Un Jubilé, pour quoi faire?
Deux articles à contre courant, l'un sur le site familier "That the bones...", l'autre d'Antonio Socci
Mais avant de les lire, il est utile de rappeler les faits, à travers le compte-rendu de radio Vatican:
Ce vendredi soir, au cours d’une liturgie pénitentielle, dans la basilique Saint-Pierre, le Pape François a annoncé la convocation d’une Année Sainte de la Miséricorde. Elle commencera le 8 décembre 2015, solennité de l’Immaculée Conception, par l’ouverture de la Porte Sainte de la basilique Saint-Pierre et s’achèvera le 20 novembre 2016, en la fête du Christ Roi.
La Miséricorde est un thème particulièrement cher au Pape François. Dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium, le mot miséricorde figure 31 fois.
...
Dans son homélie, le Pape François est revenu sur l’évangile de Luc et la parabole de la pécheresse et du pharisien (ndlr: Luc 7:36-50) pour expliquer le parcours que chacun d’entre nous doit entreprendre pour faire preuve de miséricorde et être objet de la miséricorde de Dieu.
«Chaque geste de cette femme parle d’amour et exprime son désir d’avoir une certitude inébranlable dans sa vie: celle d’être pardonnée. Cette certitude est très belle. Et Jésus lui donne cette certitude. En l’accueillant, il lui montre l’amour de Dieu pour elle, une pécheresse publique!».
Si cette femme a parlé avec son cœur, ce n’est pas le cas du pharisien, Simon, qui «reste fermé au seuil de la formalité. C’est une mauvaise chose, l’amour formel». Le Pape explique alors que Simon n’invoque que la justice et qu’il se trompe en faisant ainsi. «il s’est arrêté à la surface, à la formalité, il n’a pas été capable de regarder le cœur».
Jubilé de la Miséricorde: une idée ou deux
That the bones you have crushed...
http://thatthebonesyouhavecrushedmaythrill.blogspot.co.uk/2015/03/jubilee-of-mercy-idea-or-two.html
Ma traduction
-------
Un Jubilé de la Miséricorde, cela semble merveilleux. Durant les pontificats précédents, j'en aurais été très heureux. Mais cette époque n'est pas un temps ordinaire.
Etait-ce l'idée de ce cardinal Baldisseri? Une idée géniale du cardinal Kasper? Après tout, il est expert en miséricorde, non?
Je peux seulement parler pour moi-même.
J'ai eu deux années de cet étrange «la miséricorde annule la loi de Dieu, voilà!» ruisselant du Vatican. Ce sont deux années où mon cynisme a mûri.
Les catholiques fidèles ne disent pas - ne diront pas - "hourrah" à ce qui équivaut à une trahison complète par la Hiérarchie de l'enseignement même du Christ, distribuant la communion aux adultères impénitents et autres pécheurs impénitents en état de péché mortel. Ils ne diront pas "hourrah" au traitement de la Sainte Eucharistie comme si c'était du pain et du vin inchangés, alors qu'on va nous culpabiliser vraiment, nous réduisant au statut de paria, pour avoir résisté à la ruse du plan rendu apparent par la manipulation du Synode, avec l'institution plus rusée encore d'une année jubilaire de la Miséricorde.
«Vous ne pouvez pas être en désaccord avec nous sur la proposition de Kasper. C'est l'année de la Miséricorde, vous n'êtes pas au courant? Et il a écrit un livre sur la miséricorde. Voilà! Si vous n'êtes pas d'accord avec ça, vous êtes sans merci (sans miséricorde)!»
Comme je l'ai dit, je suis devenu très cynique, mais je suis sûr que d'autres ressentent la même chose. Ma bonne foi dans ce pontificat avec son «agenda» particulier a été épuisée. Je m'attends maintenant au pire. Il est bizarre que tout à coup, quand cela arrange le Pape, une coutume de l'Eglise vénérée par ses prédécesseurs - une coutume aux très anciennes origines, des origines qui précèdent même la messe traditionnelle latine, qu'il a rejetée publiquement - soit soudainement vue comme un signe positif - plutôt qu'un négatif. Le cynique pourrait dire que c'est parce que, tout à coup, une ancienne coutume convient à un «agenda» personnel.
