Le pas historique du 11 février 2013
Lors de la présentation du livre « Oltre la crisi della Chiesa », TRÈS IMPORTANT exposé de Mgr Gänswein. Traduction complète en français (22/5/2016)
>>> Une papauté bicéphale
Benoît XVI, la fin de l'ancien, le début du nouveau, l'analyse de Georg Gänswein
Georg Gänswein
www.acistampa.com
(Ma traduction)
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Dans l'une des dernières conversations que le biographe du Pape, Peter Seewald, de Münich, put avoir avec Benoît XVI, en prenant congé, il lui demanda «Vous êtes la fin de l'ancien ou le début du nouveau?». La réponse du Pape fut brève et sûre: «L'un et l'autre», répondit-il.
L'enregistreur avait déjà été éteint; Voilà pourquoi ce dernier échange de mots ne se trouve dans aucun des livres-entretien de Peter Seewald, même dans le fameux "Lumière du monde". Ils ne se trouvent que dans une interview qu'il accorda au Corriere della Sera le lendemain de la déclaration de renonciation de Benoît XVI, dans laquelle le biographe se souvint de ces mots-clés qui apparaissent d'une certaine manière comme maxime sur le livre de Roberto Regoli.
En fait, je dois admettre qu’il est peut-être impossible de résumer de façon aussi concise le pontificat de Benoît XVI. Et celui qui le dit, c'est quelqu'un qui, au fil des ans, a eu le privilège de faire de près l'expérience de ce Pape comme un classique "homo historicus", l'homme occidental par excellence qui a incarné la richesse de la tradition catholique comme aucun autre; et - en même temps - a eu l'audace d'ouvrir la porte à une nouvelle phase, pour ce tournant historique qu'il y a cinq ans, personne n'aurait imaginé. Depuis lors, nous vivons dans une période historique qui dans l'histoire bimillénaire de l'Eglise est sans précédent.
Comme à l'époque de Pierre, aujourd'hui encore l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique continue d'avoir un unique Pape légitime. Et pourtant, depuis maintenant trois ans, nous vivons avec deux successeurs de Pierre vivant parmi nous - qui ne sont pas dans un rapport de concurrence l'un avec l'autre, et pourtant tous les deux avec une présence extraordinaire! Nous pourrions ajouter que l'esprit de Joseph Ratzinger a déjà marqué auparavant de façon décisive le long pontificat de saint Jean-Paul II, qu'il a fidèlement servi pendant près d'un quart de siècle comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Beaucoup continuent à percevoir aujourd'hui encore cette nouvelle situation comme une sorte d'état d'exception voulu par le Ciel.
Mais est-ce déjà le moment de faire un bilan du pontificat de Benoît XVI? En général, dans l'histoire de l'Eglise, ce n'est qu' ex post que les Papes peuvent être jugés et situés correctement. Et comme preuve de cela, Regoli lui-même mentionne le cas de Grégoire VII, le grand pape réformateur du Moyen-Age, qui au terme de sa vie mourut en exil à Salerne - en ayant échoué, de l'avis de beaucoup de ses contemporains. Pourtant, précisément Grégoire VII fut celui qui, au milieu des controverses de son temps, modela de manière décisive le visage de l'Eglise pour les générations qui suivirent. Le professeur Regoli semble donc aujourd'hui d'autant plus audacieux, en tentant de tracer déjà un bilan du pontificat de Benoît XVI encore en vie.
La quantité de matériel critique qu'il a examiné et analysé dans ce but, est puissante et impressionnante. En effet, Benoît XVI est et reste extraordinairement présent avec ses écrits: à la fois ceux produits comme pape - les trois livres sur Jésus de Nazareth et les seize (!) volumes d'enseignement qu'il nous a livrés dans son pontificat - et comme professeur Ratzinger ou Cardinal Ratzinger, dont les œuvres pourraient remplir une petite bibliothèque.
Et ainsi, cette œuvre de Regoli ne manque pas de notes de bas de la page, aussi nombreuses que les souvenirs qu'elle éveille en moi. Parce que j'étais présent lorsque Benoît XVI, à la fin de son mandat, déposa l'anneau du pécheur, comme c'est l'usage au lendemain de la mort d'un pape, même si dans ce cas, il était encore en vie! J'étais présent quand pourtant, il décida de ne pas renoncer au nom qu'il avait choisi, comme l'avait fait en revanche le pape Célestin V quand le 13 Décembre 1294, quelques mois après le début de son ministère, il était redevenu Pietro de Morrone.
