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Propos de Benoît XVI au Royaume-Uni

Homélie prononcée par l’abbé Iborra le 25 septembre 2010, devant des étudiants de Liège à l’occasion de la rentrée universitaire (messe du Saint Esprit). Benoît XVI rentrait tout juste de son voyage au Royaume-Uni et l’abbé commente pour son jeune auditoire quelques passages de ses discours.

Reproduite avec l'aimable autorisation de son auteur, qui me l'a transmise.

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>>> Pages spéciales sur le voyage au Royaume-Uni du 16 au 19 septembre 2010: benoit-et-moi.fr/ete2010
>>> Tous les discours du Saint-Père, sur le site du Vatican: w2.vatican.va

Pour qui regarde avec réalisme notre monde d'aujourd'hui, il est manifeste que les chrétiens ne peuvent plus se permettre de mener leurs affaires comme avant. Ils ne peuvent ignorer la profonde crise de la foi qui a ébranlé notre société, ni même être sûrs que le patrimoine des valeurs transmises par des siècles de chrétienté, va continuer d'inspirer et de modeler l'avenir de notre société. Nous savons qu'en des temps de crise et de bouleversement, Dieu a suscité de grands saints et prophètes pour le renouveau de l'Église et de la société chrétienne.

(Benoît XVI, veillée de prières à Hyde Park pour la béatification de JH Newman, 18.9.2010)

Collage de Gloria

Messe du Saint-Esprit

Liège, 25 septembre 2010

Célébrer la messe du Saint-Esprit, au commencement d'une nouvelle année académique par exemple, comme nous aujourd'hui, ce n'est pas d'abord implorer Dieu de bien vouloir nous accorder son Esprit. Car nous accorder son Esprit, c'est précisément le vœu le plus cher du Seigneur. C'est bien plutôt prendre la résolution de vouloir recevoir le don de Dieu, de vouloir se laisser transformer par ce même Esprit, dans toutes les dimensions de sa vie, c'est-à-dire bien sûr dans le domaine intellectuel, mais aussi dans les domaines si divers et parfois si rebelles que sont ceux des affections, des goûts et des choix moraux de l'existence. C'est accepter que le Saint-Esprit devienne l'âme de notre âme, qu'il fasse de chacun de nous une anima ecclesiastica, quelqu'un qui vive toutes les dimensions de sa vie en tant que membre de l'Église, soumis en tout à Dieu, désireux d'étendre le règne du Christ : à l'extérieur, en témoignant du sens que la foi procure à sa vie, et en profondeur, en laissant évangéliser toutes les strates de son existence, pour parvenir à l'unité intérieure, condition de la véracité du témoignage.
Les interventions de Benoît XVI en Grande Bretagne pourront guider notre méditation de ce soir.

Dieu veut avant tout notre bonheur. C'est ce que Benoît XVI rappelait aux étudiants réunis autour de lui à Londres. Et qui dit bonheur dit aussi sainteté:

« Quand je vous invite à devenir des saints, je vous demande de ne pas vous contenter de la seconde place. Je vous demande de ne pas poursuivre un but limité en ignorant tous les autres. L’argent permet d’être généreux et de faire du bien dans le monde, mais à lui seul, il ne suffit pas à nous rendre heureux. La haute qualification dans l’activité professionnelle est une bonne chose, mais elle ne nous satisfait pas si nous n’avons pas en vue quelque chose de bien plus grand. Elle peut nous rendre célèbre, mais elle ne nous rendra pas heureux. Le bonheur est quelque chose que nous voulons tous, mais un des grands drames de ce monde est que tant de personnes ne le trouvent jamais, parce qu’elles le cherchent là où il n’est pas. La clef du bonheur est très simple – le vrai bonheur se trouve en Dieu. Nous devons avoir le courage de mettre nos espérances les plus profondes en Dieu seul, non pas dans l’argent, dans la carrière, dans les succès de ce monde, ou dans nos relations avec d’autres personnes, mais en Dieu. Lui seul peut satisfaire les exigences profondes de nos cœurs ».