Malgré tout, va pour une année de la Miséricorde. Traditionnellement, selon Wikipedia, un Jubilé est une année «durant laquelle les esclaves et les prisonniers seraient libérés, les dettes seraient pardonnées et les miséricordes de Dieu seraient particulièrement manifestes».
Alors ... que diriez-vous de lever toutes ces restrictions sur les Franciscains de l'Immaculée? Non? Dans une année jubilaire de la Miséricorde, que diriez-vous d'enseigner aux fidèles et aux autres la Vérité à travers la catéchèse appropriée, afin que nous puissions nous reconaître coupables de nos péchés et cherchions la Divine miséricorde? Que diriez-vous d'accorder les sacrements aux catholiques allemands de bonne foi et de bonne volonté, même s'ils n'ont pas payé leur impôt à l'Eglise? Que diriez-vous d'un arrêt de toutes les insultes et d'une atmosphère hostile de récrimination dirigée contre les cardinaux fidèles, les évêques et les prêtres dont le seul crime est vouloir tenir fermement au Magistère et promouvoir liturgie traditionnelle?
Oui, en cette année 2015 de Notre Seigneur, l'Année jubilaire de la Miséricorde me frappe comme quelque chose de politique plutôt qu'un effort spirituel, en raison de ce qui a précédé, mais en soi, c'est un faitlouable.
Malgré mon cynisme, j'espère que pour ceux qui sont fidèles au Magistère et qui célèbrent la messe d'autrefois, et pour ceux qui s'opposent vigoureusement à la direction prise par la première partie du Synode sur la famille, la miséricorde viendra bientôt. J'espère et je prie aussi pour qu'elle mène beaucoup de gens plus près du Sacré-Cœur de Jésus, notre divin Rédempteur, qui est si riche en miséricorde et de compassion pour les pécheurs.
Le premier jubilé de l'histoire qui ne célébrera pas Jésus (et aura Bergoglio en son centre)
Antonio Socci
www.antoniosocci.com/il-primo-giubileo-della-storia-che-non-celebrera-gesu-e-avra-al-centro-bergoglio/
Ma traduction
-------
L'Année Sainte qui vient d'être annoncée sera-t-elle centrée sur Jésus-Christ, comme les précédentes, ou sur le pape Bergoglio?
Ils devront être très déterminés, le pape et l'Eglise, pour clarifier l'équivoque car hier les titres des principaux journaux, tous laïcistes, mais bergogliens enthousiastes, étaient unanimes.
. Corriere della Sera: «Le Jubilé du Pape François».
. La Repubblica: «L'Année Sainte de François».
. La Stampa: «C'est le Jubilé de François».
Concept absurde parce qu'avec un Jubilé, on ne célèbre pas un pape, mais le Seigneur. Le pape doit être le «serviteur des serviteurs de Dieu» et ne peut pas se mettre à la place de Dieu.
FRANÇOISMANIA
-------
On dira que que ce sont les médias qui se méprennent. C'est en partie vrai, mais personne, cependant, ne dément ces journaux qui par ailleurs - par un hasard curieux - sont détenus par des banques puissantes, de grands financiers et des multinationales, et sont tous des supporters acharnés du «pape des pauvres» qui fulmine contre le capitalisme.
En outre - en dehors des journaux laïques - même la cour papale, au sens large, contribue dans le monde catholique à la transformation du pape en un "divo" (une star).
