de Pie XII), a été écrit par Ralph McInerny, (1929-2010), ancien professeur de philosophie,t directeur du Centre Jacques Maritain à l'Université Notre Dame, et auteur de la série policière en 29 volumes du Père Dowling. On pourrait dire que son livre est un mémoire juridique pour rectifier les faits et, donc, un soutien retentissant du Pape Pie XII.

L'objectif de McInerny est de rejeter les sordides tentatives visant à priver ce saint prêtre de sa place méritée parmi les plus grands papes, bien que le livre, publié en 2001, ne tienne pas compte de l'effort actuel du "postulateur" de Pie XII, le Père Stephen Gumpel, S.J., de poursuivre la croisade pour la canonisation finale du pape défunt. Les efforts du Prof. McInerny et du Père Gumpel n'ont pas encore porté de fruits, car le procès de canonisation de Pie XII a été plusieurs fois retardé, presque écarté, et sous l'actuel pontife mis dans l'oubli. Se pose donc la question: pourquoi?

Le jeune garçon de la mansarde de la Via Aurelia, qui allait devenir le Pape Pie XII, était né le 2 mars 1876, et, selon la coutume de l'époque, il fut baptisé deux jours après avec les noms de Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli. La famille Pacelli avait depuis longtemps été active au Vatican: le grand-père Marcantonio avait été Ministre des Finances et ensuite Ministre des Affaires Etrangères sous les Papes Grégoire XVI et Pie IX; le père Filippo était avocat à la congrégation pour la Sacra Rota (la Cour d'Appel du Vatican qui traite essentiellement des annulations de mariages); les deux faisaient partie de la "Noblesse Noire", ceux qui soutenaient un gouvernement papal, et pas monarchique, de l'Italie.

Après que les Etats pontificaux furent définitivement perdus en 1870, le Pape Pie IX s’enferma "comme prisonnier dans le Vatican" et n'en sortit plus. Dans ce contexte, Eugenio Pacelli fut ordonné prêtre en 1899 et la défense de l'Eglise contre ses ennemis intérieurs et extérieurs devint un des objectifs de son sacerdoce.

Un événement, qui se produisit neuf ans après son ordination soulève la question: "que se serait-il passé si…? Après avoir été professeur de droit canonique à Rome, l'Université catholique de Washington, D.C. offrit en 1908 à Pacelli un poste analogue, mais il refusa suite à la demande du Secrétaire d'Etat du Vatican, le Cardinal Rampolla. L'Eglise et le monde auraient-ils été différents s'il avait accepté le poste et était resté aux Etats-Unis?
Mgr Pacelli fut nommé en 1914 numéro deux de l'organisation diplomatique du Vatican; trois ans plus tard, le 20 avril 1917, il fut promu Archevêque, le jour même où les trois enfants de Fatima reçurent la première apparition de la Vierge Marie.
Rappelez-vous le proverbe français: une coïncidence est un événement où Dieu choisit de rester anonyme.

En tant qu'Archevêque il fut nommé Nonce Apostolique (représentant personnel du Pape, l'équivalent d'un Ambassadeur) en Allemagne, à ce moment dans les affres des effets désastreux de la Première Guerre Mondiale. Pendant ses douze années de permanence en Allemagne, le Nonce Pacelli fut témoin de la montée de la menace bolchévique à l'est, ainsi que le la naissance de l'éphémère République de Weimar. Ces douze ans fournirent à ses ennemis une justification pour l'attaquer après sa mort: ils soutenaient que le futur pape avait développé une affection pour les allemands et l'Allemagne, qui incluait le parti nazi, malgré le fait que le parti fût presque inexistant quand il quitta l'Allemagne.
McInerny:

Le Parti Nazi, en 1929, était une composante mineure et insignifiante pendant la période où l'Archevêque Pacelli servit comme nonce papal en Allemagne. Pas plus significative que le Parti Sioniste. Les Juifs Allemands ne furent pas plus intéressés, ou préoccupés, à l'époque par l'un que par l'autre.

