Il faut changer le Notre Père (suite)
Traduire, ou interpréter: le Père Scalese explique pourquoi la richesse du Notre Père ne peut pas être enfermée dans la traduction d'un mot (13/12/2017)
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Traduire, ou interpréter
Père Giovanni Scalese CRSP
12 décembre 2017
querculanus.blogspot.fr
Ma traduction
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Les déclarations faites par le Pape François lors de l'émission de TV2000 Padre Nostro diffusée mercredi 6 décembre ont fait grand bruit. Selon le Pape, «Non ci indurre in tentazione» ne serait pas une bonne traduction:
Les Français aussi ont changé le texte avec une traduction qui dit «ne me laisse pas tomber dans la tentation», c'est moi qui tombe, ce n'est pas lui qui me jette dans la tentation pour voir ensuite comment je suis tombé, un père ne fait pas cela, un père aide à se relever immédiatement.
On croirait qu'il s'agit d'une nouveauté (la seule vraie nouveauté est le fait qu'à partir du 3 décembre, premier dimanche de l'Avent en France, la nouvelle traduction de notre Père a été introduite dans la liturgie); en réalité, c'est un sujet qui traîne depuis des décennies.
Après avoir passé en revue les traductions depuis les années 50 de la "Prière du Seigneur" en langue vernaculaire dans les idiomes les plus courants - en particulier le français), et constaté les variations, le Père Scalese poursuit:
Ce rapide survol des traductions devrait montrer qu'il n'y a pas de consensus unanime sur la manière de transformer le Ne nos inducas in tentationem dans les langues vulgaires. Simplifier trop, faire croire qu'on peut facilement remplacer la version traditionnelle par une nouvelle version qui ferait comprendre de façon adéquate le sens entendu par Jésus, c'est non seulement se leurrer, mais aussi tromper les fidèles: dès qu'une nouvelle traduction serait décidée, il y aurait un exégète qui se dirait insatisfait et proposerait une nouvelle traduction, à son avis plus fidèle.
Je crois que toute cette histoire est basée sur un malentendu fondamental, très répandu aujourd'hui: penser que "traduire" est synonyme d'"interpréter", alors que ce sont deux actions complémentaires mais distinctes. "Traduire" signifie rendre un texte le plus fidèlement possible dans une autre langue. Nous ne pouvons pas confier à la traduction une tâche qui n'est pas de sa compétence. L'interprétation d'un texte revient aux exégètes et non aux traducteurs. Maintenant, si nous voulons une interprétation sûre - et aussi une interprétation récente - du Notre Père, nous l'avons: il suffit d'aller lire le Catéchisme de l'Église catholique, qui consacre la deuxième section de la quatrième partie à la prière du Seigneur . L'explication de la sixième question se trouve aux nn. 2846-2849 (entre autres choses, il est dit, de façon très responsable: «Traduire avec un seul mot le terme grec est difficile»). Une fois que nous avons compris le sens de cette invocation, quel besoin y a-t-il de changer la traduction? Encore une fois, il me semble être revenu aux débats purement verbaux, qui étaient à la mode dans les années 1970 et 1980.
Il semblait que Liturgiam authenticam avait définitivement dépassé ces diatribes inutiles; et au lieu de cela, avec sa démolition, nous les avons à nouveau dans les pieds. Est-ce un hasard si en France, ils ont introduit la nouvelle traduction du Notre Père avec le soutien du Pape François, juste trois mois après la publication du Motu Proprio Magnum Principium? Vu la façon dont les choses tournent, il est prévisible que la troisième édition du Missel en italien, qui est restée dans le congélateur pendant des années, sera bientôt décongelée et nous aussi nous devrons quitter la formule traditionnelle pour dire: «Et ne nous abandonne pas à la tentation». Je m'interroge: Mais si un Dieu qui est Père ne peut pas nous conduire à la tentation, peut-il nous abandonner à elle?