Tant et si bien que le même Bergoglio, dans une interview des premiers mois, déplora la "françoiscomania" en disant: «Je n'aime pas les interprétations idéologiques, une certaine mythologie du Pape François ... Sigmund Freud a dit, si je ne me trompe pas, que, dans toute idéalisation il y a une agression. Dépeindre le Pape comme une sorte de surhomme, une sorte de star, me semble offensant».
Donc Bergoglio a compris au début que cette «divisation» (ndt: cette façon d'en faire un "divo") fanatique de sa personne est un danger pour lui.
Mais au lieu de «décentrer» l'Eglise de lui-même et de la recentrer sur le Christ, il a rapidement montré une certaine complaisance et finalement du plaisir.
En réalité, aujourd'hui, sa cour est une usine de triomphalisme adulateur et les médias catholiques, comme ceux laïcs, naviguent sur les mers d'une "françoismania" fanatique.
Et il n'y a pas que cela. Dans l'Église, cette "françoismania" est imposée (même aux évêques et aux cardinaux) comme la pensée unique à laquelle on doit se conformer si on ne veut pas courir le risque de prendre une «raclée» et d'être mis à l'index.
De là le problème de l'Année Sainte.
On espère que ce n'est pas Bergoglio qui a voulu faire «le Jubilé de François». Lui-même, une fois, au début, a invité à crier «Vive Jésus» au lieu de «Vive François». Mais il ne l'a fait qu'une seule fois. Il a ensuite laissé la "françoismania" se répandre.
Aujourd'hui, il ne tolère pas la diversité de vues et d'accents, il élargit les fauteuils et accorde des prix à ceux qui applaudissent, punit les dissidents et laisse la Cour imposer dans l'Église une papolâtrie de plomb
Les journaux d'hier ont été induits en erreur aussi parce que Bergoglio a choisi d'annoncer le Jubilé le jour du deuxième anniversaire de son élection, quand tous les journaux avaient des pages célébratives en son honneur.
En outre, simultanément, une interview a été publiée, dans laquelle il dit a que son pontificat sera court (par la force des choses: il a 78 ans), se mettant ainsi au centre de l'attention des médias. Il était donc naturel pour les journaux de faire ces titres sur le Jubilé, le centrant sur lui.
On dira que ce n'était pas la volonté de Bergoglio. J'espère bien. Mais demandons-nous: pourquoi une Année Sainte extraordinaire en 2016?
LE CHRIST EFFACÉ
-----
Le Jubilé - depuis le premier, en 1300 - a toujours été fixé en les dates qui se réfèrent aux années de la naissance et de la mort de Jésus-Christ. Y compris les jubilés extraordinaires (très rares).
Celui de 2016 est le premier Jubilé de l'histoire de l'Église qui n'a pas en son centre l'événement historique de Jésus-Christ, de sa vie terrestre.
Comme il fallait trouver quelque raison de le convoquer en 2016, Bergoglio a décidé qu'il serait tenu pour le 50e anniversaire de la clôture du Concile Vatican II.
Mais qu'est-ce que c'est que cet anniversaire? On n'a jamais fait un Jubilé pour un Concile. Et puis le Concile Vatican II a pris fin en 1965, pas en 2016, et donc on ne célébre pas le 50e, mais le 51e anniversaire de la conclusion du 21e Concile de l'Eglise.
C'est donc un prétexte, plus que tout idéologique et même auto-référentiel, parce que centré sur un fait ecclésial plutôt que sur le Christ (si on devait considérer des événements similaires dans l'histoire de l'Église, chaque année, on pourrait organiser une Année sainte).
Le premier Jubilé de l'histoire qui n'aura pas en son centre l'événement du Christ aura, comme protagoniste médiatique incontesté, le pape Bergoglio, le pape qui par ailleurs, ne salue pas les fidèles avec la phrase traditionnelle «Loué soit Jésus Christ», mais avec «Bonjour» et «Bonsoir», étant ainsi salué par les médias comme «pape affable».
