François est un moderniste 3.0

Alessandro Gnocchi répond à un lecteur qui lui reproche sa sévérité envers le Pape, en s’appuyant sur l’Encyclique Pascendi Dominici Gregis où Pie X, en 1907, dénonce le modernisme (8/10/2015)

 

Dans une rubrique hebdomadaire (Fuori moda) paraissant chaque mardi sur le site Riscossa Cristiana, Alessandro répond aux questions des lecteurs tournant autour de l’actualité.
Cette semaine, sont abordées l’homélie du Pape lors de la messe d’ouverture du Synode, et le traitement infligé par François à Ignazio Ingrao, le maire (catholique de gauche) de Rome (*). Et contrairement à l’habitude, le correspondant est critique.
Voici ce qu'il écrit:

Je suis souvent votre rubrique de courrier (...) Je suis catholique et je ne vous cacherai pas que je ne suis pas vraiment d'accord avec votre approche, mais il est vrai aussi que sur votre blog je lis souvent des critiques légitimes, parce que chez moi aussi, le Pape François suscite souvent de nombreuses questions. Mais je tiens à vous dire très franchement qu'il me semble que vous ignoriez les choses bonnes qu'il dit souvent. J'ai lu l'homélie de la messe d'ouverture du Synode (cf. In cauda venenum) et vu que le pape a réaffirmé la doctrine catholique sur le mariage. Pourquoi n'en parlez-vous pas? Et puis il vient juste de donner une belle "gifle" au maire de Rome, ce Marino que vous avez vous aussi souvent critiqué, parce que nous savons qu'il est pour l'avortement et d'autres choses. Je ne veux pas polémiquer, mais je vous demande pourquoi vous ne dites rien de ces choses.


C'est le genre de lettres qu'il m'arrive moi-même de recevoir....

Et voici la réponse de Gnocchi (texte ici: www.riscossacristiana.it, traduction par Anna):


Cher ***,

J’espère que n'avez pas perdu de temps dans la lecture de l'encyclique kilométrique Laudato Si'. D'abord parce qu’ainsi, vous ne contribuez pas à la déforestation de la planète (déjà) défrichée pour produire le papier nécessaire à l'impression du manifeste papal en défense de cette même planète. Mais, surtout, j'espère que vous n'avez pas perdu de temps à de pareilles lectures car vous devriez l'accorder à la lecture des encycliques des Pontifes bien plus assurés dans la doctrine que l'actuel évêque de Rome.
Si par exemple vous aviez lu Pascendi Dominici Gregis de Saint Pie X, vous n'auriez pas soulevé cette objection. Juste au début de l'encyclique dans laquelle il condamnait le modernisme, c'était en 1907, le Pontife, alors heureusement régnant, disait:

3. Ces hommes-là peuvent s'étonner que Nous les rangions parmi les ennemis de l'Eglise. Nul ne s'en étonnera avec quelque fondement qui, mettant leurs intentions à part, dont le jugement est réservé à Dieu, voudra bien examiner leurs doctrines, et, conséquemment à celles-ci, leur manière de parler et d'agir.

Ennemis de l'Eglise, certes ils le sont, et à dire qu'elle n'en a pas de pires on ne s'écarte pas du vrai. Ce n'est pas du dehors, en effet, on l'a déjà noté, c'est du dedans qu'ils trament sa ruine; le danger est aujourd'hui presque aux entrailles mêmes et aux veines de l'Eglise; leurs coups sont d'autant plus sûrs qu'ils savent mieux où la frapper. Ajoutez que ce n'est point aux rameaux ou aux rejetons qu'ils ont mis la cognée, mais à la racine même, c'est-à-dire à la foi et à ses fibres les plus profondes. Puis, cette racine d'immortelle vie une fois tranchée, ils se donnent la tâche de faire circuler le virus par tout l'arbre: nulle partie de la foi catholique qui reste à l'abri de leur main, nulle qu'ils ne fassent tout pour corrompre. Et tandis qu'ils poursuivent par mille chemins leur dessein néfaste, rien de si insidieux, de si perfide que leur tactique: amalgamant en eux le rationaliste et le catholique, ils le font avec un tel raffinement d'habileté qu'ils abusent facilement les esprits mal avertis. D'ailleurs, consommés en témérité, il n'est sorte de conséquences qui les fasse reculer, ou plutôt qu'ils ne soutiennent hautement et opiniâtrement.

