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Le Putsch de la miséricorde

Une analyse critique, pessimiste mais réaliste à la lumière de la décision du Pape de déclarer un jubilé de la miséricorde en 2016, par Patrizia Fermani, sur le site "Riscossa Cristiana". Traduction de Anna

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Photo AFP, sur La Croix

Le Putsch de la miséricorde,
par Patrizia Fermani

www.riscossacristiana.it
17 mars 2015
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Le voilà finalement le grand coup de théâtre, œuvre d'un comédien consommé et expert, mais surtout animé d'une volonté de fer et d’un ego démesuré.

Bergoglio a été porté sur la loge des bénédictions par ceux qui ont cru que le temps était mûr pour couler définitivement la barque de Pierre. Il a suffi de lancer au peuple de Dieu les cacahouètes de la démagogie gratuite, celle qui après 68 avait ému les classes moyennes supérieures déjà séduites par le feinte pauvre. L'amour masochiste des prêtres de l'après-concile pour les ennemis de l'Église du Christ pouvait enfin être payé de retour. Tout maître à penser de la Repubblica et consorts pouvait d'un coup crier au monde que l'Église n'était pas morte et que, donc, vive la nouvelle Église, par définition autre chose que la précédente: exilé un Pape, on fait une Église nouvelle.

En quoi consiste l'Église nouvelle, qui n'est désormais plus catholique romaine? Elle est celle qui doit conquérir la primauté, surpassant même le protestantisme pour se mettre au service et à la remorque du siècle. C'est à dire au service de la vague qui est en train de balayer une civilisation avec sa religion, après avoir anéanti la philosophie et l'esthétique. Seule la morale avait survécu pendant un moment à la philosophie et à l'esthétique parce que liée naturellement à l'esprit de survie de la société et des individus. L'Église officielle, avec son Magistère, essayait de garder en vie la morale chrétienne affaiblie. Benoît XVI avait mis en garde: Si vous abandonnez les principes, et les remplacez par la liberté du néant, et de son horreur, personne ne se sauvera. Il a lancé sa dernière alarme avant que la guerre ne soit déclenchée. Les principes ont été abolis, remplacés par la liberté du néant, pour le néant et son horreur.

Le synode a été conçu par Bergoglio comme une assemblée constituante (ndt: allusion à la Révolution frannçaise?) ayant pour mission de décréter la fin de l'Église catholique, de désavouer son enseignement à partir de la morale familiale. Le programme de cette mort annoncée est déjà tout écrit dans le paragraphe §9 de la Relatio finale du synode de 2014, qui a fini par constituer la base du synode définitif d'octobre prochain.
Il mérite une lecture attentive.
On y lit qu’il faut surtout tenir compte de cela:

(...) nous rencontrons dans bien des parties du monde, chez les individus, un plus grand besoin de prendre soin de leur personne, de se connaître intérieurement, de mieux vivre en harmonie avec leurs émotions et leurs sentiments, de chercher des relations affectives de qualité ; cette juste aspiration peut ouvrir au désir de s’engager dans la construction de relations de don et de réciprocité créatives, solidaires et responsables, COMME le sont les relations familiales. Le danger individualiste et le risque de vivre de façon égoïste sont importants. Le défi consiste, pour l’Église, à aider les couples à mûrir dans la dimension émotionnelle et dans le développement affectif, grâce à la promotion du dialogue, de la vertu et de la confiance dans l’amour miséricordieux de Dieu. Le plein engagement exigé dans le mariage chrétien peut constituer un fort antidote à la tentation d’un individualisme égoïste.

et, plus loin au paragraphe 10, qui , pour l’honneur du drapeau, fait même mention de l'amour conjugal, on se plaint que " Beaucoup sont ceux qui tendent à rester aux stades primaires de la vie émotionnelle et sexuelle".

L'importance de ce passage est telle qu'il représente le véritable manifeste de la nouvelle église de Bergoglio, qui n'a plus rien à voir avec la théologie et la morale catholique, il est finalement le véritable manifeste d'une révolution à officialiser, qui abolit l'âme et consacre l'idole de la matière.

Lorsque Jésus rencontre la femme adultère, il ne lui demande pas quel a été le "parcours" psychologique qui l'a conduite à trahir son mari, quelles ont été les pulsions et les émotions par lesquelles elle s'est laissé conduire, il ne fait pas un examen psychologique, mais lui dit simplement "va et ne pèche plus". Il lui enjoint de faire appel à sa volonté et la dirige sur la voie du bien. Il parle du péché qui présuppose la transgression du commandement divin. Il parle à l'esprit de la femme parce que l'homme, fait à l'image et ressemblance de de Dieu, peut reconnaître le bien et est en condition de le poursuivre: il a la sagesse donnée par Dieu et la volonté de la faire fructifier. La transgression se produit quand, à cause de sa superbe, l'homme croit pouvoir puiser dans une sagesse supérieure à celle qui lui a été donnée et diriger sa propre volonté dans une direction contraire à celle voulue par Dieu le Créateur et ramenée par Jésus à la conscience de chaque homme.

A l'Eglise a ainsi été confiée la paideia (l’éducation) chrétienne dans le but du salut de l'âme à travers la recherche du bien qui porte à la vertu et au bonheur durable, en dépit des tentations et de la tyrannie de la matière. À cela l'Église s'est consacrée pendant des siècles, au-delà des insuffisances et des chutes de ses hommes.

