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Le cardinal Wuerl à la rescousse

Andrea Tornielli fait monter (à son insu) l'archevêque de Washington au créneau pour défendre François, et attaquer les "dissidents" - comprendre le cardinal Burke

Andrea Tornielli, dans son rôle de mousquetaire de François, s'en remet à un cardinal américain pour défendre le Pape et attaquer, mine de rien, le cardinal Burke. S'abritant, à son insu, sous le grand parapluie d'un des plus influents leaders catholiques des Etats-Unis, il peut lancer ses piques en douce, sans passer pour irrespectueux envers la hiérarchie de l'Eglise ("ce n'est pas moi qui le dis"...).
Il n'a donc pas laissé passer cet
article publié sur le blog du cardinal Wuerl, l'archevêque de Washington.

Le cardinal Wuerl est né en 1940. Nommé en 1988 évêque de Pittsburgh, puis en 2006, archevêque de Washington, Benoît XVI l'a créé cardinal en 2010. En décembre 2013, François l'a nommé membre de la Congrégation pour les évêques, en remplacement du cardinal Burke.
Je le connais peu, et pour un non-américain, il est difficile de se faire une opinion. Il a une réputation de «modéré» (on sait ce que cela signifie), mais selon Sandro Magister, ses positions sur les nouvelles moeurs sont... disons plus souples que celle de son compatriote Burke (cf. chiesa.espresso.repubblica.it).
C'est sans doute la raison pour laquelle Andrea Tornielli l'appelle à la rescousse (indirectement!) pour défendre le Pape des attaques dont il serait l'objet; le moins que l'on puisse dire, d'ailleurs, c'est que la critique à peine voilée de Wuerl à son confrère et compatriote Burke, à travers l'allusion à la cappa magna, manque singulièrement à la charité chrétienne.

Un autre argument douteux utilisé par le même cardinal Wuerl consiste à faire l'amalgame envers toutes les dissidences: concernant Paul VI, il est évident que l'opposition à Humanae Vitae a peu à voir avec les critiques qui lui ont été adressées (et à Jean XXIII) pour l'ouverture peut-être excessive au monde; et que les attaques contre Benoît, venant de l'intérieur et de l'extérieur de l'Eglise, n'avaient aucun rapport (et étaient, en termes de violence, sans commune mesure, au point que Tornielli lui-même leur a consacré un livre) avec celles dont François serait aujourd'hui la cible. Le premier défendait la pureté de la Doctrine et la morale enseignée par l'Eglise depuis toujours, le second les met régulièrement en péril par ses propos ambigus (quelques mots lancés en l'air suffisent à démolire des dizaines de discours "orthodoxes", que l'on pense à la fameuse boutade sur les lapins). Le premier subissait les incendies allumés par d'autres (médias et clercs), le second prend un malin plaisir à les allumer, peut-être dans le but de susciter le débat et de se gagner le soutien de l'"opinion"(cf. benoit-et-moi.fr/2015-I/actualites/franois-et-les-medias).

Le Cardinal Wuerl répond à Burke (et aux dissidents)

L'archevêque de Washington dans son blog parle des critiques à François, rappelant la dissidence envers ses prédécesseurs: «Ils sont en désaccord avec le pape, parce que lui ne suit pas leurs positions»

Andrea Tornielli
vaticaninsider.lastampa.it
(ma traduction)
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«Une des choses que j'ai apprises, c'est qu'il y a un fil conducteur qui traverse tous ces dissidents. Ils sont en désaccord avec le Pape, parce que lui n'est pas d'accord avec eux et ne suit pas leurs positions».
Telle est la conclusion à laquelle arrive le cardinal archevêque de Washington, Donald Wuerl, dans un article publié sur son blog , intitulé «Le Pape, pierre de touche (point de repère) de foi et d'unité» (ndt: admirons la perspicacité de la remarque!!!).

L'objet du commentaire du cardinal américain, ce sont ceux qui au sein de l'Église expriment leur désaccord avec le Pape. Wuerl ne cite pas de noms, mais il dit qu'il a reçu par mail «une interview» et «un article» de «confrères évêques». Ces derniers jours, on avait beaucoup discuté de l'interview du cardinal Raymond Leo Burke à une émission de la télévision France2, au cours de laquelle le cardinal diasait qu'il «résisterait» au Pape au cas où il déciderait d'ouvrir à la possibilité des sacrements pour les divorcés et remariés.

Wuerl raconte qu'il était présent dimanche dernier à l'Angélus le pape, devant des dizaines de milliers de personnes (?), notant que «ce très populaire et vénéré successeur de Pierre» parle de «la tendresse de Jésus, sa compassion aimante et en même temps de notre nécessité d'être attentifs et pleins de compassion avec les autres êtres humains». Mais, observe le cardinal, l'admiration que l'on rencontre dans toutes les parties du monde envers François «n'est pas partagée par tous».