Avec cela, et chose très propre à donner le change, une vie toute d'activité, une assiduité et une ardeur singulières à tous les genres d'études, des mœurs recommandables d'ordinaire pour leur sévérité. Enfin, et ceci parait ôter tout espoir de remède, leurs doctrines leur ont tellement perverti l'âme qu'ils en sont devenus contempteurs de toute autorité, impatients de tout frein : prenant assiette sur une conscience faussée, ils font tout pour qu'on attribue au pur zèle de la vérité ce qui est œuvre uniquement d'opiniâtreté et d'orgueil. Certes, Nous avions espéré qu'ils se raviseraient quelque jour : et, pour cela, Nous avions usé avec eux d'abord de douceur, comme avec des fils, puis de sévérité : enfin, et bien à contrecœur, de réprimandes publiques. Vous n'ignorez pas, Vénérables Frères, la stérilité de Nos efforts; ils courbent un moment la tête, pour la relever aussitôt plus orgueilleuse. Ah! s'il n'était question que d'eux, Nous pourrions peut-être dissimuler; mais c'est la religion catholique, sa sécurité qui sont en jeu. Trêve donc au silence, qui désormais serait un crime! Il est temps de lever le masque à ces hommes-là et de les montrer à l'Église universelle tels qu'ils sont.

4. Et comme une tactique des modernistes (ainsi les appelle-t-on communément et avec beaucoup de raison), tactique en vérité fort insidieuse, est de ne jamais exposer leurs doctrines méthodiquement et dans leur ensemble, mais de les fragmenter en quelque sorte et de les éparpiller çà et là, ce qui prête à les faire juger ondoyants et indécis, quand leurs idées, au contraire, sont parfaitement arrêtées et consistantes, il importe ici et avant tout de présenter ces mêmes doctrines sous une seule vue, et de montrer le lien logique qui les rattache entre elles. Nous Nous réservons d'indiquer ensuite les causes des erreurs et de prescrire les remèdes propres à retrancher le mal.


La citation est un peu longue, mais quand les encycliques sont bonnes on ne risque pas de gaspiller l'espace et le temps. Ce qu'affirme Saint Pie X, décrit très bien la situation où nous sommes encore cent ans plus tard. Je voudrais en particulier souligner le passage où il dit: "amalgamant […] le rationaliste et le catholique, ils le font avec un tel raffinement d'habileté qu'ils abusent facilement les esprits mal avertis".
Voilà, je crains que vous, ainsi que de très nombreux autres bons catholiques qui n'arrivent pas à se résigner à l'idée douloureuse d'un Pape qui démolit la doctrine et la morale, vous soyez justement le "mal averti" dont parle le Pape Pie X.

Mais dites-moi pour avoir la certification de l'œuvre de démolition entreprise par Bergoglio, avez-vous besoin d'une déclaration signée par l'intéressé lui-même? Voulez-vous une encyclique dans laquelle il est dit: "À partir d'aujourd'hui la doctrine et la morale catholique sont abolies et celles de la miséricorde bergoglienne entrent en vigueur"? Ils ne le feront jamais, car les modernistes, dont l'actuel évêque de Rome incarne la version 3.0, agissent exactement comme l'écrivit il y a plus d'un siècle le Saint Pape Pie X: amalgamant le rationaliste et le catholique. Mélangeant savamment vérité et mensonge afin de faire passer ce dernier dans les esprits et les âmes des fidèles.

C'est le moyen le plus efficace dont ils disposent pour pénétrer jusqu'à la racine et essayer d'abattre l'Église de Rome. Ils ont compris qu'ils ne peuvent changer la doctrine catholique que s'ils se présentent comme les défenseurs de la doctrine catholique. S'ils se présentaient en ennemis, ils ne pourraient plus le faire car leur jeu serait découvert. Le loup a toujours besoin de s'habiller en agneau pour se faire ami du troupeau.

