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L'effondrement du protestantisme historique

Dans un article-enquête passionnant, Giuseppe Rusconi (Rosso Porpora) brosse un tableau alarmant, qui débouche obligatoirement sur une question cruciale pour les catholiques. Traduction de Anna (16/1/2015)

>>> >>> Image ci-contre sur le blog de Marco Tosatti , qui reprend l'article.

(...) une question se pose avec force: est-ce qu'il convient réellement - comme l'ont fait de nombreuses communautés ecclésiales du monde protestant - de satisfaire le relativisme dominant de type idéologico-économique, dénaturant sa propre identité dans la tentative de récupérer les fidèles égarés?

PROTESTANTISME HISTORIQUE EUROPÉEN: DES CHIFFRES ALARMANTS
http://www.rossoporpora.org
Traduction Anna
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Quelques données statistiques amènent, hélas, à se demander si le protestantisme historique européen (en particulier luthérien et calviniste) ne court pas le risque de devenir une minorité négligeable. Similaire est le cas anglican. Et pourtant, dans le monde catholique il y a ceux qui proposent, avec une plus ou moins sainte ingénuité, des recette "d'ouverture" qui ne sont pas étrangères à cette situation de plus en plus alarmante.



Prémisse:
lorsqu'on cherche à quantifier les "protestants" en Europe (ainsi que dans le reste du monde), des difficultés non négligeables se présentent aussitôt, qui résultent tout d'abord du fait que dans le monde né de la Réforme protestante du XVI siècle, outre les "sigles" historiques connotées du nom de leur fondateur (luthériens, calvinistes) , se situent aussi les nombreuses autres dénominations nées dans les siècles suivants, comme les baptistes, les méthodistes, les mormons. Et encore, la plus récente diffusion des pentecôtistes et une myriade de sigles s'inspirant du protestantisme "libre", "évangélique", "de réveil". Ce sont d'ailleurs ces dernières qui se propagent en Amérique Latine, arrachant des millions de fidèles au catholicisme. Ceci dit, les chiffres que vous allez trouver dans la suite de l'article et qui concernent le protestantisme européen, se réfèrent essentiellement aux luthériens et aux calvinistes, avec les anglicans pour l'Angleterre.

Au cours des dernières années (et des derniers mois en particulier) des voix se sont élevées de l'aire catholique (telle qu'elle se définit) qui, en référence aux grands thèmes anthropologiques de l'actualité, souhaitent que l'Eglise de Rome s'adapte au soi-disant progrès international en la matière, tout comme l'a fait une bonne partie du monde protestant. Il est connu que la majorité des luthériens de l'Europe du nord (rejoints ces derniers mois aussi par les anglicans de l'Eglise d'Angleterre) ont pris position en faveur de la reconnaissance des mariages dits "homosexuels"; du sacerdoce et de l'épiscopat féminin; de l'ordination de prêtres et évêques homosexuels; de nombreux des "nouveaux droits" en matière de début et fin de vie. Qu'ils ont subi sans rechigner l'imposition de l'idéologie du gender dans les écoles. Toutefois cette adéquation, cette soumission aux exigences de la sécularisation la plus poussée a-t-elle eu des retombées positives sur la vitalité du protestantisme européen?

Pour répondre nous utilisons des chiffres, nous basant sur les données statistiques fournies en grande partie par les Eglises nationale protestantes elles-mêmes.

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1. Commençons par l'Allemagne, patrie de Luther. Après la réunification, en 1990, les protestants étaient 29,4 millions (36,9% de la population); en 2004 ils étaient descendus à 26,2 millions (31,5%) et en 2013 à 23,3 millions (29%). En 1990 les catholiques étaient 28,5 millions (35,4%), en 2013, 24,2 millions (30%). De 2004 à 2013 les baptêmes protestants sont passés de 236 mille à 187 mille, les confirmations de 272 mille à 227 mille, les mariages de 59 mille à 49 mille. Dans la même période la participation au culte dominical est descendue de 4 à 3,5%.

2. Venons à la Suisse de Zwingli, Calvin et Forel (artisans de la Réforme respectivement à Zurich, Genève et Neuchâtel). En 1970 les protestants étaient 48,8% de la population et dépassaient de deux point les catholiques. En 2000 ils étaient descendus à 33,9%, en 2013 à 26,9%. En recul les catholiques également - dans un pourcentage plus faible, mais qui reste préoccupant - qui sont passés de 46,7% en 1970, à 42,3% en 2000, à 38,2% en 2013. Il est aussi intéressant de remarquer que les protestants ne se situent plus à la première place à Zurich, ni à Genève ni a Bâle ni à Lausanne, ni à Neuchâtel, et sont dépassés par les catholiques et/ou les non croyants. Autre constatation statistique: en 2012 le protestantisme en Suisse a enregistré plus d'abandons que le catholicisme (comme dans le reste de l'Allemagne): une donnée qu'on retrouve dans toute la Confédération, à l'exception du territoire correspondant au diocèse de Coire (concernant Zurich), où la situation dans le campcatholique est conflictuelle.