En décembre 1929, pendant la première phase de la grande dépression mondiale, l'Archevêque Pacelli fut rappelé à Rome et reçut la barrette cardinalice; deux mois plus tard il fut nommé Segretario di Stato du Vatican, ou Secrétaire d'Etat. Pendant les neuf années suivantes, le Cardinal Pacelli allait être "le bras droit du Pape Pie XI", parcourant le monde, y compris une visite aux Etats Unis, mettant en œuvre les instructions du souverain pontife. Et quelles étaient ces "instructions"?
McInerny:

On ne peut pas comprendre les actions d'un pape sans comprendre ses enseignements… Pie XI et son secrétaire d'Etat agissaient sur la base de la vision de l'Eglise de la vocation dernière de l'homme et des implications de ce qu'il accomplit dans le monde….

Le Secrétaire d'Etat Pacelli signa le Concordat avec l'Allemagne Nazie en juillet 1933. Jusqu'à aujourd'hui, ses détracteurs ont assimilé cet acte à une preuve que le Cardinal Pacelli favorisait instinctivement le régime nazi. Comme le Secrétaire d'Etat l'expliqua au diplomate britannique Ivone Kirkpatrick, sa motivation était bien différente et contraignante: "J'eus à choisit entre un accord en ces termes et l'élimination virtuelle de l'Eglise Catholique du Reich".

Alors qu'il est souvent répété qu'il signa le concordat, il est rarement fait mention que pendant les quatre années suivantes le Cardinal Pacellli envoya 34 notes diplomatiques de vive protestation contre les violations de l'accord. Après ces vains efforts pour rappeler à l'Allemagne les termes de l'accord, et les dangers auxquels l'Eglise était confrontée en Allemagne, le Pape émit en 1937 son encyclique Mit Brennender Sorge (Avec une brûlante inquiétude), qui fut lue dans toutes les églises catholiques d'Allemagne le dimanche les Rameaux, et remise à Berlin. Il est très probable que le Cardinal Pacelli fut l'auteur du document, et le titre final de l'encyclique est certainement de lui. La réponse nazie fut une attaque au Pape et à son bras-droit comme "le Dieu-Juif et son adjoint de Rome". Pas vraiment un signe d'affection.

En février 1939, le Pape Pie XI, que Mussolini décrivait comme "ce vieil homme obstiné", rendit l'âme. Les hommages affluèrent de partout dans le monde dont un, publié dans le Time Magazine, fut spécialement remarquable:

"Seule l'Eglise s'est fermement dressée sur le chemin de la campagne de Hitler pour la suppression de la vérité. Je n'avais eu auparavant aucun intérêt particulier pour l'Eglise, tandis que maintenant j'éprouve une grande affection et admiration car l'Eglise seule (l'emphase est de moi) a eu le courage et la persistance de résister pour la vérité intellectuelle et la vérité morale. Je dois ainsi confesser que ce que je méprisais auparavant, je l'admire à présent sans réserve."

L'auteur de cet hommage était Albert Einstein.

Le 2 mars 1939, jour de son 63ème anniversaire, le Cardinal Pacelli fut élu Pape avec le nom de Pie XII. Pendant les 19 années suivantes, il allait guider l'Eglise et ses membres dans l'évènement le plus catastrophique de l'histoire, la Deuxième Guerre Mondiale. Et pourtant, malgré tous ses efforts pour prévenir la guerre et sauver des gens dans l'Europe dévastée pendant le cataclysme, chose qui fut mentionnée parmi les louanges des responsables internationaux après la fin de la guerre, on entendit à plusieurs reprises qu’ en ce qui concerne "la Solution Finale du problème Juif", le pape "n'avait pas fait assez", bien que personne ne semble avoir défini ce que signifie vraiment "assez".

