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La résistance des blogs

Une interview de David Domet, le blogueur canadien que le Père Rosica avait menacé de poursuite, par le responsable du site "From Rome". Traduction de Anna

Cette histoire a été relatée en détail ici: Un prêtre menace un blogueur de poursuites .

Depuis lors, le Père Rosica a abandonné ses menaces. Sans doute ne pouvait-il pas faire autrement, sauf à se couvrir de ridicule, ou à jeter l'opprobe sur les prêtres...
L'article original en anglais est ici: fromrome.wordpress.com/2015/03/05/an-interview-with-david-domet-the-vox-cantoris-blogger-who-stood-up-to-fr-rosica/.

Il a été repris sur le site en italien Chiesa e post Concilio.
Le "chapeau" (en bleu ci-dessous) est le commentaire de Rorate Caeli.

Interview de David Domet, du blog Vox Cantoris

L'importance de la parrhésie et du Réseau

Dans cette pression unilatérale à l'encontre d'un simple petit blogueur canadien, non pas d'une grande organisation des médias, mais d'un laïc, sans avocats ni responsabilités, une pression dont l'effet est de le contraindre au silence, il y a un petit avant-goȗt de ce que le pauvre Benoît XVI doit avoir supporté, le poussant à demander à ses fidèles, dès le premier jour, de prier afin qu'il ne fuie pas, "par peur, devant les loups". Nous ne pouvons que seulement imaginer ce que le Pape Émérite a été contraint de supporter pendant sept ans. Les agents du silence et de la mort ne prévaudront pas, ne l'ont jamais fait, même pas le Vendredi Saint, lorsque l’un de ces agent avait infiltré le Collège apostolique. Monsieur Domet peut être contraint au silence, comme tant d'autres qui luttent pour la vie et la lumière. Et pourtant, même "si ceux-ci se tairont, les pierres hurleront" (Lc 19,40)

Question : Le monde catholique est heureux d'apprendre aujourd'hui que le Père Rosica a décidé de ne pas recourir aux procédures légales contre vous, à cause de votre critique publique de ses positions dans votre désormais très connu blog Vox Cantoris. Puisque je suis parmi ceux qui voudraient en savoir davantage sur ce triste épisode, je suis honoré que vous ayez consenti à un entretien avec le blog From Rome.
Commençons donc par les faits. Quand et comment avez-vous reçu la menace d'action légale, ce qu'à présent le Père Rosica appelle la lettre de mise en demeure.

M. Domet: Eh bien, elle ne m'a vraiment pas semblé une "lettre de mise en demeure" qu'il aurait pu écrire par lui-même sans recourir à un des cabinets d'avocats les plus chers de Toronto (bien qu'il affirme maintenant que la prestation était bénévole; les honoraires de mon avocat ne le sont certainement pas et je lui ai déjà payé un acompte, comme il se doit). La lettre était bien claire dans ses exigences, et ce qui était le plus stupéfiant était la menace de poursuivre ses requêtes même dans cas où je me serais conformé à leurs demandes, ce qui n'était pas dans mon intention. Mardi 17 février, veille du Mercredi des Cendres, je déjeunais avec un collègue et elle est arrivée sur mon smartphone. Inutile de dire qu'après l'avoir lue j'ai perdu l'appétit. La lettre est sur mon blog, les gens peuvent la lire et en tirer leurs propres conclusions.

Q. Quelle a été votre réaction et celle de votre épouse en recevant une telle communication de la part d'un homme de Dieu, et en début du Carême?

