Elections en Agentine: François échec et mat

Malgré son implication personnelle dans la campagne présidentielle, le candidat qui se réclamait de ses idées a été battu par son adversaire libéral, Mauricio Macri (photo ci-contre).

 

Les médias s’obstinent dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler la «narration» du pontificat de François : un Pape extrêmement populaire, adoré du peuple, contre une institution détestable qui l’empêche de faire évoluer l’Eglise.
Et si, à l’épreuve des faits, ce discours s’effondrait comme un château de cartes? Un peu comme les sondages chez nous qui ont l’habitude de désigner comme «personnalité politique préférée des français» tel ou tel politicien(ne) qui, s’il lui vient l’idée saugrenue (et dangereuse) de se présenter devant les électeurs, est battu(e) à plates coutures par des adversaires qui pointent pourtant en queue de classement dans les mêmes listes soumises aux « moutons de panel »
On dira que nul n’est prophète en son pays, mais il semble que ce soit le cas du Pape dans son propre pays. Explications du responsable du blog Messa in latino, traduites par Anna.

L'Argentine rejette les conseils électoraux du Pape Bergoglio
"Ce que dit le Pape ne change même pas le vote de dix personnes".


Ce sont les mots, plutôt irrespectueux, du principal conseiller du président argentin nouvellement élu, quelques jours avant les élections. Les faits, il faut l'avouer, lui ont donné raison.

Les Argentins sont en effet allés aux urnes dimanche 22 novembre et ont choisi avec une majorité significative le candidat du centre droit Mauricio Macri, au détriment du populiste Daniel Scioli.

C'est bien la terre du Pape qui a choisi un capitaine d'industrie libéral et a rejeté un partisan convaincu des thèses désormais habituelles dans les interventions de Bergoglio: pauvres, périphéries, capitalisme qui tue et toute la panoplie. Le vaincu, Scioli, est un péroniste de gauche qui, tout au long de sa campagne électorale n'a cessé de se référer à son testimonial (1), devenu évêque de Rome, dont il partage les opinions politiques.

Expliquons brièvement ce qu'est le péronisme, puisque nous l'avons mentionné (..)

Le péronisme naît avec Juan Domingo Perón, arrivé au pouvoir en Argentine avec sa mythique épouse Evita dans les années 40 du siècle dernier. Perón était un admirateur sincère du fascisme italien (il avait été attaché militaire dans notre pays), surtout dans ses aspects les plus "sociaux": corporatisme, intervention de l'État dans l'économie, protection des travailleurs et méfiance à l'égard du capitalisme et des principes libéraux. Comme tout étatisme, ils s’agit de recettes valides aussi bien pour les droites sociales et national-socialistes que pour les gauches socialistes (on ne va pas dire communistes, car celles-ci, au sens propre du terme, recherchent la violence de classe, qui resta étrangère à Péron). En effet, après avoir été renversé par un putsche militaire en 1955 et s'être réfugié en Espagne chez Franco, Perón devint une icône de la gauche argentine (et des guérilleros argentins anti-impérialistes Monteneros https://fr.wikipedia.org/wiki/Montoneros ), jusqu'à son retour au pouvoir peu avant sa mort en 1974.

Le péronisme a donc une apparence bivalente (aussi bien de droite que de gauche: le vaincu Scioli est plutôt à gauche), mais une substance constante: l'anticapitalisme, l’aversion qui s'ensuit pour le monde anglo-saxon (USA et Grande Bretagne, bastions internationaux de l'individualisme et du laissez-faire [en français dans le texte], l’obssession des nationalisations, la concertation avec les syndicats, le protectionnisme, la distribution indiscriminée d'allocations "aux pauvres" avec l’imposition élevée qui en résulte (et les inévitables dévaluations monétaires). Comme toutes les idéologies qui exaltent les pauvres, elle les aime au point de les multiplier, en appauvrissant tout le monde.

Le péronisme argentin, avec la présidente argentine Kirchner (dont Scioli est le dauphin), s'était récemment rapproché des autres mouvements populistes sud-américains, de Chavez à Moralez (celui du crucifix en forme de faux et marteau tant apprécié par le Pape).

Le désaveu des conseils électoraux de Bergoglio est assez cuisant, car l'évêque de Rome avait fait une entrée a gamba tesa (2) pour soutenir Scioli; et cela bien au-delà de l'endorsement (en anglais dans le texte : soutien) implicite dérivant de la proximité des opinions tiers-mondistes et anticapitalistes. La phrase citée au début est en effet une pique en réaction à un article d'une amie personnelle du Pape, Alicia Barrios, qui avait écrit que le pape François "veut un gouvernement qui regarde les pauvres dans les yeux, avec une économie menée par des hommes bons et non pas par les forces sauvages du marché". Le lexique classique du péroniste. Pire encore, Bergoglio en personne, interrogé mercredi dernier au sujet des élections qui allaient commencer, a répondu: "Vous savez ce que je pense: votez selon votre conscience".

Le "peuple" argentin, las d'années de politique péroniste tax and spend (36% de la population touche des allocations de l'État), d'hyper-inflation et de contrôle des capitaux, de nationalisations et de polémique anti-britannique pour la question des Falklands, a pensé différemment.

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NDT:
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(1) Voir signification ici (note de bas de page): François est aimé par le clergé progressiste
(2) Expression du jargon footballistique, entrare a gamba tesa signifie «tacler l’adversaire». Par extension, dans le langage courant, l’expression indique un coup bas, une action déloyale