Cette quête du bonheur, John Henry Newman l'a illustrée par l'itinéraire de sa vie : une vive expérience de conversion dans sa jeunesse à laquelle il a été fidèle toute sa vie en appliquant inlassablement sa raison à scruter les profondeurs de Dieu à travers le donné révélé tel qu'il lui avait été transmis pour, le moment venu, par fidélité à sa conscience, caisse de résonance de la vérité de Dieu, opter pour l'Église romaine, quitte à en subir les conséquences.

« La vie de Newman nous enseigne aussi -commentait le Pape - que la passion pour la vérité, l'honnêteté intellectuelle et la conversion authentique ont un prix élevé ».

L'expérience intérieure de la vérité a pour conséquence logique le témoignage extérieur. Ce témoignage, aujourd'hui, nous expose souvent à l'ironie, voire à l'hostilité. Il heurte notre désir inné de paix.

« À notre époque, le prix à payer pour la fidélité à l’Évangile n’est plus la condamnation à mort par pendaison ou par écartèlement, mais cela entraîne souvent d’être exclus, ridiculisés ou caricaturés. Et cependant, l’Église ne peut renoncer à sa tâche : proclamer le Christ et son Évangile comme vérité salvifique, source de notre bonheur individuel ultime et fondement d’une société juste et humaine ».

Et ce témoignage est d'autant plus nécessaire que sans la Vérité révélée que véhicule la religion, la raison laissée à ses seules forces se retourne contre l'homme et le conduit au malheur. C'est une des constantes de l'enseignement de Benoît XVI au sujet de la société postmoderne. C'est l'appel qu'il lançait aux Ecossais à Glasgow:

« L’évangélisation de la culture est d’autant plus importante de nos jours, alors qu’une “dictature du relativisme” menace d’obscurcir l’immuable vérité sur la nature humaine, sa destinée et son bien suprême. Certains cherchent aujourd’hui à exclure la croyance religieuse du discours public, à la limiter à la sphère privée ou même à la dépeindre comme une menace pour l’égalité et pour la liberté. Pourtant, la religion est en fait une garantie de liberté et de respect authentiques, car elle nous conduit à considérer chaque personne comme un frère ou une sœur. Pour cette raison, je lance un appel particulier à vous les fidèles laïcs, en accord avec votre vocation et votre mission baptismales, à être non seulement des exemples de foi dans la vie publique, mais aussi à introduire et à promouvoir dans le débat public l’argument d’une sagesse et d’une vision de foi. La société d’aujourd’hui a besoin de voix claires qui prônent notre droit de vivre, non pas dans une jungle de libertés autodestructrices et arbitraires, mais dans une société qui travaille pour le vrai bien-être de ses citoyens et qui, face à leurs fragilités et leurs faiblesses, leur offre conseils et protection ».

C'est ce qu'il répétera devant les parlementaires britanniques au palais de Westminster. Si la loi naturelle, de soi, suffit à régir droitement les sociétés, concrètement, nos contemporains sont devenus incapables d'en découvrir et d'en observer les exigences. Ils ont besoin du « correctif » de la religion, qui les aide à purifier leur raison et à fortifier leur volonté. Et après avoir mentionnées les déviations qui menacent également la religion, il concluait par ces mots :

« La religion, en d’autres termes, n’est pas un problème que les législateurs doivent résoudre, mais elle est une contribution vitale au dialogue national ».

Cette contribution que les chrétiens sont les seuls à apporter en plénitude à la société doit être humble, c'est-à-dire émaner non de perroquets qui récitent une leçon, mais de gens ayant fait l'expérience intérieure de la vérité, dans un cœur à cœur avec le Seigneur, cor ad cor loquitur. La collecte de la messe nous invitait à « goûter dans l'Esprit ce qui est bien ».

« Finalement - disait le Pape aux fidèles réunis à Hyde Park - Newman nous enseigne que, si nous avons accepté la vérité du Christ et lui avons donné notre vie, il ne peut y avoir de différence entre ce que nous croyons et notre manière de vivre. Toutes nos pensées, nos paroles et nos actions doivent être pour la gloire de Dieu et pour l’avènement de son Royaume. Newman a compris cela et il a été le grand défenseur de la mission prophétique des laïcs chrétiens. Il a vu clairement qu’il ne s’agissait pas tant d’accepter la vérité par un acte purement intellectuel que de l’embrasser dans une dynamique spirituelle qui pénètre jusqu’au cœur de notre être. La vérité est transmise non seulement par un enseignement en bonne et due forme, aussi important soit-il, mais aussi par le témoignage de vies vécues dans l’intégrité, la fidélité et la sainteté. Ceux qui vivent dans et par la vérité reconnaissent instinctivement ce qui est faux et, précisément parce que faux, hostile à la beauté et à la bonté qui sont inhérentes à la splendeur de la vérité, Veritatis splendor ».

