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Qui sauvera l'Eglise?

Le clergé a dévasté l'Eglise, les laïcs la sauveront. Formidable réflexion d'un universitaire italien, Francesco Lamendola trouvée par hasard sur internet (7/5/2017)

Une Eglise affligée de prêtres moralement indignes peut survivre, malgré les terribles blessures qu'ils lui infligent; mais une Église détournée du droit chemin sur le plan de la doctrine court vers l'auto-destruction.

Qui sauvera l'Eglise?

www.ilcorrieredelleregioni.it/
Francesco Lamendola
Ma traduction

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Le clergé a dévasté l'Eglise, les laïcs la sauveront. Le mal du modernisme a pénétré trop profondément dans l'Eglise, il a tout empoisonné, les séminaires, les livres de théologie, la pastorale, la liturgie, même l'art sacré.

Il est très, très improbable que l'Eglise puisse être sauvée par le clergé, par ce clergé profondément infiltré par l'hérésie moderniste - avec tout ce qui en résulte, à commencer par l'envie malsaine de vouloir plaire au monde et d'être d'accord avec le monde, même dans ses manifestations les plus aberrantes - qui l'a conduite à un pas du désastre, et qui l'a fait sciemment, volontairement, obstinément et fièrement.
Non: le mal du modernisme a pénétré trop en profondeur, il a tout empoisonné, séminaires, livres de théologie, pastorale, liturgie, et même l'art sacré: une architecture qui tient plus de l'usine ou du palais des congrès que de l'église; une peinture et une sculpture qui reflètent les angoisses de l'immanence radicale, pas le désir de Dieu; une «musique sacrée» qui n'a rien de sacré, mais qui est de plus en plus vulgaire, frivole, banale et mondaine, et qui au lieu d'élever l'âme vers le ciel, l'entraîne dans le rythme quotidien des choses d'ici-bas, et a pour pivot non pas Dieu, mais l'ego de l'homme. On le voit, entre autre, à la façon dont chantent les enfants, et souvent même les adultes, dans les chorales d'église pendant la sainte messe: lançant leur voix avec entrain, superficiellement, avec le désir narcissique d'attirer l'attention sur eux-mêmes, ne suggérant pas à l'auditeur, et encore moins à eux-mêmes, le sens de la transcendance, de la spiritualité, de la pureté mystique qui prédispose à la rencontre avec Dieu.
Et tout cela a été fait avec la connivence, ou - plus souvent - avec la participation active et enthousiaste, et même avec une incitation frénétique, du clergé. Un clergé totalement dans l'erreur sur le sens ultime de sa mission, totalement sécularisé, totalement immergé dans les dynamiques sociales, dans le pire sens du mot: l'émotivité, la polémique, la rancoeur, le goût de la contradiction et du conflit, souvent dirigé contre leur l'Église, leur propre mère, contre la hiérarchie et contre le Magistère, et même contre le Pontife suprême: bien entendu, quand il s'agissait de Benoît XVI, évidemment pas maintenant, où, enfin, le pape est l'un d'eux.

