Benoit-et-moi 2017
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le cardinal Meisner est monté au ciel.

Il avait 83 ans. De lui, on retiendra qu'il était l'un des 4 cardinaux à l'origine des dubbia. Pour moi, il était aussi un grand ami de Benoît XVI. Quelques souvenirs de lui (5/7/2017)

>>> Ci-contre: Les larmes du cardinal Meisner pendant le discours de Benoît XVI à Auschwitz, le 28 mai 2006

Il faut que tu acceptes d'être élu Pape

Recevant ses compatriotes bavarois, au lendemain de son élection, Benoît leur avait confié le sentiment d'effroi qui s'était emparé de lui lorsque l'évolution du scrutin lui avait laissé entrevoir qu'il allait être élu. Et il avait alors expliqué que c'était un billet que lui avait adressé un de ses confrères cardinaux qui l'avait convaincu.
Ce billet lui disait, rappelant l'homélie qu'il avait prononcé aux funérailles de Jean-Paul II: «Si le Seigneur devait te dire à présent: "Suis-moi", alors rappelle-toi de ce que tu as prêché. Ne te refuse pas! Sois obéissant, comme tu as décrit le grand Pape, qui est retourné à la maison du Père».
Et Benoît XVI de conclure: «Cela m'a profondément touché. Les voies du Seigneur ne sont pas toujours faciles, mais nous n'avons pas été créés pour la facilité, mais pour les choses grandes, pour le bien».

J'avais toujours pensé que ce confrère cardinal était Joachim Meisner. Une intuition qui s'est trouvée confortée un peu plus tard.
Dans un livre d'entretiens avec la princesse Gloria von Thurn und Taxis (Die Fürstin und der Kardinal), en 2008, le cardinal racontait une conversation qu'il avait eue avant le Conclave de 2005 avec son ami Joseph Ratzinger
«Ce fut une conversation très émouvante... Je lui dis: à présent, tu vas me prendre pour un fou, mais, par responsabilité envers l'Eglise, il faut que tu deviennes Pape». La réponse de Ratzinger fut «Tu as raison, tu es fou»..
Le cardinal de Cologne dit qu'«à ce point, il y eut un assez long silence, puis je me dirigeai vers la porte, après lui avoir répété "si tu es élu, tu dois accepter"».

(benoit-et-moi.fr/2008)

Pour le 80e anniversaire de Benoît XVI: "Si Jésus avait vécu jusqu'à 80 ans, il t'aurait ressemblé"

Extrait d'un article paru sur Die Welt le 15 avril 2007:
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Par une messe sur la Place Saint-Pierre, le Vatican fête ce dimanche 15 avril le Pape Benoît XVI, qui aura 80 ans lundi.
La joie est immense, surtout en Allemagne, et le Cardinal de Cologne, Joachim Meisner, nous révèle, dans ses souhaits de bon anniversaire, à quel niveau il situe le Pape allemand.

«Je lui ai écrit, dans mes souhaits personnels "Saint-Père, si Jésus-Christ avait vécu jusqu'à 80 ans, il t'aurait ressemblé, car tu vis depuis 80 ans en communion intérieure étroite avec le Seigneur"», a dit l'archevêque de Cologne, lors d'une émission diffusée quotidiennement sur une station de radio.
«Une telle communauté d'esprit avec le Seigneur durant des décennies s'imprègne aussi dans les traits du visage... On dit aussi d'un couple uni, qui vit ensemble depuis de longues années et se reste fidèle "ces deux-là se ressemblent comme frère et soeur"».
«Dans mes rencontres avec Benoît XVI, j'ai senti à chaque fois la présence forte d'une personnalité grâce à laquelle on pouvait vraiment entrer en contact avec Dieu et le Christ. Je quitte le Pape en étant à chaque fois un peu meilleur qu'à mon arrivée».
«Le Pape est le Mozart de la théologie», poursuit Meisner, «sa théologie n'est pas seulement vraie et bonne, mais aussi belle. Ses mots sonnent aux hommes comme une musique pour leurs oreilles et leur coeur. C'est pour cette raison que le flux des pélerins à ses audiences s'accroît mois après mois».

