Hérésie?



Le Père Hunwicke (qui n'a pas encore commenté la vidéo où François annonce ses intentions de prière pour le mois courant) réagit à l'homélie du Pape prononcée lors de la fête de la Sainte-Famille (9/1/2016)

>>> Voir aussi sur le même sujet:
¤ Effondrement de l'affluence au Vatican
¤ L'Evangile selon François
¤ Hérésie papale?

 

Il le fait avec bienveillance et charité, mais sans langue de bois, parce que c'est son devoir de prêtre: éclairer les brebis, sans accabler son prochain - fût-il Pape! - mais bien sûr sans tomber dans l'acquiescement inconditionnel ou la louange servile, deux attitudes typiquement cléricales.
"Father" Hunwicke est en effet un "tradi" modéré: il ne se permet donc aucune critique directe du Pape (on en comprend d'autant plus la raison qu'il vient de l'anglicanisme) mais son l'humour tout en finesse - s'appuyant sur un langage raffiné et une érudition sans pédanterie mais qu'on pressent réelle chez l'ancien d'Oxford qu'il est - laisse percevoir des doutes et des réserves, avec plus d'efficacité que des critiques... disons plus carrées.
J'ai traduit en annexe quelques commentaires, issus apparemment du "catholique lambda", sans doute de tendance conservatrice qu'est le lecteur de son blog. Je m'y reconnais assez bien. Il ne sert à rien de discréditer les auteurs en les traitant d'intégristes (qu'ils ne sont probablement pas, du reste): leur opinion est représentative d'une frange non négligeable de catholiques, et à ce titre, elle est tout aussi respectacle que celle des "lointains" que François cajole, et auxquels il prétend ouvrir l'Eglise sans contrepartie au nom de la miséricore... ou pour flatter le monde.

Hérésie?


liturgicalnotes.blogspot.co.uk
Ma traduction

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Je me sens vraiment désolé pour notre bien-aimé Saint-Père, soumis à de nombreuses critiques à cause d'une homélie sur la Sainte Famille dans laquelle il est apparu à certains lecteurs qu'il suggérait que le Verbe incarné était un vilain garçon. Je crois comprendre où il voulait en venir. La Sainte Famille est facilement perçue comme de lointaines figures de vitrail, statiques et stylisées, ou comme des statues de plâtre fanées et écaillées, de médiocre facture, dans quelque retable gothique victorien. Le pape voulait les en faire descendre, injecter un peu de vie en elles, et les rapporter aux réalités vécues de la famille ordinaire ... de manière à permettre aux familles ordinaires de se rapporter à la Sainte Famille (ndt: c'est évidemment l'interprétation charitable... à laquelle je soupçonne que Fr H ne croit pas vraiment)). Il s'agit d'un motif tout à fait admirable, et qui fait honneur à son grand cœur pastoral (!!).
Maix malheureusement, les mots ont une signification.

En termes d'exégèse biblique, j'ai de sérieux doutes sur l'analyse de 'Papa Bergoglio'. La péricope lucianique de Jésus retrouvé au Temple me semble un nouvel exemple d'un motif littéraire très commun dans les Evangiles: un sujet ou un litige est soulevé; il y a des questions et des réponses; et le 'Logos Sesarkomenos' (Verbe incarné, ndt) délivre un jugement final et autoritaire. L'exégèse de François, donc, me semble être fondée sur une erreur de genre.

Mais les paroles du Souverain Pontife sont-elles nestoriennes (1)? Je vous renvoie à l'analyse offerte par le Père Zed (Father Z, ici). Par une coïncidence assez frappante, le professeur de Mattei venait de publier un texte sur un pape hérétique, Honorius, qui dut être frappé d'anathème par un concile œcuménique et par ses propres successeurs sur le Siège de Rome.

Je voudrais ajouter un point: je pense que les paroles du Saint-Père, 'prima facie' (de prime abord) risquent également de saper la doctrine du caractère sans péché de l'Homme qui est aussi la deuxième Personne de la Sainte et Indivisible Trinité; qui est «comme nous en toutes choses, sauf pour le péché». Juste ciel, le Magistère de l'Eglise catholique a fait des efforts énormes pendant des siècles pour affiner et formuler sa croyance doctrinale dans le caractère sans péché de la Bienheureuse Marie. L'Eglise ne s'est pas donnée autant de mal simplement pour faire du caractère sans péché de notre Seigneur et Dieu Lui-même un détail mineur sans importance et bon à jeter!