A l'évidence, la maladie du modernisme a pénétré bien plus profondément que ce qu'on pourrait imaginer d'après les apparences.
Jusqu'au pontificat de Pie XII, on pouvait presque croire que la maladie était partie; mais peu de temps après, à partir du Concile Vatican II, elle a refait surface avec une véhémence redoublée et triplée, montrant clairement combien avait été lucide et précis le diagnostic de Saint Pie X, combien nécessaire et opportune son oeuvre de "répression", qu'aujourd'hui encore tous les historiens catholiques politiquement corrects continuent de lui reprocher, la comparant à la terreur jacobine et soutenant de façon absurde et invérifiable qu'elle a fait plus de mal à l'Eglise que celui que lui fait ou aurait pu lui faire, le modernisme lui-même. Bien au contraire! Saint Pie X avait vu juste: cet humble prêtre de campagne, monté sur le trône de saint Pierre en sortant du rang, depuis l'échelon le plus bas, avec son sain bon sens paysan avait raison, c'était un géant; alors que tout les don Milani, les padre Turoldo, sans parler des Enzo Bianchi (qui n'est même pas prêtre), par comparaison, apparaissent de plus en plus, non pas comme des précurseurs d'on ne sait quels "magnifiche sorti e progressive" [ndt: "l'admirable destin, les progrès de l'Histoire", allusion à un poème de Leopardi "La ginestra/Le genêt"], comme veut nous les dépeindre la vulgate progressiste, mais comme des nains, des retardataires, de banals recycleurs de vieux préjugés et de schémas mentaux qui ont peu ou rien de chrétien et de catholique, et qui, tout au plus, sont entièrement tributaires du monde, au sens profane du mot, de ses illusions, ses bourdes, ses erreurs (la première et la plus frappante de toutes: l'échec tragique et spectaculaire de l'utopie marxiste).
Aujourd'hui, donc, on peut voir et toucher du doigt à quel point Saint Pie X avait vu juste et combien l'Église post-conciliaire a été éblouie par des faux prophètes et des mauvais maîtres, et s'est laissé égarer, du reste avec son entier consentement, par des illusions et des utopies que l'histoire s'est chargée de démentir complètement, même si ces messieurs n'auront jamais l'honnêteté de l'admettre, et ce pour la bonne raison que la neo-église gnostico-maçonnique dans laquelle ils militent aujourd'hui a comblé les vides de tous ceux qui sont partis, en mettant à leur place des orphelins de l'autre église mondaine, celle communiste. Ainsi, ils pensent et se bercent de l'illusion qu'ils ont terminé la partie sur un match nul, alors que la vérité est qu'ils grattent le fond du baril et que lorsque la dernière génération d'illusionnés et de trompés se sera éloignée, il n'y aura plus personne, et l'Eglise catholique finira comme de nombreuses sectes protestantes: elle restera vide et déserte, dans la parfaite indifférence de ce «monde» qu'elle s'est obstinée à courtiser, et dont elle voulait être applaudie et approuvée. En effet: où sont les jeunes catholiques aujourd'hui? Ils disparaissent simplement, juste après la confirmation.
Non: le clergé a produit le désastre, et ce ne sera pas le clergé qui y portera remède.

Que ce soit clair: des prêtres comme il se doit, des évêques comme il se doit, d'authentiques pasteurs d'âmes, il y en a encore, Dieu merci; il y a encore des frères et des sœurs comme il se doit, animés d'une vraie foi, et guidés par les sains principes du Magistère, mais ils sont si peu que, pour les vêtir, «il suffit de peu tissu», comme l'a dit Dante [Le Paradis, Chant XI]. Ils sont peu nombreux et, en plus, désorientés: ils ne sont pas habitués à l'idée que le berger du troupeau n'est plus tel, qu'il ne conduit pas l'Eglise dans la bonne direction, qu'il ne se soucie pas de sauver ses brebis, au contraire, c'est lui qui les pousse de ci de là, et il semble tirer une satisfaction maligne, diabolique à faire tout pour les confondre, les scandaliser, les démoraliser. Disons la vérité: ils ne sont pas habitués à penser seuls, à exercer leurs facultés critiques, à sortir de la grisaille du conformisme et à assumer des responsabilités autonomes, en cas de nécessité absolue et urgente. C'est pourquoi ils ont conservé l'habitude de croire et d'obéir à la hiérarchie, mais, comme par hasard, après des décennies de tir à la cible contre elle. Si bien qu'aujourd'hui, ils croient aveuglément et passivement non pas au vrai et saint Magistère, mais à un magistère truqué, postiche, parfois même blasphématoire; un magistère né de l'esprit du monde et qui n'est pas inspiré, conseillé, conforté et soutenu par l'Esprit de Dieu.

Non, ce n'est pas de ce clergé, dans son ensemble, et pas même d'une partie significative de lui, que viendra le salut. L'histoire des quatre cardinaaux l'a abondamment démontré. Comment! Quatre cardinaux éminents, au nom de milliers de prêtres et de millions de fidèles, demandent des éclaircissements sur un document papal important, qui semble introduire une désastreuse difformité dans le magistère de l'Eglise, et personne ne daigne leur répondre, au bout de sept mois!

