Page d'accueil

Le tanguero

Des doutes sur François émis par un écrivain-blogueur italien, dont je ne crois pas m'avancer en disant qu'ils sont partagés par un nombre croissant (même si cela reste un courant minoritaire) de personnes

Je suis "tombée" sur cet article dont l'auteur s'appelle Elio Paolini, à travers un blog que je suis assez régulièrement, celui de Piero Laporta (cf. www.pierolaporta.it/ ).
Du reste, peu importe l'auteur. C'est quelqu'un qui apparemment a soutenu le pape Bergoglio depuis le début, comme tant d'autres, et qui comme tant d'autres aussi, s'est rendu à l'évidence des faits.
Je mets au défi quiconque de trouver une quelconque calomnie dans ses propos, encore moins des arguments invérifiables, ou trompeurs. Ce qu'il explique ici, c'est ce qu'il ressent personnellement (je supose que c'est encore son droit!) à partir de faits qui se sont vraiment passés, et pas mal de gens pourront s'y reconnaître. C'est mon cas (comme c'est encore mon droit!).

Texte en italien sur le blog de l'auteur: eliopaoloni.jimdo.com/2015/02/04/il-tanguero.
Ma traduction.

On s'attendait à un pape, c'est un tanguero qui est arrivé.

Espérons ne pas avoir à remplacer le u par un h (1)
----

Je l'ai vigoureusement défendu, mon don Camillo (2) dépenaillé avec ses godasses noires (bien qu'il ressemble plus à Stan Laurel qu'à Fernandel) (3).
Si je me sens proche de l'Eglise, c'est parce que je crois dans le Magistère. Je ne suis pas catholique, je suis papiste. Et je m'obstine à soutenir que les enseignements et les exhortations de l'Église sont valables et appropriés pour n'importe quel individu, n'importe quelle communauté, à n'importe quelle époque. La conscience n'a pas de temps, elle ne connaît pas l'évolution. Seule l'Église, dans sa construction bimillénaire, dans la perspective des siècles, sait ce qui est bon pour l'homme. Les Commandements ne connaissent pas d'échéance électorale. Et si nous ne comprenons pas quelque chose, ce qui nous en empêche, c'est notre vue courte d'hommes ancrés à la fureur du contemporain, au souffle court du quotidien. Même le plus scandaleux et le plus sanguinaire des Papes, dans le compte final, a joué le rôle que l'Esprit lui a assigné. Et vous voulez mettre les mots dans la bouche du Pontife? Mais quels ponts (4) avez-vous construit, vous? Comment osez-vous!?

J'ai tout d'abord constaté, comme le ferait n'importe quel catholique avisé, l'évidence des fruits: en quelques semaines, il a brisé l'encerclement du Vatican; les journaux ont cessé d'enfourcher le moindre scandale à l'infini; les mêmes gens qui, hier, insultaient les prêtres et déploraient l'existence même de l'Eglise, sont aujourd'hui enchantés; tous, en famille, au bar, au bureau. Les voilà qui attendent, comprennent et approuvent ses paroles!
J'ai lutté: ce n'est pas lui qui se trompe lorsqu'il parle; ce sont les médias qui déforment délibérément, décontextualisent, provoquent. Ils l'ont toujours fait, même avec l'esprit le plus lucide de la planète, le Pape émérite. Ils ont réussi à déformer même un discours érudit, subtile, noble, comme celui de Ratisbonne!

L'absence de paroles pour des dizaines de milliers de chrétiens massacrés sciemment par des voyous utiles pour la stratégie du chaos voulue par les maîtres du monde? Eh bien, le pape est aussi un chef d'Etat, il fait de la politique. L'opposition frontale n'est pas toujours sage pour arriver aux meilleurs résultats. Souvenez-vous de Pie XII qui semblait timoré devant les nazis. Plusieurs personnalités juives ont demandé qu'il soit reconnu officiellement Juste parmi les Nations, parce qu'il a évité de pires massacres et sauvé des milliers de Juifs. Prudents - est l'exhortation du Seigneur. Prudents et rusés (5). Et les jésuites sont intelligents et astucieux. Maîtres de la dialectique, formateurs des meilleurs esprits. C'est un jésuite, et il est bien assisté par l'Esprit. Laissez-le faire.

Oui, d'accord, rusés. Si vous lancez constamment des boutades sur Twitter, que pensez-vous que feront les médias? Le successeur de Pierre a le devoir de peser chaque mot. La clarté. Toujours. Pour mal interpréter, il leur faudra faire des sauts périlleux, censurer, inventer. Ne pas se limiter pas à faire du copier/coller.