Vous citez les affirmations de Bergoglio en syntonie avec la doctrine concernant de mariage. Mais, pardonnez-moi, quel intérêt aurait-il eu de porter l'estocade en ouverture du Synode, alors que ses acolytes s'en chargeront? Et, encore, quel besoin a-t-il de le faire alors que, pas plus tard qu’il y a vingt jours, il a profané le sacrement avec l'horrible Motu proprio dont, hélas, on commence déjà à ne plus parler?

Et maintenant, un bref commentaire sur la question Marino (*). Comme vous le soulignez, le maire de Rome n'a jamais été sympathique à ce site, et on se demande comment il pourrait-il l'être à un catholique lambda. Sur ce sujet aussi toutefois, les paroles et la réaction de Bergoglio à l'issue de la visite impromptue que le maire gaffeur lui a rendue à Philadelphie contrastent de façon criante avec l'image d'un Pontife.

Elles contrastent parce qu'elles sont la démonstration arrogante (maramaldesco, frappant un homme qui ne peut pas se défendre, ndt) d'un homme de pouvoir qui achève le mourant déjà au sol. Sans aucune miséricorde. Oui Monsieur, sans aucune miséricorde. Réfléchissez-y un instant. Marino est maire de la ville qui doit héberger le prochain jubilé (de la miséricorde, naturellement). Mais c’est un maire boiteux, sans pouvoir et grevé par une situation embarrassante, un maire tellement branlant qu'on ne peut pas se permettre, même involontairement, de s'en montrer l'associé. Soyez assuré que s'il avait été puissant et bien assis en selle, Bergoglio ne lui aurait pas tiré la balle dans la nuque qu'il lui a assenée sur l'avion de retour des States. "Je n'ai pas invité le maire Marino, est-ce clair?" a-t-il déclaré aux journalistes. "Les organisateurs, à qui je l'ai demandé, ne l'ont pas invité non plus. Il se professe catholique; il est venu spontanément".

Comprenez-vous, Monsieur? Nous avons ici un Pape qui qui fait le tri des invités de la maison pour décider qui lui convient et qui non. Et pour couronner le tout, avec l'attitude du dictateur d'une république bananière il menace les journalistes qui l'interrogent sur ce qui est arrivé: "Je n'ai pas invité le maire Marino, est-ce clair?". Ce "Est-ce clair?" sifflé dans le microphone de façon intimidante est un message bien clair. Et parmi les journalistes présents, il n’y en a pas eu un seul, je dis bien, pas un seul, qui en ait été horrifié et qui ait eu le courage de le dire. Du reste, ils ont une famille, et ne peuvent pas prendre le risque de rester à terre lors du prochain voyage papal. Les voilà donc, tous à déchiqueter la carcasse du pauvre Marino, sans la moindre retenue. Sans savoir que le même sort frappera tous les serviteurs que l'évêque de Rome jugera encombrants, sans aucun égard pour les services obtenus dans le passé.
Ainsi sont les hommes de pouvoir. S'il vous arrive d'en connaître, évitez-les. Et, surtout, ne les croyez pas lorsqu'ils se présentent en défenseurs de la vérité.

NDR

(*) Marino est un catholique de gauche, favorable à l’avortement et au mariage gay.
Sur cette affaire, voir par exemple La Croix du 29 septembre:

François a exprimé une critique à peine voilée du maire de Rome, Ignazio Marino, dans l’avion qui le ramenait de Philadelphie (États-Unis), dimanche 27 septembre.
Durant sa conférence de presse dans l’avion, le pape a été interpellé par un journaliste italien sur la présence du maire de Rome à la messe de la Rencontre mondiale des familles à Philadelphie, le matin même, expliquant que celui-ci avait indiqué y avoir été invité par le responsable de l’Église catholique.
« Je n’ai pas invité le maire Marino, c’est clair ? Je ne l’ai pas fait, je ne l’ai pas demandé aux organisateurs et eux non plus ne l’ont pas invité », a affirmé le pape en pesant ses mots. « Il est venu… il dit qu’il est catholique, il est venu spontanément, et voilà. C’est clair, hein ? », a encore ajouté le pape.