Ordination sacerdotale de Benoît XVI
Il y aura 64 ans demain, dans la catghédrale de Freising, le cardinal Michael von Fulhauber ordonnait Joseph et Georg Ratzinger avec 44 autres séminaristes. Une splendide video, et les souvenirs personnels du Saint-Père, lors de la remise de la citoyenneté honoraire de la ville de Freising le 16 janvier 2010 (28/6/2015)
FREISING, DANS "LA BIOGRAPHIE DE MON COEUR"
(ma traduction d'alors)
* * *
Monsieur le maire ,
cher Monsieur le Cardinal,
cher Monsieur l'Archevêque,
cher M. Évêque auxiliaire,
chères citoyennes et chers citoyens et la ville de Freising,
chers amis!
C'est pour moi un moment d'émotion d'être devenu aujourd'hui, y compris juridiquement, citoyen d'honneur de la ville de Freising et donc d'appartenir de façon nouvelle et si profonde à cette ville, à laquelle je me sens intimement lié. Pour cela, je ne peux que dire du fond du coeur: "Vergelt's Gott" (Que Dieu vous récompense). C'est une joie qui désormais m'accompagne, et qui restera avec moi.
Dans la biographie de ma vie - dans la biographie de mon cœur, si je puis dire - la ville de Freising joue un rôle très particulier. Ici, j'ai reçu la formation qui a déterminé ma vie et c'est pourquoi la ville est toujours présente en moi et moi en elle. Et le fait - comme vous, monsieur le maire, l'avez dit - que j'ai inclus dans mes armoiries le maure et l'ours de Freising montre au monde entier que je lui appartiens. Le fait, ensuite, que je sois désormais citoyen de Freising, également du point de vue juridique, en est le couronnement et me réjouit profodément.
A cette occasion, tout un horizon d'images et de souvenirs affleure en moi. Vous en avez déjà mentionné quelques-uns, cher monsieur le maire.
Je voudrais reprendre quelques points.
Il y a d'abord le 3 Janvier 1946. Après une longue attente, enfin le temps était venu où le séminaire de Freising pouvait ouvrir ses portes à ceux qui revenaient. En effet, c'était encore un hôpital pour les anciens prisonniers de guerre, mais à présent, nous pouvions recommencer. Ce moment marquait un tournant dans notre vie: nous pouvions commencer enfin le parcours pour lequel nous nous sentions appelés. Vu d'aujourd'hui, nous avons vécu de façon très "spartiate" et sans confort: nous dormions dans les dortoirs, nous étudiions dans des salles d'étude, mais nous étions heureux, non seulement parce que nous avions échappé aux misères et aux périls de la guerre et de la domination nazie, mais parce que désormais nous étions libres. Et surtout, parce que nous nous étions sur le chemin auquel nous nous sentions appelés. Nous savions que le Christ était plus fort que la tyrannie, la puissance de l'idéologie nazie et ses mécanismes d'oppression. Nous savions que le temps et l'avenir appartiennent au Christ; nous savions qu'il nous avait appelés et nous savions qu'il avait besoin de nous, qu'il y avait besoin de nous. Et nous savions que les hommes de ce temps nouveau, nous attendaient, attendaient des prêtres qui venaient avec un nouvel élan de la foi pour bâtir la maison du Dieu vivant.
En cette occasion, je dois également élever un petit hymne de louange à la vieille université, dont j'ai fait partie, d'abord comme étudiant puis comme professeur. Il y avait des savants très sérieux, même certains de renommée internationale, mais le plus important - à mon avis -, c'est qu'ils étaient non seulement des universitaires mais aussi des maîtres, des personnes qui non seulement nous offraient la primeur de leur spécialité, mais qui avaient à coeur de donner aux étudiants l'essentiel, la saine nourriture dont nous avion besoin pour recevoir la foi de l'intérieur. Et c'était important que nous - si je peux maintenant dire nous - nous ne nous sentions pas des experts isolés, mais une partie d'un tout, que chacun d'entre nous travaillait à l'ensemble de la théologie; que de nos actions, la logique de la foi comme unité, pouvait se rendre visible, et ainsi croître la capacité de donner les raisons de notre foi, comme dit saint Pierre (Pierre 1 3, 15), la transmettre en une nouvelle ère, à l'intérieur de nouveaux défis.
La seconde image sur laquelle je voudrais revenir est le jour de l'ordination sacerdotale. Le Dôme a toujours été au centre de nos vies, de même qu'au séminaire nous étions une famille, et c'est le père Höck qui a fait de nous une vraie famille. Le Dôme était le centre, et il l'est devenu pour toute la vie dans la journée inoubliable de l'ordination sacerdotale.
