Benoit-et-moi 2017
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Magistère liquide

La Parole avant l'Eucharistie? Réflexion du P. Scalese après de récentes déclarations à l'emporte-pièce du Pape (22/8/2017)

>>> Sur ce sujet, voir le commentaire (éventuellement en utilisant le traducteur de Google...) de Maurizio Blondet, illustré par cette photo éloquente de François devant le Saint-Sacrement, dans la crypte du Dôme de Milan, en mars 2017:

L'évêque du diocèse de Rouyn-Noranda, Mgr Dorylas Moreau, est enchanté de sa rencontre avec le pape François à Rome.
(...)
Une trentaine d'évêques représentaient leur diocèse en même temps que Mgr Moreau. Le but de ces visites est de soumettre les préoccupations de chacun des diocèses et d'exposer la manière dont les changements s'opèrent dans l'expression de la foi et les blessures que portent les évêques qui accompagnent ces changements. Lors de ces rencontres, Mgr Dorylas Moreau, a notamment partagé ses préoccupations concernant la pénurie de prêtres dans les petites communautés.
«Le pape m'a dit, "écoutez, vous oubliez deux choses: l'avenir de l'Église est plus autour de la parole de Dieu, qu'autour de l'eucharistie", paraphrase l'évêque. Alors la parole de Dieu, ça ne prend pas nécessairement des prêtres pour l'exprimer et la mettre en oeuvre dans nos milieux. Et il a insisté beaucoup sur les oeuvres de miséricorde. Ça c'est nouveau [!!], c'est faire du bien, prendre soin des pauvres, être ouvert sur le plan de la justice, etc. C'est ça qui va donner le témoignage de l'Église».
ici.radio-canada.ca

Observateur ou pasteur?

Père Giovanni Scalese CRSP
querculanus.blogspot.fr
21 août 2017
Ma traduction

* * *

Dans mon billet suivant l'élection du cardinal Jorge Mario Bergoglio au Suprême Pontificat (17 mars 2013) [benoit-et-moi.fr/2013-I] j'avais rapporté quelques phrases - amplifiées par les médias - qui aurait été prononcées par lui peu de temps après l'élection. La première aurait été la réponse, le soir même du 13 mars, à Mgr Guido Marini, qui lui tendait la mozette: «Celle-là, vous pouvez vous la mettre vous-même! Le temps du carnaval est fini». La deuxième aurait été prononcée le lendemain, lors de la visite à la basilique Sainte-Marie-Majeure; ayant vu l'archiprêtre, le cardinal Bernard Law, le pape François aurait dit: «Eloignez-le de la basilique». Sur le moment, je fus porté à ne pas donner crédit à certains «courants d'air» et, en tout cas, à ne pas leur donner trop d'importance.

Quelques mois plus tard, une autre fuite nous fit connaître la vraie raison pour laquelle le Pape Bergoglio avait déserté le concert organisé par le Conseil Pontifical pour la Nouvelle Evangélisation à l'occasion de l'Année de la Foi (22 Juin 2013): «Je ne suis pas un prince de la Renaissance» , aurait-il dit à ses collaborateurs les plus proches. Même si dans ce cas, la chose me semblait plus crédible, elle restait encore, au moins pour ceux qui n'étaient pas directement impliqués, rien de plus qu'un épisode divertissant, à archiver au plus vite.

Puis, au fil des ans, les épisodes de ce genre se sont multipliés et ils ont commencé à éveiller mes soupçons. Il n'était jamais arrivé, dans les pontificats précédents, qu'on apprenne ce que le Pontife pro-tempore avait dit en telle ou telle circonstance. Non pas que les secrets ne filtraient pas (il suffit de penser à l'embarrassant scandale Vatileaks), mais au moins ce que disait le pape derrière les murs de sa maison ne nous était pas connu. Ainsi, peu à peu, le soupçon s'est insinué en moi qu'il ne s'agissait pas de fuites occasionnelles, mais d'une stratégie médiatique planifiée pour que les gens sachent ce que pensait vraiment le pape, le déchargeant dans le même temps de toute responsabilité, dès lors que ce n'était, après tout, que des voix qui pourraient facilement être démenties en cas de nécessité. La chose, pour être franc, m'a quelque peu gêné, car il me semble que c'est la meilleure façon de détruire la papauté.

