Benoit-et-moi 2017
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Luther, aujourd'hui (suite)

ou la protestantisation de l'Eglise. Après le cardinal Müller hier c'est au tour du Père Scalese de répondre au Secrétaire de la CEI (25/10/2017)

>>> Cf. Luther, aujourd'hui (Cardinal Müller)

Humour...

Le montage ci-dessous est issu du blog cronicasdepapafrancisco.com . Je ne résiste pas à l'envie de le reproduire ici, mais je précise qu'y associer - au moins en intention - l'auteurde l'article qui suit serait totalement déplacé, ce n'est en tout cas pas mon propos...
Aux côtés du Pape, on reconnaît ses inspirateurs et conseillers habituels, les cardinaux Marx et Kasper, le P. Spadaro, jésuite, directeur de la Civiltà cattolica et ghostwriter présumé de François, le P. Sosa, pittoresque général des Jésuites moustachu, aussi erratique dans sa doctrine que truculent dans sa dégaine, et Mgr Galantino, secrétaire de la CEI et représentant du Pape auprès des évêques italiens (rappelons que l'Evêque de Rome est aussi primat d'Italie) et accessoirement super-directeur de l'Avvenire.

Hier Martin Luther, 1483-1546. Aujourd'hui Jorge Bergoglio, François I depuis le 13 mars 2013, tous deux révolutionnaires contre l'Eglise catholique, et pas réformateurs

il est à la mode aujourd'hui de dire que "les intentions de Luther étaient bonnes et inspirées par l'Esprit Saint, mais ensuite les choses ont pris un chemin différent, également avec la complicité des fermetures de l'Église catholique". À mon avis, il s'agit d'un procès d'intentions, pour lequel nous ne sommes pas habilités. C'est un procès d'intentions à la fois quand on prétend juger avec bienveillance les intentions de Luther et quand on se permet de juger négativement des intentions de l'Église catholique. Dans ce cas, nous devrions vraiment nous demander: "Qui sommes-nous pour juger"?
(...)
Je ne peux ignorer l'influence que les doctrines luthériennes ont eue sur le développement ultérieur de l'histoire de la pensée. Eh bien, les conséquences intellectuelles de la Réforme ont été dévastatrices non seulement pour la foi catholique, mais aussi pour la philosophie elle-même. Bien que ces doctrines aient leurs racines dans la scolastique décadente de la fin du Moyen Âge, il ne fait aucun doute que nous pouvons y trouver les origines du subjectivisme et du relativisme modernes.
(...)
Déclarer, comme quelqu'un l'a fait récemment, qu'il n'y a pratiquement plus de différences entre nous et les luthériens, ne peut signifier que deux choses: soit qu'ils sont redevenus catholiques - ce qui n'est pas le cas -, soit que les catholiques sont devenus protestants entre-temps. Ce qui, au moins pour certain, semble plus vraisemblable.

Procès d'intentions

P. Giovanni Scalese CRSP
24 octobre 2017
querculanus.blogspot.fr
Ma traduction

* * *

Des lecteurs m'ont demandé d'exprimer une opinion sur les récentes déclarations faites par Mgr Nunzio Galantino lors du Congrès, organisé par l'Université Pontificale du Latran à l'occasion du cinquième centenaire de la Réforme, intitulée "Passion pour Dieu" (18-19 octobre 2017). Dans son discours d'introduction à la troisième session de la Conférence ("La Spiritualité de la Réforme dans l'Action ecclésiale"), le Secrétaire de la CEI aurait soutenu (Je dis "aurait" parce que je n'ai pas trouvé le texte de l'intervention en ligne, mais seulement quelques compte-rendus) que "la Réforme initiée par Martin Luther il y a 500 ans était un événement de l'Esprit Saint". Cette déclaration a naturellement suscité chez beaucoup une levée des bouclier. Pour être honnête, cela ne m'étonne pas plus que cela: c'est l'expression d'une tendance très répandue aujourd'hui dans l'Église. Je n'ai donc pas envie de tomber sur Mgr Galantino: il n'est que le porte-parole d'un sentiment beaucoup plus large.