Notre engagement, dès lors, n'est pas un engagement de militants. C'est un engagement spirituel, un engagement de martyrs, c'est-à-dire de témoins de cette splendeur de la vérité. C'est un engagement qui, parce qu'il provient des profondeurs de l'âme, du tréfonds de la conscience, est propre à chacun et, en un sens, unique. « Dieu m’a créé pour un service précis. Il m’a confié un travail qu’il n’a confié à personne d’autre » écrivait-il.
Cet engagement, aujourd'hui, se fait pressant:

« Pour qui regarde avec réalisme notre monde d’aujourd’hui - continuait le Pape à Hyde Park - il est manifeste que les chrétiens ne peuvent plus se permettre de mener leurs affaires comme avant. Ils ne peuvent ignorer la profonde crise de la foi qui a ébranlé notre société, ni même être sûrs que le patrimoine des valeurs transmises par des siècles de chrétienté, va continuer d’inspirer et de modeler l’avenir de notre société. Nous savons qu’en des temps de crise et de bouleversement, Dieu a suscité de grands saints et prophètes pour le renouveau de l’Église et de la société chrétienne ».

Ces saints, ce sont les chrétiens qui prennent au sérieux l'appel de l'Esprit Saint en eux, lui qui utilise aussi bien leurs forces que leurs faiblesses, leurs richesses que leur pauvretés, pour apporter une réponse appropriée aux défis de notre temps. A Birmingham, le Pape citait cet appel de Newman :

« Je désire un laïcat qui ne soit pas arrogant, ni âpre dans son langage, ni prompt à la dispute, mais des personnes qui connaissent leur religion, qui pénètrent en ses profondeurs, qui savent précisément où ils sont, qui savent ce qu’ils ont et ce qu’ils n’ont pas, qui connaissent si bien leur foi qu’ils peuvent en rendre compte, qui connaissent assez leur histoire pour pouvoir la défendre ».

Et à Hyde Park, il concluait :

« À ce point, je désire m’adresser spécialement aux nombreux jeunes ici présents. Chers jeunes amis : seul Jésus sait quel ‘’service précis’’ il a pensé pour vous. Soyez ouverts à sa voix qui résonne au fond de votre cœur : maintenant encore son cœur parle à votre cœur. Le Christ a besoin de familles qui rappellent au monde la dignité de l’amour humain et la beauté de la vie de famille. Il a besoin d’hommes et de femmes qui consacrent leur vie à la noble tâche de l’éducation, veillant sur les jeunes et les entraînant sur les chemins de l’Évangile. Il a besoin de personnes qui consacrent leur vie à s’efforcer de vivre la charité parfaite, en le suivant dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance, et en le servant dans le plus petit de nos frères et sœurs. Il a besoin de la force de l’amour des religieux contemplatifs qui soutiennent le témoignage et l’activité de l’Église par leur prière constante. Et il a besoin de prêtres, de bons et saints prêtres, d’hommes prêts à offrir leur vie pour leurs brebis. Demandez au Seigneur ce qu’il a désiré pour vous ! Demandez-lui la générosité pour dire oui ! N’ayez pas peur de vous donner totalement à Jésus. Il vous donnera la grâce dont vous avez besoin pour réaliser votre vocation. Je termine ces quelques mots en vous invitant chaleureusement à vous joindre à moi l’année prochaine à Madrid pour la Journée Mondiale de la Jeunesse ».

Ce que je vous invite moi aussi à faire en rejoignant les rangs de l'association internationale Juventutem!

Mais maintenant répondons – cor ad cor loquitur – à la parole que Dieu nous adresse par les paroles qu'à travers la liturgie il met sur nos lèvres (*).

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(*) Les lectures du jour (si la date indiquée est bien celle où l’homélie a été prononcée) sont ici: http://www.aelf.org/office-messe?date_my=25/09/2010

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