Ainsi, pour chaque athée calmé face à une Église aujourd'hui affaiblie, des centaines de milliers de bons catholiques sont en plein désarroi. Ils ne comprennent plus ce qui est juste et pourquoi, comme si des décennies de droiture avait été un malentendu. Depuis quand "croissez et multipliez-vous" signifie-t-il "faites-en trois"? Depuis quand les malthusiens font-ils la loi au Vatican? Et si vous êtes Son Vicaire, vous devez aussi juger. Pardonner et accueillir viennent seulement après le jugement sur le péché, sur les actes; sur les actes délibérée, perpétrés, vous devez exprimer votre désapprobation. Le Bien et le Mal sont évidents. Les distinctions sont nettes. Chacune de Vos actions [de Pape] a - doit avoir - un sens. Même Hitler était capable d'embrasser les enfants - mais quand vous recevez quelqu'un, vous le recevez pour une raison. Si un jour vous insultez les familles à l'ancienne et le lendemain vous recevez un trans, que prouvez-vous?
Un [passage en] italique dans La Croce (6), stigmatise ma stupeur: le pape n'a rien fait d'autre que rendre évidents la mission millénaire de l'Eglise, qui accueille tout le monde, et ceux qui se scandalisent sont des ennemis de l'Église, ou bien lui veulent du mal.

Bien sûr que l'Église accueille tout le monde, mais dans la pénombre du confessionnal. Au lieu de cela on choisit ce moment pour laisser "fuiter" l'audience au trans; juste après avoir insulté les familles prolifiques, alors même que les bons catholiques - et tous les hommes de bon sens - luttent contre l'agression à la famille. Je comprends parfaitement, même si je n'ai pas été éduqué comme un jésuite, ce qu'on voudrait montrer: que la lutte est contre des pratiques et des règles inhumaines et liberticides, et pas contre la personne et ses angoisses; on ne s'oppose pas à des orientations et à des faiblesses. Raisonnement irrécusable. Mais il y a les règles de la communication, celles que les jésuites enseignaient. Il y a les modes et les temps. Et par manque de mesure et de "timing", le pasteur lance des signaux incompréhensibles à son troupeau.

Stupidités, selon [le site] Tempi.it: pour comprendre ce que le Pape pense vraiment de l'homosexualité "il suffit d'étudier le §64 de l'exhortation apostolique Evangelii Gaudium, qui parle d'une mémoire «deutéronomique».
L'auteur de l'article, Manuel di Casoli explique également que "Qui suis-je pour juger?" n'est pas une expression nouvelle: un type l'avait dit il y a deux mille ans à une prostituée.
Si quelqu'un nourrissait ancore quelque doute - poursuit Casoli - il pourra lire la note 59: United States Conference of Catholic Bishops, Ministry to persons with a Homosexual Inclination: Guidelines for Pastoral Care (2006). Le texte dans la langue originale est clair, même pour ceux qui baragouinent peu l'anglais: «Consequently, the Catholic Church has consistently taught that homosexual acts “are contrary to the natural law… Under no circumstances can they be approved”». (7)

C'est stupide. La paroissienne moyenne qui étudie la proposition numéro 64 ? Et est éclairée par la "mémoire deutéronomique" ? Et qu'elle ne baragouine pas un peu d'anglais, il ne manque plus que ça!
Quant à l'évidence de "Qui suis-je pour juger", le type avait également ajouté: "Va et ne pèche plus". Cette dernière phrase aujourd'hui, on ne l'a vraiment pas entendu. Chaque croyant est tenu de savoir que cette phrase existe. Peut-être. Les tièdes, agnostiques et athées militants auxquels le Pape aime tant s'adresser ne la connaissent certainement pas. Des gens qui n'ont aucune intention de lire la proposition 64 et la note 59. Tous se contentent des mots inconsidérés et des discours a braccio.

Chaque jour, les journaux catholiques sont contraints de rectifier, d'expliquer, de commenter. Un effort constant de contextualisation. Lisez intégralement Ses interventions, nous exhorte-t-on: elles sont pure orthodoxie, le Christ est toujours présent.
Exact. C'est ce que j'ai soutenu, moi aussi. C'est peut-être parce qu'on les lui écrit. Il devrait simplement les lire, au lieu de faire le communicant. Les gens ne lisent pas les discours. Et même pas les prêtres. Les prêtres ne lisent rien, ils ne savent rien, ne croient pas au diable. On le comprend en voyant les gymnases qu'ils se font construire, les appelant des églises. Même les jésuites ne lisent plus. Ils font de la méditation transcendantale. Les ordres monastiques qui font référence à la Sainte Vierge - et aux règles primitives de la pauvreté franciscaine, tellement vantée - sont persécutés. Le Vicaire du Christ ne sait-il pas que c'est la malin qui hait la Sainte Vierge? Il craint seulement "celle-là". Et de trop nombreux évêques et cardinaux et même des exorcistes la craignent. Très écoutés au Vatican, apparemment.