À ce stade, si dans le clergé catholique, il y avait encore suffisamment d'énergie saine, il y aurait eu une vague de fond, un signal de réveil: d'autres cardinaux et d'autres évêques, des prêtres et des religieux, se seraient réveillés, ils auraient fait entendre leur voix, ils auraient réclamé une réponse. Il ne s'agit pas d'une affaire privée, d'un différend entre spécialistes de théologie! Il s'agit d'une question absolument vitale pour toute l' Eglise, parce que d'elle dépend de l'interprétation correcte de trois sacrements - la Confession, le Mariage et l'Eucharistie - et, encore plus, parce qu'elle détermine le principe de l'objectivité de la loi morale. Si c'est l'interprétation la plus permissive d'Amoris laetitia qui passe, ce sera la fin de la loi morale: chacun sera libre de faire sa loi morale personnelle et privée, et sera en droit d'exiger que personne d'autre ne vienne y mettre son nez.

Le Concile de Trente, en décidant l'institution de séminaires, avait essayé de mettre un terme à la confusion et à l'ignorance endémiques dans la formation du clergé, tant sur le plan intellectuel que spirituel; aujourd'hui, il faut avoir le courage de faire un triste bilan, et reconnaître que les séminaires, comme lieux de formation du clergé, ont échoué dans leur tâche, parce qu'ils ont été infectés par l'hérésie moderniste et une foule d'autres vices, à la fois intellectuels et spirituels, à cause desquels les prêtres des dernières générations n'ont - génériquement parlant - pas été à la hauteur de leurs prédécesseurs, n'ont pas été capables de remplir même la fonction minimum et indispensable de leur vocation à la vie consacrée: la sauvegarde et la transmission fidèles de la vraie doctrine et l'exemple vivant, aux fidèles, d'une spiritualité bien orientée.
Nous voudrions dire plus: ils n'ont même pas su, dans de nombreux cas - on le voit à la façon dont ils parlent, dont ils prêchent, dont ils agissent, dans ce qu'ils ne disent pas et dans ce qu'ils ne font pas - garder allumée en eux-mêmes la flamme de la foi, probablement parce qu'ils ont cessé de prier et de se tourner vers Dieu, totalement pris par une centaine d'autres choses, qui, bien que louables en elles-mêmes - peut-être pas toutes, mais beaucoup - les ont distraits et éloignés de la seule chose qui est vraiment essentielle pour tout chrétien et à plus forte raison pour un prêtre: la prière, la relation continuelle avec Dieu, l'écoute de Sa voix, le réconfort de Sa présence, le fait de s'en remettre à Lui, et de cesser de vouloir tout faire tout seul.
Le prêtre a oublié qu'il n'était pas un surhomme, mais simplement et de façon beaucoup plus incisive et exigeante, un homme de Dieu. L'homme de Dieu ne compte pas sur ses propres forces; aussi grandes qu'elles puissent être, elles sont toujours limitées et douloureusement insuffisantes pour la tâche la plus importante de toutes: la justification devant Dieu. Les oeuvres sont utiles, parfois nécessaires - sinon Luther aurait raison - mais pas sans la foi, pas sans la grâce, et jamais dans l'inattention à la voix de Dieu. Une grande partie du clergé contemporain a permis que les voix du monde dépassent en intensité et en quantité, la seule voix qui compte vraiment, la seule dont on ne peut se passer: celle de Dieu. En conséquence, le clergé égaré tâtonne dans l'obscurité, glisse dans l'erreur, se perd et devient cause de perdition des âmes: une responsabilité gravissime, dont pourtant il sera appelé à rendre compte.
Il aurait été préférable que certains prêtres, certains évêques et cardinaux, et le pape François le premier, reconcent à la vie religieuse, s'ils ne se sentaient plus capables d'alimenter en eux-mêmes la flamme de la foi: cela aurait été mille fois mieux que cette trahison de la foi subtile, quotidienne, et vraiment diabolique, qui donne continuellement le scandale aux âmes et les conduit à la perte.