Par conséquent, depuis le 11 Février 2013, le ministère papal n'est plus celui d'avant. Il est et reste le fondement de l'Eglise catholique; et pourtant, c'est un fondement que Benoît XVI a profondément et durablement transformé dans son pontificat d'exception (Ausnahmepontifikat), à propos duquel le sobre cardinal Sodano, réagissant avec simplicité et immédiateté après la surprenante déclaration de renoncement, profondément ému et presque saisi d'égarement, s'était exclamé que cette nouvelle avait résonné parmi les cardinaux réunis «comme un coup de tonnerre dans un ciel serein». C'était le matin de ce même jour où, dans la soirée, un éclair kilomètrique avec un incroyable fracas frappa la pointe de la coupole de Saint-Pierre posée sur la tombe du Prince des Apôtres. Rarement le cosmos a accompagné de manière plus dramatique un tournant historique. Mais le matin de ce 11 Février, le doyen du Collège des cardinaux Angelo Sodano conclut sa réponse à la déclaration de Benoît XVI avec une première et tout aussi cosmique évaluation du pontificat, quand enfin il dit: «Bien sûr, les étoiles dans le ciel continueront toujours à briller, tout comme brillera toujours au milieu de nous l'étoile de Votre pontificat».
Tout aussi brillante et éclairante est l'exposition complète et bien documentée que fait don Regoli des différentes phases du pontificat. Surtout du début de celui-ci, dans le conclave d'Avril 2005, dont Joseph Ratzinger, après l'une des plus courtes élections dans l'histoire de l'Eglise, sortit élu après seulement quatre tours de scrutin, à la suite d'une lutte dramatique entre le "Parti du sel de la terre", autour des cardinaux Lopez Trujillo, Ruini, Herranz, Rouco Varela ou Medina et le soi-disant "Groupe de Saint-Gall" autour des cardinaux Danneels, Martini, Silvestrini ou Murphy-O'Connor; groupe que récemment, le cardinal de Bruxelles, Danneels en personne, a défini sur le ton de la plaisanterie comme "une espèce de mafia-club". L'élection était certainement aussi le résultat d'un affrontement, dont la clef avait pratiquement été fournie par le cardinal Ratzinger lui-même, en tant que doyen, dans l'homélie historique du 18 Avril 2005 à Saint-Pierre; et précisément là où à «une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien que comme définitif et qui n'a comme seule mesure que le 'moi' et ses désirs» il avait opposé une autre mesure: «le Fils de Dieu et vrai homme» comme «la mesure du véritable humanisme». Cette partie de l'intelligente analyse de Regoli se lit aujourd'hui presque comme un roman à suspense (giallo) palpitant d'il n'y pas trop longtemps; alors qu'au contraire la «dictature du relativisme» s'exprime depuis quelque temps de manière irrésistible à travers les nombreux canaux des nouveaux moyens de communication qu'en 2005, on pouvait à peine imaginer.
Déjà le nom que le nouveau pape se donna sitôt élu représentait un programme. Joseph Ratzinger ne devint pas Jean-Paul III, comme peut-être beaucoup l'auraient souhaité. Au lieu de cela, il se rattacha à Benoît XV - le grand pape inécouté et infortuné de la paix, des terribles années de la Première Guerre mondiale - et à saint Benoît de Nursie, patriarche du monachisme et patron de l'Europe. Je pourrais paraître comme grand témoin pour affirmer qu'au cours des années précédentes, le cardinal Ratzinger n'avait jamais rien fait pour accéder à la plus haute charge de l'Eglise catholique.