Mais voici que dans la vision du programme synodal il n'y a rien de tout cela. Pas l'indication du bien à accomplir et du mal à éviter, de la direction à imprimer à la volonté. Il n'y a pas la préoccupation pour le salut des âmes, mais bien celle du bien-être des corps et des esprits. Il n'y a pas le rappel à la raison humaine conformée au logos divin révélé par le Christ, mais l'attention obséquieuse à l'irrationnel qui, abandonné à lui-même, devient l'anti-raison capable d'accoucher des monstres. L’Eglise devrait enseigner ce que ses disciples savent déjà faire très bien par eux-mêmes: satisfaire les pulsions, rechercher des émotions, remplacer le bien par le bien-être, mettre de côté la raison et faire place à l'irrationnel, comme cela avait été suggéré par les sophistes avant Socrate et comme le relativisme moderne le prêche. (..)

La barbarie post-moderne ne nécessitait certes pas d'encouragements "pastoraux". Pour elle travaillent à plein temps les mouvements homosexuels, la pornographie et le blasphème, Marco Pannella et Bill Gates, Elton John et l'OMS, l'avortisme de toute couleur, la culture de mort.
Les fruits les plus récents sont ceux, innommables, du quidam gay [dont la propre mère servira de "mère porteuse pour qu'il puisse accéder à la paternité] (cf. http://360.ch) . Sans par ailleurs avoir encore l’impulsion (qui serait bénéfique pour les deux) de s'aveugler avec ses propres mains, comme Œdipe.
Et pourtant, en dépit de tout cela, sur la base de la vision du monde promue par Bergoglio et d'autres martiens (dans le sens de ceux qui ont leurs quartiers à Sainte Marthe), l'Église ne doit pas enseigner ce qui est objectivement bon, les comportements ne doivent pas être orientés vers ce qui est le bien pour tous et qui de tous pourrait rayonner, mais être dirigés vers la satisfaction de toutes les forces appartenant à la subjectivité irrationnelle de l'homme, au monde des pulsions et des émotions, unique lentille par laquelle il faut lire la réalité afin de l'adapter à ses propres nécessités particulières. Dans ce cadre il est évident qu'aucun espace ne subsiste pour une autre norme qui guide les actions humaines, et offre aussi un critère objectif de jugement.

Par ailleurs, la masse festive affamée de cacahouètes démagogiques semble aussi totalement inconsciente de ce qui est en train de se passer et incapable de prévoir ce qu'il adviendra, dans le grand bruit médiatique et les voix persuasives de ces prêtres qui se sentent eux aussi libérés et heureux.

Quelques-uns dans l'Église, et aussi parmi les fidèles, ont toutefois alerté de la trahison de l'Évangile et de son Église millénaire et n'entendent pas y participer. Quelques-uns ne craignent pas de parler haut et fort. Ce sont des hommes qui ne se laissent pas intimider par les arrogances des patrons ni par la veulerie des confrères et encore moins par la propagande cléricalo-communiste de régime. L'issue du synode pourrait donc être moins escomptée de celle qu'on a essayé d'arranger.
Et c'est là qu'intervient le coup de main.
Voilà l'idée formidable de donner une forme sacramentelle au programme politique révolutionnaire. Il suffit de lui donner la forme solennelle du jubilé. Ce qui va dissimuler, même aux étourdis, aux obtus ou aux confus, le renversement de la mission de l'Église sous une charge de pathos religieux. La miséricorde de Bergoglio, l'amnistie générale avec effacement rétroactif du péché, doit avoir une forme théologique et sacrale capable d'anéantir toute résistance.

L'exaltation mystique représentait pour les religions primitives également la sublimation de l'irrationnel et du charnel. Le jubilé de Bergoglio vise à la sublimation des nouveaux rites de la modernité devenus les rites de la nouvelle Église du troisième millénaire, œcuménique, athée et populaire, et produira par la force des choses leur consécration définitive. N'importe quel Vangi (Giuliano Vangi, sculpteur italien, ndt) pourra forger à sa manière la statue de la nouvelle miséricorde et la mettre à la place du Saint Pierre bénissant.

La monarchie papale a déjà été remplacée, dans l'indifférence générale, par la dictature papale. Dès que l'assemblée constituante aura été dissoute, on (le) verra.
Bergoglio affirme avoir peu de temps. Mais non pas parce que, comme quelques-uns le croient, il est d'un âge avancé. Il pense avoir peu de temps, parce que pour être efficace la révolution doit jouer sur l'effet surprise, et que dans le but peut-être de domestiquer et d'habituer à tout, on a peut-être abusé des surprises, jusqu'à saturation.
Il y a peu de temps parce que la résistance, préparée déjà au pire, s'organise peut-être déjà et les fruits de la nouvelle vague vaticane commencent à paraître lourds même aux estimateurs de la première heure.

Si on parvient en vitesse à neutraliser les résistances, avec la miséricorde qui libère tout, qui ouvre grand les portes de la moralité chrétienne à la créativité du siècle, tous se sentiront comme enivrés et libérés. On pourra alors même démolir la basilique vaticane comme la Bastille, même si, là aussi, depuis un moment, il n'y a presque plus personne pour la défendre.
En attendant, le jubilé de la miséricorde s'annonce comme la Charte des droits de '89, ceux qui sont devenus, sous de faux semblants, la charte du suicide d'une civilisation.

  Benoit et moi, tous droits réservés