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La grande fracture

Le Père Ray Blake a lu le message du "prêtre anonyme" publié ces jours-ci sur le site "The Remnant"

>>> L'article de The Remnant: Peur du Pape François

La publication de l’article du blog traditionaliste <The Remnant>, signé d’un «Father Anonymous» m’a valu un message de désaccord (… hum !!! pour rester dans la litote...), venant d’un autre prêtre, tradi (m'a-t-il dit), et qui lui n’était pas anonyme, ce dont je lui sais gré.
Comme je ne cite pas son nom, je pense que je peux reproduire son message, au moins partiellement :

Comment pouvez-vous relayer cela? Un prêtre anonyme! Qui dit que si les choses changent, il va quitter le ministère! C'est comme accorder sa confiance à un homme qui dit que si sa femme le trompe il quitte le foyer conjugal. Si ce père dit cela c'est que dans sa tête il a déjà quitté le ministère. (…) C'est le travail du démon que d'enfermer les gens dans un sentiment de désespérance. C'est même sa plus belle arme. Ne l'aidez pas svp….

Mon correspondant n’a sans doute pas entièrement tort.

Mais désigner les maux, bien réels, ce n’est pas céder au désespoir, encore moins s’y enfermer. C’est plutôt se préparer à faire face à leurs conséquences.

J’avais publié l’article (après avoir hésité, comme souvent, car l’idée d’anonymat me gênait) comme contrepoids à une information totalitaire: mon intention n’était pas d'enfermer les gens dans un sentiment de désespérance, mais seulement de donner une voix à ceux qui n’en ont pas. Jamais en effet comme en ce moment on n’a connu autour d’un Pape une telle « pensée unique » urbi et orbi – il suffit de consulter les blogs et de lire la presse - , et les rares personnes qui osent ne pas se joindre au chœur des hosannas sont immédiatement ostracisées, invitées à se taire, traitées de diviseurs, et de suppôt du démon (la preuve !). Ceux qui n’ont pas de moyen de s’exprimer peuvent se sentir bien seuls.

J’étais donc d’autant plus satisfaite de trouver cet article d’un prêtre que mes lecteurs connaissent désormais bien, Father Ray Blake. Il n’est pas inutile de répéter qu’il n’est pas traditionaliste, mais attaché à le Tradition.
Il a lu la lettre de Father Anonymous, il n’en a pas été choqué, bien au contraire. Il est juste lucide.

Article ici: marymagdalen.blogspot.fr

Traduction de Anna.

The great divide (la grande fracture)

Je crois que je commence à comprendre ce que le Pape François tente de faire: il reconnait que l'Eglise est déjà profondément divisée et qu'il y a deux manières de traiter cela.
La première est celle dont a parlé le Cardinal Burke (cf. marymagdalen.blogspot.fr/2015/03/rlb-meets-rlb) à la Confraternité du Clergé Catholique [St Patrick, Soho, Londres], mardi dernier: il reconnait que l'Église est divisée, mais il insiste pour "appeler l'Église à l'union" autour de ce qui a été révélé et ce qui a été la Tradition.

La deuxième manière de traiter la division vient, il me semble, du fait que le Pape François prend acte de ce qui s'est produit dans l'Église pendant le dernier siècle, peut-être depuis avant la Réforme, qu'au lieu d'être doctrinalement unis nous sommes doctrinalement divisés ou différents.
Il prend acte que nous sommes désunis ; la différence est qu'il est le premier Pape (le tout premier?) qui semble accepter le statu quo comme une évidence plutôt que d'appeler à l'obéissance et à la communion.


Au cœur de tout, il y a la question "Qui est catholique?".
Pour le Cardinal Burke ce sont ceux qui croient en l'entière foi catholique; pour le Pape, cela semble être toute personne de bonne volonté qui s'identifie comme tel. On pourrait caricaturer la position du Cardinal comme celle de quelqu’un qui excommunie ceux qui ne croient ou n'agissent pas selon l'enseignement de l'Église, tandis que la position du Pape peut être caricaturée par la position des évêques allemands: nous acceptons tout le monde, les seuls gens inacceptables sont ceux qui ne payent pas la Taxe de l'Église.