3. Le cas de la Hollande est très significatif: les protestants qui étaient en 1971 35,9% de la population, étaient descendus en 2010 à 15,6% (les catholiques de 40,4 au 24,5%). Lorsqu'en 2004 les trois dénominations protestantes principales se réunirent (calvinistes orthodoxes, calvinistes modérés, luthériens), le troupeau dépassa les 2,4 millions de brebis. Aujourd'hui il en reste moins de 1,8 millions. Il faut rappeler que la Hollande a été la première nation au monde à reconnaître les soi disant "mariages gay"; elle est aussi tristement à l'avant garde en matière de fin de vie, avec la Belgique, ancien pays catholique.

4. Nous allons maintenant en Scandinavie. Nous y trouvons d'autres avant-gardes en matière des soi-disant "nouveau droits".
Comme la Hollande (qui est toutefois calviniste), le Danemark, la Suède, la Norvège, la Finlande sont aussi historiquement des pays protestants (généralement luthériens ). Formellement ils sont tous des pays où le protestantisme est bien enraciné, avec des majorités encore massives, dépassant les 80%. On découvre toutefois, par des enquêtes démoscopiques récentes, qu'en Suède les non croyants arrivent à 45%, et en Norvège à 33%. En Suède et Norvège, déjà en 2008/2009, le Parlement avait reconnu les mariages dits "gays", au Danemark en 2012, en Finlande (le pays scandinave le plus "conservateur") ces tout derniers mois. Dans ce pays, la décision du parlement de reconnaître ces "mariages", adoptée le 28 novembre dernier avec 102 voix contre 95, a justement provoqué une importante division au sein du monde luthérien, dont le responsable s'est félicité du résultat. En quelques jours plus de 13 mille protestants ont abandonné leur communauté ecclésiale, sans compter que l'appui officiel du sommet luthérien à cette décision a beaucoup compliqué le dialogue oecuménique avec les catholiques et les orthodoxes.

5. Et les anglicans? Partons des chiffres bruts.
En Grande Bretagne, en 1983, les anglicans représentaient 40% de la population britannique, en 2012 20% (les catholiques entre 10% et 9%). Petite révision d'histoire: en 1993 le sacerdoce féminin est introduit, en 2006 il est décidé que l'épiscopat féminin est théologiquement justifié. Comme réaction, trois évêques et une cinquantaine de prêtres anglicans, avec une centaine de fidèles demandent d'adhérer à l'Eglise catholique, ce qui se concrétise en 2011. En juillet 2014 c'est le "oui" définitif aux femmes-évêques de la part du Synode de l'Eglise d'Angleterre (confirmé par les deux branches du Parlement britannique). Depuis des années on discute par ailleurs dans l'Eglise anglicane de l'ordination de prêtres et évêques homosexuels et de la bénédiction des couples du même sexe. En janvier 2013 est annoncée la disponibilité à la consécration épiscopale également des prêtres homosexuels. Par ailleurs, dans un discours en juillet suivant à York l'archevêque anglican de Canterbury, Justin Welby, souligne qu'il "serait absurde et impossible" d'ignorer le changements dans la société. Il faut donc "s'ouvrir aux homosexuels". Cela ne signifie pas être automatiquement favorables aux soi-disants "mariages gay" (Welby s'est toujours déclaré plutôt contraire), il convient toutefois que des programmes contre l'homophobie soient introduits aussi dans les 5000 écoles catholiques du Royaume. En novembre 2013 l'Eglise d'Angleterre consent à la bénédiction des couples homosexuels à l'église. Cependant la participation au culte dominical est descendue dans les derniers 20 ans de 1,2 millions de fidèles à 800 mille, moins que les catholiques qui assistent habituellement à la sainte messe.

Suite à la lecture des ces chiffres, une question se pose avec force: est-ce qu'il convient réellement - comme l'ont fait de nombreuses communautés ecclésiales du monde protestant - de satisfaire le relativisme dominant de type idéologico-économique, dénaturant sa propre identité dans la tentative de récupérer les fidèles égarés? Au delà de toute autre considération, il nous semble que les chiffres parlent sans équivoque.

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