Que dire de l'incohérence de la «honte» sans cible sur les massacres de Lampedusa? Le seul cri fort et clair a été élevé contre le dieu Neptune. Parce que s'il s'adressait à moi, j'ai bien d'autres sujets de honte. S'il s'adressait au gouvernement, le gouvernement italien n'en a fait que trop, sans l'aide d'autres Etats européens. S'il s'adressait aux puissances occidentales qui ont décidé de faire tomber les chefs d'Etat qui gouvernaient pacifiquement l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, alors, pour un changement, c'est raté.

Beaucoup de catholiques qui s'étaient éloignés, reviennent aujourd'hui. Je l'ai fait moi-même. Et oui, ils reviennent! Il n'y a plus de pénitence, il n'y a plus de remords. Tout va bien, tout est permis. A quoi sont-ils revenus? Ils ne tolèraient pas la religion (les «nœuds serrés») et ne la tolèrent toujours pas. Ils sont revenus dans un consensus où les règles sont "fai da te" (fais à ta guise). Voilà à quoi ils sont revenus. A ces prêtres à moitié défroqués, dépouillés, déshabillés; ces gestionnaires incapables de diriger une assemblée qui ressemble désormais à l'Orchestre de Fellini.

Un gros bonnet de la Compagnie de Jésus, directeur entre 2004 et 2012 de la revue des jésuites de France "Etudes", publie un livre sur les Philippines dont le Père Lombardi, jésuite lui aussi et directeur du bureau de presse du Vatican, a conseillé la lecture aux journalistes qui couvraient le voyage du Pape dans ce pays. Le livre fustige sévèrement les évêques philippins, trop engagés contre le divorce, la contraception, l'avortement, "si peu éclairés" (par les Lumières). Défaut de communication? Il ne semble pas: le Français en question fait partie des collaborateurs la Civiltà Cattolica, dirigée par Antonio Spadaro, un fidélissime de François (il le suit dans ses voyages, il concélèbre avec lui).
Ou bien cette invitation à s'adapter à la «modernité» a été voulue par Jorge Mario Bergoglio, ou bien le Saint-Père est entouré d'un cercle de frères [jésuites] qu'il ne contrôle en aucune façon. Ma mère, quand elle voulait insulter un hypocrite, le traitait de jésuite. Mais moi, je pensais que cette mauvaise réputation était liée à calomnie (8). En tout cas, ici, un épiscopat tout entier est précipité dans la confusion. Et même tous les épiscopats, car on suppose que les évêques lisent et se retrouvent dans la lecture de ces infamies recommandées par le Vatican.

Ni Laurel ni Fernandel. Peut-être Larry David dans Whatever Works de Woody Allen, l'apothéose du relativisme. Le nouveau verbe est: "allez, et soyez accommodants". Non pas diabolicité des médias, mais crédulité de chacun. On s'attendait à un pape, il est venu un tanguero. Espérons ne pas avoir à remplacer le u par un h (1).

Je n'ai pas changé d'avis tout d'un coup. J'étouffais mes doutes parce que j'abhorre les semeurs de discorde (comme par hasard, "semeurs de discorde", c'est précisément ainsi qu'ont été définis les évêques philippins). Et je ne me sentais pas à la hauteur pour évaluer le résultat final des actions papales. Mais cela n'a pas duré: il me faut dire ce que je pense, ce que je vois. Je ne peux pas faire autrement.
Et maintenant, j'avoue que moi qui m'accrochais à l'Eglise pour la mozette de velours rouge, moi qui avais l'habitude de tempêter contre ceux qui veulent enseigner au Pape ce qu'il doit dire, je me mets à dire du mal de notre Pasteur, le maltraitant avec des allusions cinématographiques à la Charlie Hebdo. Serais-je une victime du diable, qui divise ? Serais-je en train de rédiger une résevation en ligne pour l'enfer? Ou bien est-il juste que, fréquentant [le milieu de] la communication et en admirateur des Jésuites d'antan, la légèreté d'un Pontife me choque? En tout cas, je viens d'allumer un cierge à la Sainte Vierge.

Notes de traduction

(1) Jeu de mots: tanguero signifie "danseur de tango", et tanghero se traduirait par "rustre" ou "goujat"

(2) La comparaison n'est pas vraiment pertinente, sinon pour les chaussures.! Pour les idées, François est l'anti-don Camillo par excellence...

(3) La ressemblance est effectivement frappante, comme le prouve l'image ci-contre.

(4) Allusion à l'éthymologie du mot "pontife" qui signifie littéralement "qui fait des ponts"

(5) cf. Matthieu 10:16

(6) La Croce: quotidien catholique lancé en janvier dernier par un certain Mario Adinolfi, un homme venu de la gauche. Certaines "mauvaises langues" ont pensé à une opération de sauvetage de François...

(7) En fait ce texte remonte au Pontificat de Benoît XVI!!

(8) Je me garderais de généraliser. Je connais des jésuites qui sont de bonnes et nobles personnes.

  benoit-et-moi.fr, tous droits réservés