Au contraire, il rêvait déjà vivement d'une condition qui lui permettrait d'écrire dans la paix et la tranquillité, quelques derniers livres. Tout le monde sait que les choses allèrent différemment. Durant l'élection, ensuite, dans la chapelle Sixtine, je fus témoin qu'il vécut l'élection comme un "véritable choc" et éprouva "un trouble" et qu'il se sentit "comme étourdi" dès qu'il réalisa que "le couperet" de l'élection allait tomber sur lui. Je ne révèle ici aucun secret parce que ce fut Benoît XVI lui-même qui l'avoua publiquement à la première audience accordée aux pèlerins qui étaient venus d'Allemagne. Et il n'est donc pas surprenant que Benoît XVI ait été le premier pape qui immédiatement après son élection, invita les fidèles à prier pour lui, un fait qu'une fois de plus ce livre nous rappelle.
Regoli décrit les différentes années de ministère de manière captivante et émouvante, rappelant la maestria et la sûreté avec laquelle Benoît XVI exerça son mandat. Et qui émergèrent quelques mois après son élection, quand il invita pour une conversation privée à la fois son vieil adversaire acharné Hans Küng, et Oriana Fallaci, la grande dame agnostique et combative d'origine juive des médias laïcs italiens; ou quand il nomma Werner Arber, Suisse évangélique et prix Nobel, comme premier président non-catholique de l'Académie pontificale des sciences sociales. Regoli ne manque pas de mentionner l'accusation de manque de connaissances des hommes qui, souvent, a été adressée au génial théologien dans les souliers du Pêcheur; capable d'évaluer génialement des textes et des livres difficiles, et qui pourtant, en 2010, confia avec franchise à Peter Seewald combien il trouvait difficiles les décisions sur les personnes parce que "personne ne peut lire dans le cœur de l'autre". Comme c'est vrai!
A juste titre, Regoli qualifie 2010 d'"année noire" pour le Pape, et précisément en relation avec l'accident mortel tragique de Manuela Camagni, l'une des quatre Memores appartenant à la petite "famille pontificale". Je peux sans aucun doute le confirmer. En comparaison avec ce malheur, les sensationnalismes médiatiques de ces années - depuis l'affaire de l'évêque traditionaliste Williamson jusqu'à une série d'attaques de plus en plus malveillantes contre le pape - tout en ayant un certain effet, ne touchèrent pas le cœur le pape autant que la mort de Manuela , si soudainement arrachée à notre environnement. Benoît n'était pas un "pape acteur", et encore moins un "pape automate" insensible; sur le trône de Pierre aussi, il était et il est resté un homme; ou, comme le dirait Conrad Ferdinand Meyer, il n'a pas été un "livre ingénieux", mais "un homme avec ses contradictions". C'est ainsi que j'ai pu moi-même le connaître et l'apprécier quotidiennement. Et c'est ainsi qu'il est resté jusqu'à aujourd'hui.
Regoli observe cependant qu'après la dernière encyclique, Caritas in veritate du 4 Décembre 2009, un pontificat dynamique, innovant et avec une forte charge du point de vue œcuménique, liturgique et canonique, était soudainement apparu "ralenti", bloqué, enlisé. Bien qu'il soit vrai que, dans les années qui ont suivi, le vent contraire augmenta, je ne peux pas confirmer ce jugement. Ses voyages au Royaume-Uni (2010), en Allemagne et à Erfurt, la ville de Luther (2011), ou dans le Moyen-Orient en feu - chez les chrétiens inquiets du Liban (2012) - ont tous été des jalons œcuméniques des dernières années. Sa conduite résolue pour la solution du problème des abus a été et reste une orientation décisive sur la façon de procéder. Et quand, avant lui, y a-t-il jamais eu un pape qui - avec sa très lourde tâche - a également écrit des livres sur Jésus de Nazareth, qui seront peut-être eux aussi considérés comme son legs le plus important?
Il n'est pas nécessaire que je m'arrête ici sur la façon dont lui, qui avait été tellement frappé par la mort subite de Manuela Camagni, plus tard, a également souffert de la trahison de Paolo Gabriele, qui était aussi un membre de la même "famille pontificale". Et pourtant, il est bon que je dise très clairement une fois pour toutes que Benoît, à la fin, n'a pas démissionné à cause du malheureux et mal conseillé camérier, ou à cause des "gourmandises" en provenance de son appartement, qui dans ladite "affaire Vatileaks" circulèrent à Rome comme de la fausse monnaie, mais furent prises par le reste du monde comme d'authentiques lingots d'or. Aucun traître ou corbeau, aucun journaliste, n'auraient pu le pousser à cette décision. Ce scandale était trop petit pour une chose aussi grande, et encore plus grand le pas mûrement réfléchi, d'une importance historique millénaire, que Benoît XVI a accompli.