M. Domet: J'étais stupéfait et choqué, et ma femme en a été très blessée et contrariée; et, franchement, préoccupée autant que moi de ce que cela signifiait pour nous et notre famille et mon fils; cela a été très dur pour elle, surtout provenant d'un prêtre. Nous connaissons et travaillons avec de nombreux prêtres pour organiser, assister, conseiller et former à la Forme Extraordinaire du Rite Romain et pour chanter durant la Messe. Elle a elle-même une belle voix et m'assiste chaque semaine dans le rite traditionnel. Je chante aussi chaque semaine dans la Forme Ordinaire si bien que mon travail avec les prêtres est connu et mon affection et respect pour ces bons prêtres avec lesquels je travaille ne fait pas de doute. Les conséquences pour nous ont été aussi physiques, (…) avec le stress. Quant au Carême, bon, depuis que nous nous sommes mariés, il y a presque deux ans, la vie a été douce. Notre Carême a commencé avec une croix bien plus lourde de celle que nous étions habitués à porter. Nous avons été soutenus par les prières de nombreuses personnes dans le monde et plusieurs fois nous avons offert cette épreuve à Dieu le Père en union avec la Croix de Jésus. Nous sommes heureux de pouvoir nous ressaisir dans les jours qui viennent et de pouvoir mieux nous concentrer sur le Carême.

Q. Qui est Jésus et qu'est-ce que la Foi Catholique signifie pour vous? Et comment cela –t-il rendu plus cruel votre désarroi pour ce qui est arrivé?

M. Domet: Il est mon Seigneur et sauveur et le Roi de tout; Si j'essaye de faire quoi que ce soit sans lui, j'échoue, je l'ai expérimenté plus d'une foi et "Je peux tout en celui qui me donne la force" est ce dont je me suis souvenu en cette circonstance. Rien n'est plus important que la Foi Catholique comme elle nous a été donnée par Notre Seigneur; Lui et elle sont les rocs sur lesquels la vie prend sens et où la vérité est ancrée. Pour ce qui en est de mon désarroi, que pouvons-nous attendre d'autre? Regardez le monde et l'Église. Pour plein de raisons l'Église est faible et donc la foi est faible; lorsque la foi est faible, les Catholiques sont faibles et le monde est envahi par le mal et l'erreur. Je suis consterné qu'il y ait si peu de catholiques, qu'ils soient prêtres, prélats ou laïc, prêts à résister pour Notre Seigneur Jésus Christ et Son Eglise. Au Canada nous avons plus de 40% de baptisés catholiques, aux Etats-Unis peut-être 30%; si chacun de nous allait aux Sacrements et à la Messe le Dimanche et vivait selon sa foi nous changerions nos nations en un jour! Et si telle est la situation ici, combien plus en Europe où les pourcentages sont plus hauts? Mon désarroi est votre désarroi, à cause de la défaillance des Catholiques à être catholiques et à se ranger du côté de Notre Seigneur.

Q. Qu'avez-vous fait en premier, demandé conseil ou contacté le cabinet légal en question?

M. Domet: J'ai demandé l'avis d'un petit groupe de conseillers parmi mes proches. Je n'ai pas pris contact avec le cabinet directement, j'ai dû m'assurer le bon avocat et je l'ai trouvé, une catholique avec de l'expérience en la matière que je ne peux pas révéler mais qui a aidé notre stratégie. Notre premier contact avec le cabinet qui travaillait bénévolement pour Rosica a été par mail en réponse à leur première lettre et le contact a été fait seulement à travers mon avocate.

Q. Quel conseil a été donné, ou – selon le cas - quelle a été la réponse du Cabinet ?

M. Domet: Comme je l'ai dit dans mon blog Vox Cantoris, nous avons donné une réponse dans les délais indiqués dans la première lettre, pour prévenir la procédure de leur part, sans satisfaire leurs demandes, bien entendu. Nous avons affirmé notre position et suggéré d'autres options de discussion au sein de l'Église, qui ont été rejetées. D'autres options ont été proposées, avec des requêtes qu'il m'a été impossible d'accepter. Il devenait évident qu'il fallait clarifier ce que nous n'étions pas prêts à faire, et ce que nous étions prêts à faire, c'est à dire nous défendre et entamer une campagne de collecte de fonds pour la soutenir.

Q. Par respect pour votre contact à la Secrétairerie d'État, je ne vous demanderai pas son nom. Mais présumant que le conseil qu'il vous a donné n'était pas de lui, mais était celui qu'il lui avait été conseillé de vous donner, pouvez-vous nous dire quel conseil il vous a donné? Et lui avez-vous demandé les raisons d'un avis aussi inattendu?