beatriceweb.eu

"Benoît XVI est un théologien d’une envergure telle que le bon Dieu n’en donne que tous les 100 ans. Parfois je le compare en moi-même à un des grands Pères de l’Eglise"

En avril 2010, anticipant la visite du Saint-Père dans sa patrie, le cardinal Meisner s'entretenait avec Andreas Otto de l’Agence allemande Kath.net (Traduction de Marie-Anne).
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Andrea Otto: M. le Cardinal, après le conclave, il y a cinq ans, on a pu voir sur votre visage la satisfaction que vous avez éprouvée après l’élection du Cardinal J. Ratzinger comme pape, vos espérances d’alors ont-elles été réalisées par le pape ?
Meisner: Parfaitement. Déjà aux obsèques de Jean-Paul II j’étais convaincu avec beaucoup d’autres qu’il y avait une symbiose entre le pape gisant dans le cercueil et le cardinal qui célèbrait la messe derrière l’autel. Jean-Paul II lui-même n’a jamais cessé de reconaître que le profil théologique de son pontificat, il le devait en grande partie, au Cardinal Ratzinger. Et Benoît XVI a su maintenir la continuité avec le grand Pontificat béni de son prédecesseur. Encore aujourd’hui, je repense avec joie au déroulement rapide et unanime du dernier conclave.

- Vous avez une relation tout à fait personnelle avec Benoît XVI. Aux JMJ de 2005 il était l’hôte de votre maison. Est-ce que le métier de pape lui pèse ?
- Lorsqu’il m’arrive de m’imaginer à sa place en pensant qu’il lui a fallu accepter cette charge à 78 ans, j’en tremble de la tête aux pieds. Lorsque j’ai fait obédience après le conclave je me suis dit : Mon Dieu, un homme faible devient le pasteur de 1,2 milliards d’hommes. Mais Benoît XVI ressemble tout à fait à Jean-Paul II en ce sens qu’il porte cette responsabilité avec une grand confiance en Dieu. Lorsqu’on élit un pape, il s’agit d’abord du choix de Dieu et pas seulement du choix des cardinaux. Eux, ils ne sont que des instruments qui manifestent la volonté de Dieu. Le service pétrinien dépasse de toute façon les forces humaines. Mais Dieu porte le fardeau de celui qu’il choisit. J’ai côtoyé un pape joyeux et plein d’espérance également à l’occasion des JMJ de 2005.

- Comment trouve-t-il son équilibre ?
- Naturellement, le pape est un homme comme tout le monde, qui a besoin de manger et de bien dormir. Il trouve son repos en récitant le rosaire dans les Jardins du Vatican. Et la théologie est restée pour lui une grande source d’enrichissement. N’oublions pas nons plus qu’il est un grand musicien. Lorsque je lui rends visite, je trouve toujours une partition différente sur son piano, qui est en lien avec la saison. Cela prouve qu’il travaille son piano. Et c’est vrai, qu’en jouant du piano on peut chasser quelque chagrin ou au contraire, exprimer certaines joies.

- Qu’est ce qui va rentrer, selon vous, de ce pontificat dans l’histoire de l’Eglise ?
- Tout d’abord il faut mentionner les JMJ de Cologne. Ce premier voyage pontifical qui l’a reconduit dans sa patrie, aura été un grand événement aussi pour l’Eglise universelle. Le savant qu’il est resté a su trouver comment parler aux jeunes pour leur transmettre l’évangile dans toute sa plénitude. J’en connais beaucoup qui vivent encore aujourd’hui de son message.

- Quels sont les accents théologiques sur lesquels il insiste ?
- Benoît XVI est un théologien d’une envergure telle que le bon Dieu n’en donne que tous les 100 ans. Parfois je le compare en moi-même à un des grands Pères de l’Eglise. Cela se voit dans son livre sur Jésus qu’il a réussi à écrire malgré la lourde charge de son pontificat puisque cela lui tenait tellement à cœur. Dans ce livre on peut mesurer la qualité théologique de ce pontificat. Benoît XVI y montre clairement d’une part que l’Eglise tiendra bon tant qu’elle restera liée au Christ, sinon elle tombera, d’autre part que le Jésus historique est le même que le Jésus de la Foi. C’est l’un des services les plus importants que ce pape aura rendu à l’Eglise.
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benoit-et-moi.fr/2010-I

"Chaque fois que je pense à lui, j’en reçois force et courage".