«Tandis que je regardais le Saint-Père à la télévision, ma boîte de réception se remplissait de mails, incluant (en pj?) une interview et un article, de confrères évêques qui sont moins qu'enthousiastes à propos de François».
Ces e-mails ont remis en mémoire à Wuerl le temps où il était un jeune séminariste et avait expérimenté pour la première fois la «dissidence de la doctrine et de la pratique d'un Pape». Ce Pape était Jean XXIII, et l'enseignement qui n'avait pas été «bien reçu par tous» était l'encyclique Mater et Magistra . Un des dissidents avait utilisé une expression qui avait eu du succès dans certains milieux: l'Eglise, «mère oui, maîtresse non». «Avec un certain nombre de mes condisciples, je me souviens avoir été choqué par ce rejet de l'encyclique».

Mais un prêtre du séminaire réprimanda Wuerl et ses camarades pour leur naïveté expliquant qu'«il y a toujours eu un courant de dissidence dans l'Eglise», y compris dans le Collège des Cardinaux. «C'est alors que j'entendis parler du cardinal Louis Billot - écrit Wuerl - lequel était très peu discret dans son opposition à Pie XI, qui avait condamné le mouvement politique et religieux de l'Action française». L'archevêque de Washington rappelle que Billot fut «convaincu de renoncer à sa dignité de cardinal. Et il redevint un simple jésuite».

Le mécontentement envers la position du Pape sur les questions doctrinales, pastorales, canoniques ou même simplement sur la façon dont il s'habille semble avoir toujours été présent sous une certaine forme. En 1963, Saint Jean XXIII fut à nouveau l'objet de la colère de ceux qui n'aimaient pas son encyclique Pacem in Terris, tout comme le bienheureux Paul VI pour son encyclique Populorum Progressio en 1967 et certainement pour son encyclique Humanae Vitae en 1968. La dissidence de certains prêtres envers l'enseignement d'Humanae vitae les a amenés à quitter leur ministère sacerdotal».

Mais Wuerl, avec de significatives et évidentes références à ceux qui sont particulièrement friands de certains vêtements du passé, ajoute: «A un niveau moindre, il y eut un désarroi considérable parmi certains en 1969, lorsque le secrétaire d'État du Pape Paul VI publia une déclaration sur l'habit des évêques et des cardinaux. Les efforts visant à le rationaliser et à en finir avec des choses comme la cappa magna (le long manteau des évêques avec une longue, longue traîne) [sic! Tornielli croit utile de préciser pour les mal comprenants] choqua quelque peu».

Le cardinal américain rappelle que même le bref pontificat du pape Luciani «ne fut pas sans critique. Certains ont même écrit qu'ils trouvaient son sourire peu digne d'un pape en ce qu'il diminué la gravitas (gravité ou sérieux) [là aussi, précision de Torniellei] de son office».

Puis, rappelle encore Wuerl, arriva Saint Jean Paul II. «Tout ce qu'il a écrit a reçu des critiques, de ses encycliques sociales, comme Laborem exercens de 1981 ou Sollicitudo rei socialis de 1987 ou Centesimus Annus de 1991, jusqu'à son encyclique sur la validité permanente de l'œuvre missionnaire de l'Eglise, Redemptoris missio. Certains n'ont cessé de le critiquer pour ses voyages, même s'il a aidé, dans ses presque 27 années en tant que Pape, à revitaliser l'Église. Personnellement, j'ai toujours trouvé les critiques à Saint Jean-Paul II particulièrement douloureuses parce que j'ai beaucoup d'affection et d'admiration pour lui»

Le cardinal rappelle enfin les désaccords (ndt: c'étaient plus que des désaccords. Wuerl a le sens de la litote) qui ont accompagné le pontificat de Benoît XVI, «bon, brillant et saint pasteur de l'Eglise».
Il ne fallait donc pas s'attendre à ce que François soit à l'abri de ce phénomène.
«Une des choses que j'ai apprise au fil des ans, depuis ces premiers jours naïfs de 1961, c'est qu'en les examinant de plus près, il y a un fil conducteur qui traverse tous ces dissidents. Ils sont en désaccord avec le pape, parce que lui n'est pas d'accord avec eux et ne suit pas leurs positions. La dissidence est peut-être quelque chose que nous aurons toujours, regrettable en tant que telle, mais nous aurons aussi toujours Pierre et son successeur comme roc et pierre de touche de notre foi et de notre unité».

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