M. Domet: Comme je l'ai dit dans mon blog, je me suis d'abord "adressé à l'Église", comme il nous est demandé dans la Sainte Ecriture. Il a été franchement plus facile de m'adresser à mon contact à Rome qu’à ma chancellerie à Toronto. Je suppose que l'information qui m'a été donnée était son avis personnel et de personne d'autre et je n'ai pas de raison de penser autrement. Il m'a toutefois été demandé de déclarer mon "intention", ce que je n'ai pas fait, et la demande m'a été répétée le jour suivant avec le conseil de me "montrer humble" et de "faire mes excuses". Je ne l'ai pas fait et on m’a conseillé de ne répondre à aucune des deux demandes. Le fait est que l'intervention aurait pu se passer le premier ou le deuxième jour.

Q. J'ai personnellement vu de nombreuses fois des membres du clergé utiliser leurs conseils spirituels pour convaincre les laïcs d'avoir une attitude de respect excessif vis-à-vis du clergé, qui ne ferait qu'encourager un comportement de plus en plus abusif de la part du clergé. Etait-ce la raison qui a motivé votre réaction au conseil qui vous a été donné par votre contact à la Secrétairerie d'État? Et comment cela reflète-t-il l'état des choses au Vatican, sous le pape Francois, à votre avis?

M. Domet: Je ne crois pas être qualifié pour donner un avis dans cette opération sur la Secrétairerie d'État sous le pontificat du Pape François. Mais permettez-moi de dire cela: j'ai entendu de nombreux prêtres faire exactement ce que vous dites et je l'ai vu moi-même directement, j'en ai fait l'expérience directe. C'est le maximum du cléricalisme, et il est détestable. Il est spécialement détestable d'essayer de l'imposer aux laïcs préparés, ce qui est en contradiction directe avec nos droits et devoirs établis par le Canon 212, paragraphe 3 et les préceptes du Vatican II, ce qu'ils prêchent quand cela les arrange.
Ecoutez, nos parents et grands-parents ont été les victimes d'un cléricalisme qui a détruit la liturgie et la foi de millions d'âmes. Le même cléricalisme qui s’est maculé du péché d’abus sexuels et a détruit des vies. Cette même attitude cléricaliste a exigé de nous de "payer, prier et obéir", tandis qu'ils "profitaient"! Quelques-uns parmi eux affirment que nous qui voulons vivre selon la Loi et désirons une liturgie correcte sommes des pharisiens et des pélagiens et désirons le cléricalisme. Des sottises! Ce sont eux les pharisiens, eux qui sont les cléricalistes, je l'ai vu; je l'ai vécu et ai eu l'expérience directe de tout cela en des façons dont je préfère ne pas parler cette fois.

Q. Que devraient faire les catholiques, et surtout les blogueurs catholiques fidèles à l'enseignement du Christ s'ils sont confrontés à une lettre semblable?

M. Domet: Prier. Demander aux guerriers spirituels de prier, surtout les Sœurs Carmélites (que je remercie!!!). Rassembler une petite équipe de conseillers et d'avocats catholiques y compris un avocat expert en droit canonique; mais quelque chose me dit que cela ne se reproduira pas de sitôt.

Q. Comment pensez-vous que votre cas donnera le bon exemple de ce qu'il faudrait faire à l’avenir, concernant les tentatives d'un nombre grandissant de prêtres et religieux qui exhortent et poussent l'Église à abandonner l'enseignement du Christ sur la foi, la pénitence, le mariage, la chasteté, et la discipline traditionnelle de l'Eucharistie?