Le Cardinal Burke pourrait être un idéaliste et François pourrait vraiment être un réaliste, mais le rôle d'un Pape comme de tout clerc est d'établir devant nous l'idéal de foi, la sociologie n'est pas un substitut à Jésus. Le successeur de Pierre est "le perpétuel et visible principe et fondement de l'unité" (Lumen Gentium, 23), mais pas l'unité pour l'amour de l'unité mais pour l'amour du Christ.

Le ministère pétrinien, exercé en premier lieu par le Pape et ensuite par tous ceux qui ont un rôle de service dans l'Eglise, y compris tous les évêques, prêtres et diacres, n'est pas quelque chose en bas de cette fragile structure intégrée, la "hiérarchie des doctrines" mais bien la sauvegarde des doctrines les plus fondamentales, il concerne essentiellement l'Incarnation, la Résurrection et la Rédemption.

Ce qui est au cœur du prochain Synode d'octobre n'est pas simplement le divorce, le mariage et l'Eucharistie mais quelque chose qui touche à la véritable nature de la Chrétienté, à la question si l'on peut faire confiance à l'Eglise pour enseigner. Ce que je trouve profondément préoccupant est que si on ne peut pas faire confiance à l'Église, peut-on le faire au Christ? et à la Révélation?

Le sombre site <The Remnant> n'est pas une de mes lectures préférées, mais on m'a envoyé un lien vers cet article. Je crois que je pourrais en trouver facilement une douzaine d'autres semblables de la part du clergé inquiet.

Partout dans le monde, nous voyons des cardinaux, des archevêques et des évêques affirmer des comportements qui ont été condamnés sans équivoque par les Papes et les Conciles des siècles précédents. Tandis que j'entends et regarde ces événements, dans mon esprit, encore et encore, j'entends la phrase, "la fumée de Satan est entrée dans le sanctuaire."
Se pourrait-il que tout ce qui se passe soit vraiment l'œuvre de Satan? Je ne suis pas prêt à l'affirmer, mais dans mon cœur je crains que cela puisse être vrai. Si c'est vrai, alors il peut également être vrai que beaucoup de membres de notre hiérarchie n'appartiennent pluss au Christ.

J'ai eu sur tout cela des conversations avec des amis prêtre. Nous avons tous peur de ce qui va arriver. Aucun de nous ne pense que nous sommes encore sur un terrain doctrinalement solide. Nous avons tous un mouvement de recul chaque fois que François se dirige vers un groupe de journalistes. Qu'est-ce qu'il va dire, après? Comment va-t-il réprimander ceux qui servent fidèlement le Christ? Comment va-t-il nous étriller cette fois?

Un de mes amis prêtres m'a demandé lors d'une conversation ce que je ferais si l'Eglise approuve formellement ce qui était précédemment formellement condamné. J'ai dû avouer en toute honnêteté que je quitterais probablement le ministère sacerdotal. Il a admis qu'il n'aurait probablement pas d'autre choix que de faire de même.

Ma plus grande peur est que si François continue à pousser l'Eglise vers l'hérésie, alors nous pourrions expérimenter une guerre parmi les fidèles qui ferait apparaître l'opposition de Mgr Lefebvre après Vatican II comme une simple objection!

Je sais que vous comprendrez pourquoi je ne signe pas cet e-mail de mon nom.

Que Dieu préserve Sa Sainte Église des forces visibles et invisibles, au dedans et en dehors, qui cherchent à la détruire. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs!

(Father Anonymous)

J'éprouve une énorme sympathie pour ce prêtre anonyme, auteur [de la lettre].
Il n'est pas seul dans ses inquiétudes ; bien qu’abandonner le ministère sacerdotal ne soit pas quelque chose que la plupart des prêtres envisageraient, il y a toutefois un problème, un très sérieux problème. L'Église qui approuve ce qui était avant formellement condamné, est un grave problème, personne d'intègre ne peut être d'accord avec cela, sans une crise de la foi.
Dans le passé ce n'était pas un problème, maintenant il est subitement devenu très réel.

Au lieu de guérir les divisions, je crains que le Synode n'introduise des clivages plus profonds dans l'Église, au point que la vraie Communion ne devienne une réelle fiction et que nous ne terminions dans un gâchis doctrinal semblable à celui de l'Eglise d'Angleterre, ou de toute autre secte protestante, et que nos Évêques soient laissés à colmater les brèches avec de plus en plus de difficulté, et de moins en moins de succès.

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