Il y a trois moments qui m'ont beaucoup impressionné.
D'abord, le fait d'être couché sur le sol durant la litanie des saints. Restant prosterné à terre, on devient une fois de plus conscient de toute sa pauvreté et on se demande: suis-je vraiment capable de cela? Et dans le même temps résonne l'écho des noms de tous les saints de l'histoire et la supplique des fidèles: "Écoute-nous, aide-les." La conscience grandit alors, oui, je suis faible et insuffisant, mais je ne suis pas seul, il y en a d'autres avec moi, toute la communauté des saints est avec moi, ils m'accompagnent et donc, je peux prendre ce chemin et devenir un compagnon et un guide pour les autres .
Le second moment, l'imposition des mains par le vieux, vénérable cardinal Faulhaber - qui nous a imposé les mains à tous, de façon profonde et intense - et la conscience que c'est le Seigneur, qui pose les mains sur moi et me dit: tu es à moi, tu n'appartiens pas seulement à toi-même, je te veux, tu es à mon service; mais aussi la conscience que cette imposition des mains est une grâce, qui non seulement crée des obligations, mais est avant tout un don, qu'Il est avec moi et que Son amour me protège et m'accompagne. Et puis, il y avait encore l'ancien rite, dans lequel le pouvoir de pardonner les péchés était donné dans un moment à part, qui commençait lorsque l'évêque disait, avec les paroles du Seigneur: "Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis." Et je savais - nous savions - qu'il ne s'agissait pas seulement d'une citation de Jean,15, mais d'une parole actuelle que le Seigneur m'adresse maintenant. Il m'accepte comme un ami; je suis dans cette relation d'amitié, il m'a donné sa confiance, et cette amitié peut opérer et rendre d'autres amis du Christ.
A la troisième image, vous avez déjà fait allusion, Monsieur le Maire: J'ai encore pu passer trois années et demi inoubliables avec mes parents, dans le Lerchenfeldhof, et donc me sentir à nouveau pleinement à la maison.
Ces dernières trois années et demi avec mes parents ont été pour moi un don immense et ont vraiment fait de Freising ma maison. Je pense aux fêtes, comment nous célébrions ensemble Noël, Pâques, la Pentecôte, les promenades que nous faisions ensemble dans les prés, comment nous allions dans la forêt, chercher des branches de sapin et de la mousse pour la crèche, et nos excursions dans les champs le long de l'Isar. Alors Freising est devenu pour nous une vraie maison, et comme patrie, elle demeure dans mon cœur.
Aujourd'hui, aux portes de Freising, se trouve l'aéroport de Munich. Quiconque atterrit ou décolle voit les tours de la cathédrale de Freising, voit le mons doctus, et peut-être devine un peu de son histoire et de son présent. Freising a depuis toujours une ample vue sur la chaîne des Alpes; à travers l'aéroport, elle est devenue, en un certain sens, mondiale et ouverte sur le monde. Et pourtant, je voudrais dire: le Dôme, avec ses tours indique une hauteur qui est beaucoup plus élevée et différente de celle que nous atteignons avec les avions, elle est la véritable hauteur, la hauteur de Dieu, d'où vient l'amour qui nous donne l'humanité authentique. La cathédrale, cependant, n'indique pas seulement la hauteur de Dieu qui nous forme et qui nous montre le chemin, mais elle indique également l'ampleur, et pas seulement parce que dans le Dôme, des siècles de foi et de prières sont enfermés, parce qu'en elle vivent pour ainsi dire, toute la communauté des saints, tous ceux qui avant nous ont pensé, prié, souffert, se sont réjouis. Elle indique, d'une façon plus générale, la dimension totale de tous les croyants de tous les temps, montrant ainsi une vaste étendue qui va au-delà de la mondialisation, parce que dans la différence et le contraste des cultures et des origines, elle donne la force de l'unité intérieure, elle nous donne ce qui peut nous unir: la force unifiante d'être aimé par Dieu. Ainsi Freising reste aussi pour moi l'indication d'un chemin.
En conclusion, je voudrais de nouveau vous remercier pour le grand honneur que vous me faites, et aussi la fanfare qui rend présente ici la culture vraiment bavaroise. Mon désir - ma prière - est que le Seigneur continue à bénir cette ville et que Notre-Dame du Dôme de Freising la protège afin qu'elle puyisse continuer à être dans l'avenir un lieu de vie humaine, de foi et de joie.
Merci.