Honnêtement, on se soucie peu de ce que pense du Pape en tant que personne. Il peut tranquillement faire avec ses proches tous les commentaires et toutes les blagues qu'il veut [*]. Et il doit être libre de les faire, sans courir le risque de les retrouver le lendemain étalés sur la première page des journaux du monde entier. Comme chacun de nous, d'ailleurs. Et aucun de nous ne se scandalise à l'idée que le pape puisse avoir ses propres idées. Je le répète, il n'y a rien qui puisse moins nous intéresser. Nous ne mourons pas de curiosité de connaître la dernière boutade du Pape. La seule chose que nous attendons du Pontife Romain, c'est de nous confirmer dans la foi, parce que telle est la tâche que le Christ lui a confié; rien d'autre. Et pour accomplir cette tâche, il suffit de quelques interventions - sinon toujours solennelles, au moins revêtues d'un certain caractère officiel - faites avec les mots justes au juste moment. Le reste n'est que bavardage; mais des bavardages qui à la longue peuvent dépouiller la papauté de toute autorité.

Ces jours-ci (2 août 2017), la nouvelle est sortie que le pape François aurait dit à l'évêque de Rouyn-Noranda (Québec), Mgr Dorylas Moreau, préoccupé par la pénurie de vocations: «L'avenir de l'Eglise est plus autour de la Parole de Dieu que de l'Eucharistie». Cette fois, la situation est différente de celle rapportée dans les exemples précédemment. Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une fuite anonyme; ici, nous savons le nom complet de celui qui a rapporté les paroles du Pape; et par conséquent, nous n'avons aucune raison de douter de leur authenticité de fond. De plus - et c'est la chose la plus importante - il s'agit d'une affirmation qui touche une question doctrinale d'une importance non négligeable. On pourrait facilement excuser le Pontife en disant qu'à cette occasion, plus qu'en Pape, il a parlé en «observateur», il faiasait une simple observation sans évaluation: non qu'il soit partisan de la dépréciation de l'Eucharistie en faveur de la parole Dieu; il s'agirait seulement de prendre acte d'un fait, aussi désagréable soit-il, mais malgré tout une réalité. Peu à peu, compte tenu de la pénurie de prêtres, il est inévitable que les communautés chrétiennes se retrouvent à méditer sur la parole de Dieu, sans la présence d'un prêtre et donc sans la célébration de la messe (ce qui est déjà le cas, malheureusement, dans de nombreuses régions du monde). Cela peut être vrai, mais le fait demeure qu'une telle révélation ne sert à rien, et ne profite à personne. Mis à part le fait que, même comme simple observation, elle est plutôt discutable, le problème, c'est que l'analyse de la situation, il vaut mieux la laisser aux analystes; du Souverain Pontife nous attendons davantage. En l'occurence, nous attendons qu'il nous indique les routes pour valoriser, comme il convient, ET la parole de Dieu ET l'Eucharistie, et, en relation avec cela, qu'il nous dise comment faire pour surmonter la crise actuelle des vocations. Si le pasteur n'indique pas au troupeau un objectif à atteindre, quel pasteur est-il?

NDT

[*] Personnellement, l'idée même de CERTAINS commentaires dans la bouche d'un Pape, même en privé, me révulse, et je ne peux pas les imaginer un seul instant dans celle de Benoît XVI, qui fait partie de ces rares personnes qui non seulement écrivent comme elles parlent, mais se comportent de la même façon en public et en privé - bref, qui ne font pas SEMBLANT.
C'est une simple digression de ma part, qui ne retranche (presque) rien aux propos du P. Scalese. Mais si je pouvais ne serait-ce qu'imaginer les propos du fils de dentiste François Hollande qualifiant en privé les pauvres de "sans-dents" (tout en proclamant urbi et orbi son souci de défendre "nos compatriotes les plus modestes") dans la bouche d'un Pape, oui, je serais scandalisée!