Il me semble totalement inutile de répéter ici ce qui a déjà été dit par d'autres; je n'ai pas non plus envie de m'engager dans un discours théologique pour montrer que Luther était un hérétique, non seulement parce que ce ne sont pas des choses à traiter dans un blog, mais surtout parce que personne ne m'a constitué juge de l'orthodoxie ou de l'hérésie de quiconque. Il me suffit de savoir que Luther a été condamné par l'Église comme hérétique. Et je fais confiance à l'Église. Même celle d'il y a cinq cents ans. Pour moi, Luther n'est ni un diable ni un saint; il n'est qu'un pauvre pécheur, quelqu'un qui a besoin - comme tout le monde - de la miséricorde de Dieu. Je préfère donc jeter quelques réflexions telle qu'elles me viennent, sans prétention de systématicité et d'exhaustivité, dans l'esprit de ce blog.

Comme le faisait remarquer à juste titre Stefano Fontana sur La Nuova Bussola, il est à la mode aujourd'hui de dire que "les intentions de Luther étaient bonnes et inspirées par l'Esprit Saint, mais ensuite les choses ont pris un chemin différent, également avec la complicité des fermetures de l'Église catholique".
À mon avis, il s'agit d'un procès d'intentions, pour lequel nous ne sommes pas habilités. C'est un procès d'intentions à la fois quand on prétend juger avec bienveillance les intentions de Luther et quand on se permet de juger négativement des intentions de l'Église catholique. Dans ce cas, nous devrions vraiment nous demander: "Qui sommes-nous pour juger"?

C'est peut-être de ma part une déformation professionnelle, mais je pense que la seule attitude légitime, dans ce cas comme dans beaucoup d'autres, est celle de l'historien: l'historien n'est pas appelé à exprimer des jugements de valeur, mais des jugements historiques; il n'est pas autorisé à juger les intentions des gens, mais à considérer les faits dans leur objectivité et à les relier entre eux selon des rapports de cause à effet. Je pense que c'est ce que devrait être notre attitude vis-à-vis de la Réforme.

Que l'Église du XVIe siècle (tout comme celle d'aujourd'hui, d'ailleurs) eût besoin d'être réformée, c'est un fait. Que Luther et les autres réformateurs aient vraiment réformé l'Église, c'est une affirmation sur laquelle il est légitime de soulever quelques doutes. Quel a été le résultat de la Réforme? La division de l'Église. Peut-on considérer cela comme une véritable réforme de l'Église? Je ne dirais pas cela. Personnellement, je trouve beaucoup plus "réformateurs" les innombrables saints qui ont peuplé l'Église du XVIe siècle, non seulement après le Concile de Trente, mais aussi et surtout avant et pendant la Réforme protestante, autrement dit les représentants de ce phénomène encore insuffisamment valorisé, qui est la "Réforme catholique".

A cet égard, je voudrais rappeler ici le jugement du Cardinal Joseph Ratzinger le 28 mai 1997, à l'occasion de la célébration du centenaire de la canonisation de saint Antoine Marie Zaccharie (1502-1539) [le fondateur de l'ordre des barnabites, ndt], l'un des plus grands représentants de la Réforme Catholique mentionnée plus haut:

Je dois dire que la figure de ce saint m'est chère parce qu'il est l'une des grandes personnalités de la Réforme Catholique du XVIe siècle, engagée dans le renouveau de la vie chrétienne à une époque de crise profonde dans le domaine de la foi et des moeurs. Sa vie coïncide avec une période turbulente où Luther, à sa manière, a tenté de réformer l'Église: une tentative qui, comme nous le savons tous, s'est terminée par la tragédie de la division du christianisme. Dans les problèmes de son temps et de sa vie personnelle, Luther avait découvert la figure de saint Paul et, avec l'intention de suivre le message de l'Apôtre, il commença son chemin. Malheureusement, il opposa Saint Paul à l'Église hiérarchique, la loi à l'Évangile et, de cette façon, même, en le redécouvrant, il le détacha de toute la vie de l'Église, du message de la Sainte Écriture.
Antoine Marie Zaccharie a lui aussi découvert saint Paul, il a voulu suivre son dynamisme évangélique et l'a vu dans la totalité du message divin, dans la communauté de la Sainte Église.
Il me semble que saint Antoine Marie Zaccharie est un homme et un saint d'une grande actualité, une figure œcuménique et missionnaire, qui nous invite à montrer et à vivre le message paulinien dans l'Église elle-même; il montre à nos frères séparés que saint Paul a sa vraie place dans l'Église catholique et qu'il n'est pas nécessaire d'opposer son message avec l'Église hiérarchique, mais qu'il y a dans l'Église catholique toute la place pour la liberté évangélique, pour le dynamisme missionnaire, pour la joie de l'Evangile. L'Église catholique n'est pas seulement une Église de la loi, elle doit aussi se manifester concrètement comme une Église de l'Évangile et de sa joie pour ouvrir les chemins de l'unité.

Sur la diffusion et le "succès" de la Réforme luthérienne aussi, il serait souhaitable de s'exprimer comme historiens plutôt que comme apologistes ou hagiographes. Au cours de son discours, Mgr Galantino a cité un texte de Luther, dans lequel le Réformateur affirme:

J'ai pris parti contre tous les papistes, je me suis constitué une implacable opposition au Pape et aux indulgences. Mais je n'ai pas fait appel à la force, à la persécution, à la rébellion. Je n'ai fait que répandre, prêcher, inculquer la parole de Dieu: je n'ai rien fait d'autre. Quand je dormais et que je buvais de la bière à Wittenberg, la parole de Dieu a opéré de telle sorte que la papauté est tombée, comme aucun prince ou empereur n'aurait pu la faire tomber. Je n'ai rien fait: la parole de Dieu a déterminé le succès de ma prédication.

Eh bien, personnellement, sur cette vision aussi j'ai aussi des doutes à exprimer. Je ne sais pas si le succès de la Réforme doit être vraiment atrribué à la parole de Dieu, et non pas plutôt aux princes allemands qui y ont adhéré pour des motifs plus politico-économiques que religieux (entraînant derrière eux leurs sujets respectifs, selon le principe qui devait par la suite être formulé dans la paix d'Augusta, cuius regio, eius religio - «À chaque région sa religion»)

Enfin, m'intéressant, en plus de l'histoire, aussi à la philosophie, je ne peux ignorer l'influence que les doctrines luthériennes ont eue sur le développement ultérieur de l'histoire de la pensée. Eh bien, les conséquences intellectuelles de la Réforme ont été dévastatrices non seulement pour la foi catholique, mais aussi pour la philosophie elle-même. Bien que ces doctrines aient leurs racines dans la scolastique décadente de la fin du Moyen Âge, il ne fait aucun doute que nous pouvons y trouver les origines du subjectivisme et du relativisme modernes.

Il me semble donc un peu risqué de prétendre que la Réforme a été un "événement de l'Esprit Saint". Plutôt que de s'aventurer dans des relectures téméraires, je préférerais, du côté catholique, une attitude certes de grand respect envers les frères séparés, mais en même temps d'extrême clarté sur les différences qui nous divisent encore. Déclarer, comme quelqu'un (QUI?) l'a fait récemment, qu'il n'y a pratiquement plus de différences entre nous et les luthériens, ne peut signifier que deux choses: soit qu'ils sont redevenus catholiques - ce qui n'est pas le cas -, soit que les catholiques sont devenus protestants entre-temps. Ce qui, au moins pour certains, semble plus vraisemblable.