Benoit-et-moi 2017
Vous êtes ici: Page d'accueil » Actualité

Goodnight Hollywood!

Meryl Streep et Harvey Weinstein (12/10/2017)

L'affaire Weinstein, un article de Gianpaolo Rossi sur la pourriture qui gangrène le business du spectacle, si prompt à dénoncer les turpitudes des autres, en particulier de l'Eglise (12/10/2017).

C'est en quelque sorte la revanche de "l'Amérique profonde", celle qui a voté Trump, sur le "Deep State".
Ce n'est pas un simpe fait divers. Mais ce qui constitue une bombe, ce n'est pas tant les exactions du répugnant personnage - qui ne peuvent surprendre personne! - que le fait que le pus sorte enfin, malgré le contrôle qu'Hollywood exerce via ses multiples tentacules sur une société globale qu'elle contribue si puissamment à façonner, et même à anticiper, et sur laquelle elle pontifie du haut de ses montagnes de dollars, imposant jour après jour, souvent à l'insu de ses cibles, SA "morale" et SA vision du monde.
L'affaire Weinstein n'est toutefois que la pointe de l'iceberg. La puanteur qui émane des écuries d'Augias du showbiz est telle que de temps en temps, un scandale éclate, avant de retomber rapidement dans l'oubli, effet combiné de l'amnésie des masses, des pressions exercées pour l'étouffer par les puissants cercles concernés , et de l'inertie générée paradoxalement par la frénésie d'une info-H24, où une nouvelle chasse l'autre (se souvient-on de l'affaire Jeremy Saville? cf. benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/les-ecuries-daugias-de-la-television-britannique).
Il ne faut donc pas trop se faire d'illusion. Et les protestations de vierge effarouchée d'Hillary Clinton, prise quasiment la main dans le sac (alors que le même Weinstein fut l'un des gros bailleurs de fonds de sa campagne électorale), résonnent comme un aveu infâmant... mais risquent malheureusement de rester sans suite.

Goodnight Hollywood!
Weinstein, Polanski et l'hypocrisie "liberal"

Giampaolo Rossi
blog.ilgiornale.it/rossi
10 octobre 2017
Ma traduction

* * *

Plus ils prêchent leurs valeurs progressistes de milliardaires jouisseurs, plus ils trébuchent sur l'hypocrisie de cette société de papier glacé qu'ils représentent.

Hollywood est l'image reflétée de cet Occident transformé en fiction, éternel scénario d'un monde stellaire et corrompu où chaque rêve est possible; où la richesse, les excès, le pouvoir, la violence deviennent la seule loi dans la jungle d'une liberté sans règles; transfiguration d'hommes et de femmes élevés à la hauteur de mythe, qui en réalité, dépouillés du rôle de héros de notre imaginaire symbolique, révèlent les misères de leur nature et de cette fiction qu'ils incarnent.

L'histoire de Harvey Weinstein, le méga producteur new-yorkais qui, pendant trente ans, aurait abusé sexuellement de douzaines de jeunes actrices et employées de sa compagnie, est le parfait échantillon de ce monde ouaté de l'Hollywood liberal, toujours à l'avant-garde pour raconter les maux du monde, et qui détourne les yeux de la pourriture de son propre monde.
Weinstein est le producteur de Martin Scorsese, Quentin Tarantino et du meilleur de l'intelligentsia cinématographique américaine anthropologiquement supérieure. Grâce à lui, des chefs-d'œuvre tels que Pulp Fiction, The King's Speech, Imitation Game et mille autres ont vu le jour.
Ami d'Obama, l'un des principaux financeurs de la campagne électorale de Hillary Clinton et du Parti démocrate, il est l'emblème du progressisme de ce système stellaire qui défile contre les guerres de Bush mais reste silencieux sur les guerres d'Obama; organise les croisades contre Trump, prêchant l'amour pour les immigrants, en défilant entre les avenues luxueuses (et luxurieuses) des villas méga-millionnaires de Beverly Hills où les immigrés ne pourraient même pas entrer à genoux.