M. Domet: L'exemple est très clair; la blogosphère catholique s'est réveillée avec ce qui s'est passé; nous devons y voir le pouvoir qui en découle pour elle, et défendre la cause de la foi, de la famille et de la Sainte Eucharistie qui me semble être au cœur de la question.
Comment pouvons-nous nous unir et former une armée de fidèles et croyants catholiques qui bloguent pour prévenir une tentative de renverser la doctrine au Synode?
Quel moyen pouvons-nous utiliser pour coordonner notre travail, pas pour le contrôler, mais pour le coordonner et diffuser et éduquer et catéchiser au-delà de nos quelques centaines de lecteurs (c’était le cas hier, maintenant j'ose dire qu'ils sont des milliers!)? Cette situation, depuis le Mercredi des Cendres montre aussi à l'Église le pouvoir des blogs et comment nous ne resterons plus en silence face à l'hétérodoxie. Je me souviens encore, lorsque j'étais enfant, de ma défunte mère qui déplorait ce qui avait été fait dans les années 60. Il n'y avait pas moyen de l'arrêter, pas d'instruments pour s'y opposer, [maintenant] nous les avons, il n'y a plus d'excuse pour ne pas les utiliser pour le bien de l'Église, avec "clarté et charité" comme mon archevêque l’affirme souvent.

Q.
Croyez-vous que les propositions du Cardinal Kasper soient hérétiques, comme le disent les Cardinaux Muller et Sarah, dans la mesure où elles proposent de séparer la foi catholique de la discipline traditionnelle en ce qui concerne les Sacrements?

M. Domet: Oui, à 100%, sans réserve. Et j'ajoute cela. Je me suis marié depuis presque deux ans. Auparavant, j'avais été marié à l'Église mais j'avais obtenu un décret de nullité il y a plusieurs années. Que ces prélats arrêtent de déformer les faits. Le procès de nullité, je parle au moins de ce qui se passe ici à Toronto, est rigoureux et approfondi comme il doit l'être, mais il n'a pas été "douloureux". Il a pris du temps parce que j'ai traîné avec les documents. Je me souviens que le coût a été une proposition de donation de 900 dollars canadiens pour lesquels j'ai eu un reçu fiscal, et donc nous pouvons en finir avec ce cirque qui prétend qu'il n’est pas possible de l'obtenir.
On ne peut pas séparer la Foi Catholique de la Discipline Traditionnelle au sujet des Sacrement et rester toujours catholique.

Q. Que devraient faire selon vous les Cardinaux et Évêques catholiques pour éviter un désastre en Octobre lors du Synode pour la Famille?

M. Domet: Notre Cardinal l'Archevêque Collins a traité publiquement la question et il soutient la doctrine. Il a demandé que les fidèles donnent leur apport et j'ai certainement fourni le mien. Ce que les fidèles catholiques ont besoin de voir est davantage d'exemples de prélats comme le Cardinal Burke et l'Évêque Athanasius Schneider, le Cardinal Sarah, l'Archevêque Cordileone, les évêques polonais et beaucoup parmi les africains. Pourquoi ne parlent-ils pas haut? De quoi ont-ils peur? J'en ai assez des évêques en Belgique et aux Etats-Unis et ici au Canada qui envisagent de bénir et d’accepter les modes de vie alternatifs. Oui, ils l'ont dit, pas besoin de les nommer. J'ai assez entendu de cette "miséricorde" qui est une fausse miséricorde, il n'y a rien de miséricordieux à laisser quelqu'un dans une situation qui compromet son salut éternel.

Q. Si le Pape et ceux qui préfèrent être loyaux à lui plutôt qu'à Jésus-Christ, devaient imposer ou déclarer quelque déviation de la Foi ou de la discipline traditionnelle des Sacrements lors du Synode d'Octobre, serez-vous du côté du pape ou avec Jésus-Christ?

M. Domet: Je suis avec Jésus-Christ mon Seigneur et Sauveur. Il ne faut pas que nous, les Catholiques, attribuions à un pape quelconque - comme nos amis protestants croient que nous le faisons - un statut exagéré, une infaillibilité sans lien avec l'Evangile, ce qu'il n'a pas. Le Concile Vatican I l'a dit clairement.

Q. Selon vous, à quel niveau sont les enjeux dans cette bataille?

M. Domet: Aussi hauts qu'il est possible: schisme, hérésie et la perte d'âmes et comme le disait notre bien-aimé Benoît XVI "le futur de notre monde est en jeu". Ils ne se moqueront pas de Dieu.

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