L'exposition de ces événements par Regoli mérite d'être examinée, aussi parce qu'il n'avance pas la prétention de sonder et d'expliquer complètement ce dernier et mystérieux pas; n'enrichissant ainsi pas davantage le pullulement des légendes avec de nouvelles hypothèses qui ont peu ou rien à voir avec la réalité. Et moi aussi, témoin immédiat de ce pas spectaculaire et inattendu de Benoît XVI, je dois avouer que pour moi, il me revient toujours à l'esprit le célèbre et génial axiome avec lequel au Moyen Age, Jean Duns Scot a justifié le décret divin pour la conception immaculée la Mère de Dieu: “Decuit, potuit, fecit”.
Autrement dit: c'était une chose appropriée car elle était raisonnable. Dieu pouvait, et donc il l'a fait. J'applique l'axiome à la décision de la démission de la façon suivante: c'était approprié, parce que Benoît XVI étaitconscient qu'il n'avait plus la force nécessaire pour la charge très lourde. Il pouvait le faire, parce que depuis longtemps déjà, il avait réfléchi à fond, du point de vue théologique, à la possibilité de papes émérite pour l'avenir. Alors il l'a fait.
La démission historique du pape théologien a représenté un pas en avant principalement pour le fait que le 11 Février 2013, parlant en latin devant les cardinaux surpris, il a introduit dans l'Eglise catholique la nouvelle institution du "pape émérite", déclarant que ses forces n'étaient plus suffisantes "pour exercer correctement le ministère pétrinien". Le mot clé dans cette déclaration est 'munus petrinum', traduit - comme c'est le cas la plupart du temps - par "ministère pétrinien". Et pourtant, munus, en latin, a une multiplicité de significations: il peut signifier service, devoir, conduite ou don, et même prodige. Avant et après sa démission Benoît a entendu et entend sa tâche comme participation à un tel "ministère pétrinien". Il a quitté le trône pontifical et pourtant, avec le pas du 11 Février 2013, il n'a pas abandonné ce ministère. Il a au contraire intégré l'office personnel dans une dimension collégiale et synodale, presque un ministère en commun, comme si, en faisant cela, il voulait répéter encore une fois l'invitation contenue dans la devise que le Joseph Ratzinger d'alors se donna comme archevêque de Münich et Freising et qu'ensuite il a naturellement maintenue comme évêque de Rome: "cooperatores veritatis", qui signifie justement "coopérateurs de la vérité". En effet, ce n'est pas un singulier, mais un pluriel, tiré de la troisième lettre de Jean, dans lequel il est écrit au verset 8: «Nous devons accueillir ces personnes pour devenir coopérateurs de la vérité".
Depuis l'élection de son successeur François le 13 Mars 2013, il n'y a donc pas deux papes, mais de facto un ministère élargi - avec un membre actif et un membre contemplatif. C'est pour cela que Benoît XVI n'a renoncé ni à son nom, ni à la soutane blanche. C'est pour cela que l'appellation correcte pour s'adresser à lui est encore aujourd'hui "Sainteté". Et c'est pour cela qu'il ne s'est pas retiré dans un monastère isolé, mais à l'intérieur du Vatican - comme s'il avait fait seulement un "pas de côté" pour faire place à son successeur et à une nouvelle étape dans l'histoire de la papauté, qu'avec ce pas, il a enrichie de la "centrale" de sa prière et de sa compassion placée dans les jardins du Vatican.