Ce sera donc une année de triomphalisme bergoglien. Même la référence à la «miséricorde», voulue par le Pape, va dans ce sens. Le "Corriere" écrit en première page: «Il sera dédié à la miséricorde».
Mais c'est un pléonasme car tous les Jubilés, par leur nature même, sont dédiés à la miséricorde.
La cathédrale de Sienne (ndt: Sienne est la ville d'origine d'Antonio Socci) a une stèle gravée sur son portail, qui rapporte les paroles avec lesquelles Boniface VIII a proclamé le premier Jubilé de l'histoire, en 1300, et le mot clé est justement «miséricorde».
Alors, pourquoi a-t-on voulu affirmer que le Jubilé de 2016 sera particulièrement axé sur la miséricorde et se caractérise par cela?
Entend-on annoncer et donner - comme dans tous les autres Jubilés - la Miséricorde de Dieu, ou veut-on plutôt célébrer la miséricorde du pape Bergoglio, qui est considérée par les médias comme plus grande?
La question est d'une actualité brûlante, étant donné que tout au long de 2014 François a essayé de faire, à travers le cardinal Kasper, une révolution sur l'accès à la communion des divorcés remariés au nom de son idée de «miséricorde».
Le pape d'Argentine a été substantiellement mis en minorité à la fois au consistoire de Février 2014 et lors du Synode suivant, parce que l'Eglise lui a rappelé que la Miséricorde ne peut impliquer l'annulation de la loi de Dieu et des paroles du Christ sur le sacrement du mariage.
Toutefois, au nouveau Synode d'Octobre prochain nous aurons le match retour.
Certains pensent que la proclamation du Jubilé de la «miséricorde» peut être une forme de pression pour faire passer au Synode les innovations bergogliennes.
Et certains pensent qu'il sert plutôt à Bergoglio à éclipser un synode où il sait désormais ne pas être en mesure de réaliser la révolution envisagée.
D'où une grande opération de diversion pour échapper à la déception des fans et des médias laïcistes.
Les hypothèses sont les plus diverses. Mais aujourd'hui, le problème qui s'impose, et que le Jubilé amplifie, c'est d'abord celui-ci: l'Église doit elle être centrée sur Jésus-Christ ou sur le pape actuel?
CULTE DE LA PERSONNALITÉ
----
Jean Paul 1er, dans ses 33 jours de pontificat, fut entouré d'une grande affection des fidèles. Mais c'était un phénomène qui n'était même de loin pas comparable à la "françoismania" planétaire actuelle (surtout laïciste).
Néanmoins la chaleur du peuple chrétien suffit à Papa Luciani pour mettre tout le monde en garde contre les risques de papolâtrie: «J'ai l'impression, - disait-il - que la personne du pape est trop couverte de louanges. Il y a un risque de tomber dans le culte de la personnalité, que je ne veux absolument pas. Le centre de tout est le Christ, l'Église. L'Eglise n'est pas au pape, elle est au Christ ... Le pape est un humble serviteur du Christ».
Jésus lui-même, dans les Évangiles, a mis en garde les apôtres contre les applaudissements du monde et fait l'éloge de ceux qui défient la haine du monde et cherchent plutôt le consensus de Dieu.
Au Papes d'aujourd'hui aussi, aux papes de l'ère des médias, s'impose le choix le plus dramatique: entre le témoignage (héroïque) de la Vérité et la recherche du consensus mondain. Ou Dieu ou Mammon.
Déjà le cardinal Ratzinger, à la mort du Pape Paul VI, en 1978, avait dit: «Paul VI a résisté à la télécratie et à la démoscopie, les deux puissances dictatoriales du moment. Il a pu le faire parce qu'il ne prenait pas comme paramètre le succès et l'approbation, mais la conscience, qui se mesurée sur la vérité, sur la foi».
C'est ce qu'on fait, jusqu'à flirter avec le lynchage médiatique, Jean-Paul II et Benoît XVI. Jusqu'à présent, François a fait le contraire.