De ce point de vue, c'est-à-dire du point de vue du scandale donné aux petits et aux simples, la faute des prêtres modernistes est encore plus grave que la faute des prêtres moralement désordonnés, comme le curé de Padoue, dont nous parlions l'autre jour, qui à l'insu total de son évêque, a trompé des dizaines d'âmes de sa paroisse, pratiquant une sexualité de plus en plus désordonnée et profitant, chose particulièrement indigne, de son habit de prêtre consacré pour faire tomber dans le filet de ses désirs des femmes inquiètes et insatisfaites, à la recherche d'une parole de réconfort chrétien. Oui: la faute du clergé moderniste est encore plus grave, parce que son mauvais exemple sur le plan liturgique, pastoral et doctrinal, vient frapper directement les âmes, les plongeant dans la confusion et les poussant vers l'erreur, alors que la faute des prêtres moralement indignes, bien qu'horrible, investit une dimension plus terrestre de l'existence et ne va pas, d'elle-même, porter atteinte à la destinée de l'âme immortelle, même si elle peut laisser des cicatrices douloureuses dans le corps et dans l'âme des victimes.
Une Eglise affligée de prêtres moralement indignes peut survivre, malgré les terribles blessures qu'ils lui infligent; mais une Église détournée du droit chemin sur le plan de la doctrine court vers l'auto-destruction. C'est pourquoi la faute des prêtres modernistes est la pire dont puisse se maculer un homme de Dieu: au lieu d'allumer une lumière de salut pour les âmes, il les trompe et les conduit à la mort. Son oeuvre malfaisante ressemble à celle des naufrageurs: ces gens qui, au temps de la navigation à voile, allumaient des feux sur la plage, la nuit, pour piéger les voiliers en difficulté, poussés par une forte marée, et en provoquer le naufrage sur les rochers, dans le but de pouvoir ensuite les piller. Le naufrageurs causaient délibérément la ruine des marins peu méfiants; les prêtres modernistes causent, en pleine connaissance de cause, la ruine des âmes immortelles que Dieu leur avait confiées à travers le sacrement de l' Ordre.

Et de qui, alors, pourrait venir le salut de l'Épouse du Christ, trahie par ses ministres, sinon des simples fidèles, des laïcs, contraints, littéralement contraints par la gravité et l'imminence du danger, à prendre la barre du bateau de saint Pierre, avant qu'il n'aille se fracasser contre les rochers du modernisme, du relativisme, du subjectivisme, d'un oecuménisme mal compris et d'un dialogue interreligieux qui est l'antichambre du suicide moral pour les disciples de l'Evangile de Jésus-Christ? Bien sûr, ils ne sont pas qualifiés: je le reconnais volontiers. Disons plus: depuis Vatican II, on a eu trop de rhétorique pseudo-démocratique, voire démagogique, sur le rôle des laïcs dans la vie de l'Eglise, comme s'il n'existait pas une différence substantielle entre la vie consacrée à Dieu et à la vie profane. L'autorisation de prendre l'hostie consacrée dans les mains et de la porter à sa bouche, de la part des laïcs, est le dernier signe de cette basse démagogie et de cette négation irresponsable du rôle du prêtre comme intermédiaire essentiel, comme alter Christus, entre les fidèles et Dieu. L'étape suivante, et nous y arrivons, ce sera l'auto-confession et l'auto-absolution, après quoi il n'y aura plus besoin de prêtres et de confessionaux, tous les laïcs pourront décider eux-mêmes si et quand approcher la sainte Eucharistie.

"Faire la clarté, un an après Amoris laetitia";
Une initiative exemplaire de laïcs, en Italie: www.lanuovabq.it

Mais, démagogie à part, le moment que nous vivons est si grave qu'une intervention rapide et décisive des laïcs est non seulement utile , mais indispensable. Quand un homme est en train de mourir, on ne demande pas à celui qui le secourt s'il a un diplôme de médecin. Sans oublier que l'Esprit souffle où il veut, et à cette heure, peut-être souffle-t-il davantage sur les laïcs que sur les prêtres ...