Ce fut "le pas le moins attendu dans le catholicisme contemporain", écrit Regoli, et pourtant une possibilité sur laquelle le cardinal Ratzinger avait déjà réfléchi publiquement le 10 Août 1978 à Münich, dans une homélie à l'occasion de la mort de Paul VI. Trente-cinq ans plus tard, il n'a pas abandonné l'Office de Pierre - chose qui lui aurait été tout à fait impossible à la suite de son acceptation irrévocable de l'office en Avril 2005. Par un acte de courage extraordinaire, il a au contraire renouvelé cette charge (y compris contre l'avis de conseillers bien intentionnés et sans doute compétents) et avec un dernier effort, il l'a renforcée (comme je l'espère). Cela, seule l'histoire pourra le prouver. Mais dans l'histoire de l'Eglise, il restera que, dans l'année 2013, le célèbre théologien sur le Trône de Pierre est devenu le premier "Papus emeritus" de l'histoire. Depuis lors, son rôle - je me permets de le répéter encore une fois - est tout à fait différent de celui, par exemple, du saint pape Célestin V, qui, après sa démission en 1294, a voulu redevenir ermite, devenant au contraire prisonnier de son successeur, Boniface VIII (auquel aujourd'hui nous devons dans l'Eglise l'institution d'années jubilaires).
Un pas comme celui accompli par Benoît XVI, jusqu'à ce jour, il n'y en avait jamais eu. Il n'est donc pas surprenant que par certains, il ait été perçu comme révolutionnaire, ou au contraire, entièrement conforme à l'Évangile; tandis que d'autres encore y voient la papauté sécularisée comme jamais auparavant, et ainsi plus collégiale et fonctionnelle ou même simplement plus humaine et moins sacrée. Et d'autres encore sont d'avis que Benoît XVI, avec ce pas, a presque - pour parler en termes théologiques et historico-critiques - démythisé la papauté.
Dans cette photo panoramique du pontificat, Regoli expose clairement tout cela, comme jamais personne auparavant. La partie peut-être la plus émouvante de la lecture a été pour moi le passage où, dans une longue citation, il rappelle la dernière audience générale du pape Benoît XVI le 27 Février 2013, quand, sous un ciel inoubliablement limpide et clair le pape qui d'ici peu allait démissionner résuma ainsi son pontificat:
« Cela a été un bout de chemin de l’Église qui a eu des moments de joie et de lumière, mais aussi des moments pas faciles ; je me suis senti comme saint Pierre avec les Apôtres dans la barque sur le lac de Galilée : le Seigneur nous a donné beaucoup de jours de soleil et de brise légère, jours où la pêche a été abondante ; il y a eu aussi des moments où les eaux étaient agitées et le vent contraire, comme dans toute l’histoire de l’Église, et le Seigneur semblait dormir. Mais j’ai toujours su que dans cette barque, il y a le Seigneur et j’ai toujours su que la barque de l’Église n’est pas la mienne, n’est pas la nôtre, mais est la sienne. Et le Seigneur ne la laisse pas couler ; c’est Lui qui la conduit, certainement aussi à travers les hommes qu’il a choisis, parce qu’il l’a voulu ainsi. Cela a été et est une certitude, que rien ne peut troubler».
Je dois admettre qu'à relire ces mots, les larmes pourraient presque encore me monter aux yeux, et d'autant plus pour avoir vu en personne et de près à quel point l'adhésion du Pape Benoît XVI aux paroles de saint Benoît - que "rien n'est à placer avant l'amour du Christ", nihil amori Christi praeponere, comme il est dit dans la règle transmise par le pape Grégoire le Grand - a été inconditionnelle, pour lui et pour son ministère. J'en fus alors témoin, mais je reste toujours fasciné par la précision de cette dernière analyse, place Saint-Pierre, qui résonnait si poétique, mais qui était rien moins que prophétique. En effet, ce sont des mots auxquels aujourd'hui encore, François pourrait immédiatement souscrire et souscrirait certainement. Ce n'est pas aux papes, mais au Christ, au Seigneur Lui-même et à personne d'autre, qu'appartient le vaisseau de Pierre fouetté par les vagues d'une mer tempétueuse, quand toujours et encore nous avons peur que le Seigneur soit endormi et ne se soucie pas de nos besoins, alors qu'il lui suffit d'un mot pour arrêter toutes les tempêtes; quand, au contraire, , plus que les hautes vagues et le hurlement du vent, c'est notre incrédulité, notre peu de foi et notre impatience qui nous font constamment tomber dans une panique.
Ainsi, ce livre jette encore une fois un regard consolant sur l'imperturbabilité et la sérénité tranquilles de Benoît XVI, au timon de la barque de Pierre dans les années dramatiques 2005-2013.