Un peu plus tard, la même année, l'Eglise (particulèrement en Allemagne) était ébramlée par les scandales de pédophilie, et le cardinal accordait une interview à Paul Badde, pour Die Welt.
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(...)
Paul Badde: Avez-vous des encouragements venant du pape ?
Meisner : Chaque fois que je pense à lui, j’en reçois force et courage. Comme successeur de Pierre, il est le fondement de l’Église catholique. Il est le Rocher sur lequel est bâtie l’Église apostolique. Et comme le poids penche toujours vers le bas selon la loi de la gravitation, cela veut dire que tout le poids de l’Église aboutit sur le bureau du pape, sur ses mains et jusque dans son cœur. C’est déjà un miracle qu’il ne ploie pas sous ce fardeau.
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- Pouvez-vous imaginer Benoît XVI comme un réformateur ?
- Mais bien entendu ! Et tout le monde le saura plus tard lorsqu’il ne sera plus là. Lorsque son héritage commencera à rayonner. On ne peut enfermer la vérité dans une boîte de conserve ! La vérité, c’est comme la lumière. On ne peut pas se protéger contre la lumière. Elle est là, tout simplement. Tous ceux qui considèrent maintenant le pape comme le plus grand obstacle ont raison, car il représente en effet le plus grand obstacle pour les athées modernes. Ils n’arrivent pas contourner la philosophie et la théologie de Joseph Ratzinger !

- Avez-vous peur de l’avenir ?
- Et pourquoi ? Regardez en arrière, quel était le 20e siècle ? L’époque des martyrs. Où sont-ils les tortionnaires des croyants de cette époque ? les nazis et les communistes ? Je les ai connus tous les deux et j’en ai souffert. Le Christ assiste son Église jusqu’à la consommation du temps.

- Pendant la Révolution française, les chrétiens avaient été considérés comme des fanatiques…
- Oui, et aujourd’hui comme jadis, les ennemis de l’Église se disent éclairés. Dans un tel contexte, nous les évêques nous devons être de nouveau des témoins courageux. Un témoin dérange toujours. Nos pères dans la foi ont été jetés devant les lions pendant les deux premiers siècles. Aujoud’hui les médias nous projettent devant les hommes. Pourquoi avoir peur ?

- Le pape Benoît a expliqué que le vrai danger pour l’Église ne vient pas de ses ennemis mais du péché de ses adhérents.
- C’est exact. Et nous venons de le constater suffisamment. De l’Église on peut affirmer aussi ce que le vieillard Syméon avait dit sur l’enfant Jésus : « Il serait la chute et le relèvement de beaucoup. Il serait un signe de contradiction. » C’est bien le cas de l’Église aussi. Elle aussi est un signe de contradiction et il doit bien en être ainsi. Mais il n’est pas suffisant de se dire : Mais oui, on nous avait bien prévenus… Parce qu’il y a une contradiction qui est bien justifiée. Donc, à chaque contradiction il nous faut opérer un discernement pour ne pas nous esquiver devant les contradictions qui sont nécessaires. J’ai pensé souvent à cela durant toute cette période qu’on vient de vivre.

- La prochaine controverse avec l’opinion publique n’est-elle pas déjà programmée, étant donné la position de l’Église concernant la protection de la vie, l’homosexualité et la bioéthique ?
- Il faut avouer que notre situation est bien plus difficile de nos jours qu’autrefois en Allemange de l’Est. Je l’ai déjà souvent dit. Mais ces années-là servaient d’entraînement pour supporter les difficultés à venir. Lorsque j’étais évêque de Berlin j’étais toujours encouragé par un verset du psaume : « Avec mon Dieu je saute la muraille. » Cela reste valable pour le présent et pour l’avenir. Et cela demeure ma plus profonde conviciton : « Là où le péché abonde la grâce surabonde. » C’est ce qui m’a toujours fortifié durant les mois écoulés. Et je ne voudrais pas appartenir à ceux qui ne croient pas à un tournant.

- C’était déjà votre avis avant 1989 ?
- Non. Seul le pape Jean-Paul II croyait à un tournant. Il me l’a prédit dès 1987.

benoit-et-moi.fr/ete2010