La guerre avait éclaté en Europe en septembre 1939, lorsque l'Allemagne attaqua la Pologne de l'ouest, mais il est souvent ignoré que deux semaines plus tard l'Union Soviétique attaqua de l'est. Plus proche du Vatican, sous le joug nazi grandissant, l'Italie fasciste était de plus en plus l'exécutant de la volonté de ses maîtres, comme en 1938 avec les Lois Raciales contre les Juifs italiens. Dans la conquête allemande de la Pologne "l'Eglise fut la première cible dans l’ élimination de toute opposition…Les Allemands exécutèrent 214 prêtres polonais et en emprisonnèrent plus de 1000". Parmi ceux qui survécurent aux rafles allemandes il y avait le jeune séminariste Karol Wojtyla qui, vingt ans après la mort de Pie XII, devint le Pape Jean-Paul II.

En exil à Rome, le Primat de Pologne Hlond, "raconta l'histoire au monde", mais la situation empira. L'Evêque de Cracovie, "avait plaidé maintes fois afin que le pape arrêtât de protester, car il empirait les choses". Ces appels au silence allaient avoir un poids significatif dans les plans futurs du pape nouvellement élu, car la protestation ouverte pouvait vraiment faire plus de mal que de bien et résulter en des pertes importantes de vies.

Cet avertissement au Vatican de rester silencieux allait se répéter souvent pendant la guerre. Dans la Hollande occupée, les évêques catholiques et protestants protestèrent contre le traitement réservé aux juifs de la zone. "Les allemands ripostèrent avec l'arrestation et la déportation de tous les catholiques non-aryens qu'ils trouvèrent, parmi lesquels Edith Stein." Il n'est pas difficile de comprendre qu’Edith Stein, née juive allemande, plus tard religieuse carmélite connue sous le nom de Soeur Theresa Benedicta de la Croix, allait être canonisée, mais celui qui supervisa tous les efforts pour la sauver fut Pie XII. Quiconque sait comment le Vatican fonctione comprend que non seulement les actions des évêques polonais et hollandais, mais aussi bien celles des nonces, des prêtres et des mères supérieures qui cherchèrent les moyens de sauver tant de juifs et d'autres, dérivaient directement des instructions du Vatican. En des circonstances différentes, la chaine de commandement est la même aujourd'hui.

En mai 1945, le armées allemandes se rendirent, et la guerre en Europe, un bain de sang où 19 millions de civils et militaires avaient péri ou étaient restées blessés, parvint à sa fin. Salué par beaucoup, y compris les responsables de nombreuses organisations juives, comme l'homme qui avait sauvé des centaines de milliers de juifs, la popularité et réputation du Pape Pie XII étaient comparables à celles des autres leaders de l'après-guerre. Quiconque, comme moi, a un certain âge se souvient de la presque adoration ressentie par de nombreux non catholiques pour ce saint homme, dont l'apparition ascétique sur la Place Saint Pierre à la fin de la guerre, et qui fut filmée, est encore un moment très émouvant, comme celui-ci, de quelques jours après:

Le Pape Pie XII accueille & bénit les troupes Alliées

Le Pape Pie XII mourut le 9 octobre 1958, et Pinchas Lapide, un ancien diplomate israélien, écrivit ceci du défunt pape:
"Nous les Juifs sommes des gens reconnaissants…aucun pape dans l'histoire a été remercié aussi vivement par les Juifs pour avoir sauvé ou aidé leurs frères en détresse".

Quatre ans plus tard, le successeur de Pie, le Pape Jean XXIII, convoqua un Concile avec l'intention déclarée d' "ouvrir les fenêtres de l'Eglise". A sa conclusion, en 1965, commencèrent une série de changements qui remplacèrent, d'abord lentement, beaucoup de ce pour quoi s'était battu le Pape Pacelli, et sa réputation de chef sans peur qui avait sauvé tant de gens fut attaquée. Le temps du changement était proche.

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