Au début de ce pontificat, j'ai exprimé l'opinion que le Pontife romain ne devrait pas faire de déclarations publiques ... surtout des déclarations diffusées Orbi et Urbi dans une multitude de langues à travers les services d'information du Vatican ... sans que ces déclarations aient été vérifiés par le biais des organes compétents de sa Curie. Ils sont là pour cela. Léon X est censé avoir dit: «Puisque Dieu nous a donné la papauté, laissez-nous en profiter». Mais il est en général critiqué pour avoir exprimé ce sentiment. Et la même erreur exactement serait imputable à un pape qui, d'une façon ou d'une autre, utiliserait son office pour faire passer ses propres idiosyncasies, ses fantaisies personnelles. Le Pontife Romain n'est pas un particulier, et certainement pas une personne comme les autres. Il est la voix vivante de la Tradition Pétriniennne de son Siège; parmi les Pontifes et les Conciles qui durant deux millénaires ont transmis et protégé, et énoncé la saine doctrine transmise depuis les Apôtres (*), je me demande avec angoisse si la conduite de François ne pourrait pas saper l'autorité de son office.

S'il parle comme cela aujourd'hui, comment puis-je lire ce qu'il pourrait dire demain dans l'humble certitude morale pratique que ses paroles me sont envoyées comme venant de Dieu pour mon édification et sanctification?

(*) Neque enim Petri successoribus Spiritus Sanctus promissus est, ut eo revelante novam doctrinam patefacerent, sed ut, eo assistente, traditam per Apostolos revelationem seu fidei depositum sancte custodirent et fideliter exponerent.

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NDT
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(1) Le nestorianisme est une doctrine christologique affirmant que deux personnes, l'une divine, l'autre humaine, coexistent en Jésus-Christ. Cette thèse a été à l'origine défendue par Nestorius (vers 38-451), patriarche de Constantinople (428-431). Après la condamnation de Nestorius et de son enseignement, le nestorianisme devient une hérésie (wikipedia).


Annexe

Quelques intéressants commentaires de lecteurs
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La seule façon de réaliser la quadrature du cercle, c'est de conclure qu'être un vilain garçon n'est pas un péché. Mais si les enfants venaient à être au courant, alors... pitié pour les parents!

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Opinion d'un simple laïc, j'ai cessé d'écouter François il y a 7 mois. J'ai trouvé que c'était le seul moyen de m'empêcher de sombrer dans le péché de pensées de colère envers lui. En ce qui concerne Bergoglio comme prêtre, je ne voudrais pas assister à une messe qu'il célèbre. Comme pasteur, je ne fréquenterais pas sa paroisse. Cependant, il est le pape et il n'y a pas d'endroit où je puisse aller pour l'éviter en tant que tel. Je prie pour lui. Je respecte son ministère. Cependant, comme c'est trop souvent le cas, il faut "faire la quadrature de trop nombreux cercles" pour établir l'"herméneutique de la continuité" de ses déclarations. Je ne m'en occupe plus, tout simplement. Mais, je vous remercie de vos tentatives pour "clarifier" ses opinions. Vous êtes une bénédiction.

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Vous touchez plus qu'un point important. Primo, ce n'est pas un penseur très profond. Secundo, il n'est peut-être pas très bien éduqué par rapport à beaucoup d'autres dans une position similaire. Enfin, il a le manque typique de retenue si courant chez les personnages des fictions qui passent l'après-midi à la télé ou à la radio. En bref, il veut faire une démonstration de ses convictions personnelles, telles qu'elles sont, malgré leur vacuité. Il est consternant d'être une personne très ordinaire pour quelqu'un qui serait censé être une personnalité hautement spirituelle.

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Notre Saint-Père n'est tout simplement pas un bon théologien. Il n'y a rien de mal à cela - comme Fr Hunwicke nous l'a souvent dit, la plupart des papes ne l'étaient pas. Mais ajoutez-y un refus obstiné de prendre conseil, et vous obtenez un problème. Je ne veux pas juger (après tout, qui suis-je pour cela?), mais il me semble que, sous toute l'humilité dont il fait étalage, François a un problème avec le péché d'orgueil.
Vous vous souvenez de la réaction de Benoît XVI à la protestation du monde islamique contre sa leçon de Ratisbonne? Ou de sa lettre en réponse aux protestations contre la réconciliation avec la FSSPX? Il était vraiment doux de cœur, toujours prêt à admettre quand il sentait qu'il avait pu commettre une erreur. Oh, comme ces jours me manquent!