Le Guardian a contacté 20 des plus grands réalisateurs américains pour commenter le scandale. Aucun d'entre eux n'a répondu. Pas même Michael Moore, le pourfendeur logorrhéique de la droite américaine, emblème cinématographique de la gauche antagoniste, le milliardaire anticapitaliste, le juge sans appel de l'Amérique profonde. Est-ce seulement un hasard s'il travaille en ce moment à un film contre Donald Trump financé justement par Weinstein?

TOUT LE MONDE SAVAIT
À Hollywood, tout le monde le savait et tout le monde s'est tu.
La journaliste Sharon Waxman a dénoncé sur The Wrap, le fait qu'il y a 13 ans, en 2004, elle avait déjà mené une enquête pour le New York Times sur les abus présumés de Weinstein impliquant la Miramax [société de production et de distribution fondée par les frères Weinstein], dirigée à l'époque par Fabrizio Lombardo, qui, dit-elle, "n'avait aucune expérience cinématographique, et son vrai travail était de s'occuper, entre autres, des exigences féminines de Weinstein".
L'enquête fut enterrée sous la pression directe du producteur (grand annonceur dans les journaux) et de certaines vedettes d'Hollywood, dont Matt Damon et Russell Crowe.

MERYL LA DOUBLE
Meryl Streep, l'une des plus grandes actrices de tous les temps transformée en Grillon Parlant [du nom d'un personnage du livre de Carlo Collodi, "Pinocchio"] de l'intelligentsia liberal américaine, critique impitoyable de cette Amérique vulgaire et de droite que les milliardaires d'Hollywood détestent, championne du féminisme progressiste, n'a condamné Harvey Weinstein que maintenant. On ne peut pas l'en blâmer, puisqu'en 2012, en recevant les Golden Globe Awards pour The Iron Lady, elle qualifia publiquement son producteur de "God" - Dieu -, à l'embarras complaisant de la divinité présente dans la salle.
Aujourd'hui, elle admet que son Dieu était "dégoûtant".

Les démangeaisons féministes de la magnifique actrice engagée sont pourtant restées silencieuses face à une autre affaire retentissante: celle de Roman Polanski, le réalisateur-icône des radical-chic (bobos) "liberal" toujours en procès pour diverses violences sexuelles contre des filles mineures: la première en 1977, sur une fillette de 13 ans dans la maison de Jack Nicholson; un crime pour lequel il a fui des Etats-Unis et s'est réfugié en France.
Ce fut elle qui mena la standing ovation qu'Hollywood fit au réalisateur pour l'Oscar qu'il remporta en 2003, bien qu'il fût hors-la-loi. Et c'est encore elle qui exprima sa solidarité avec le metteur en scène en 2009, [quand il se retouva] en prison.

PÉDOPHILIE À HOLLYWOOD
L'art le plus grandiose n'est jamais moral. Et personne, qui aurait été ému par le chef-d'œuvre poignant du Pianiste, ne peut diminuer la grandeur du film parce que son réalisateur est pédophile.
Mais ce qui n'est pas tolérable, c'est quand Hollywood et le système de pouvoir qu'elle représente, prétend juger la moralité des autres.

Lorsqu'en 2004, Amy Berg réalisa "Deliver Us from Evil", le film documentaire sur Oliver O'Grady, le prêtre catholique qui avoua des actes pédophiles sur au moins 25 enfants californiens, Hollywood fut tellement indignée et scandalisée qu'elle fut nommée aux Oscars.
Mais quand huit ans plus tard, la même réalisatrice réalisa “An open secret” sur la pédophilie à Hollywood, surtout pour les jeunes acteurs, par leurs réalisateurs et producteurs, elle n'a trouvé personne pour le distribuer.

Les chiens ne mangent pas de chien, diront certains: c'est vrai. Mais au moins les chiens n'ont pas la prétention de s'ériger en moralistes comme l'élite progressiste de gauche d'Hollywood.