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90e anniversaire: le Pape de la joie

C'est le beau message que l'on retient de cette énième interview de Mgr Gänswein - cette fois par Franca Giansoldati (*), de Il Messaggero (14/4/2014)

(*) Franca Giansoldati (plutôt bergoglienne que ratzingerienne) est entre autre l'auteur d'une interview à François, en juin 2014 (benoit-et-moi.fr/2014-I). Cette préférence explique peut-être en partie le besoin de rappeler la bonne entente entre les deux Papes, et de démentir les "insinuations" rapportées par Giuseppe Nardi (Inédit: les 'vrais' rapports entre les deux papes)
Elle avait par ailleurs déjà interviewé Georg Ganswein en octobre 2013 (
benoit-et-moi.fr/2013-III)

Le Père Georg Gänswein: « Benoît, un grand pape qui n'a pas été entendu »

Franca Giansoldati
www.ilmessaggero.it
Ma traduction

* * *

Du sommet de ce monticule, il observe la ville de loin. Il imagine la musique de Respighi, les pins et les fontaines de Rome. Il repense aux années du Concile, à sa formation, à sa sœur Maria qui n'est plus. Il quitte désormais rarement le couvent, Joseph Ratzinger. Ses jambes ne fonctionnent plus comme du temps où il marchait d'un pas vif, un béret noir sur la tête, quatre fois par jour, pour aller et venir de la place de la Cité Léonine au Saint-Office. Le temps de la retraite, il l'emploie à écouter. Il écoute les gens. Il a une correspondance très abondante, avec des correspondants du monde entier. Il a toujours préféré l'utilisation de la parole écrite, le Pape émérite. Le Logos, la Parole. Il a été capturé dès l'enfance par le mystère de l'Écriture dans laquelle était enfermé le mystère de la vie. Celui qui prend soin de lui comme un fils, don Georg Gänswein, décrit un grand-père sage (ndt: en réalité, ce sont les mots du Pape!!), avec des cheveux blancs et un cœur gentil.

- Le Pape émérite parle-t-il de la mort?
« Oui, cela lui arrive de temps en temps, mais ce n'est pas une obsession. Ce n'est pas une pensée récurrente. Benoît XVI, quand il a décidé de renoncer, en homme libre, a choisi de gravir la montagne, métaphoriquement, une préparationpour le passage à venir. Autrefois il y avait l'ars moriendi, le chemin qui séparait le moment de l'abandon de cette vie et le début d'une nouvelle. La mort, il la considère comme une chose normale, qui fait partie de la vie humaine. Je peux dire qu'il est une personne sereine. Il a l'âme en paix et son cœur est heureux».

- Il y a quelque temps vous avez dit que le temps passe pour tout le monde; vous faisiez référence au fait qu'il ne voit plus d'un oeil ...
« Oui, il ne peut pas voir d'un oeil, mais c'est une vieille chose. Il y a une vingtaine d'années, il a eu une hémorragie et une embolie. Les conséquences se sont reflétées sur la vue. Depuis lors, son activité s'en est ressentie. Il ne voit pas d'un œil, mais dimanche, il fête ses 90 ans plein d'énergie. Bien sûr, c'est un homme qui est devenu vieux, il a du mal à marcher et utilise un déambulateur. Il ne peut pas travailler à des textes scientifique comme avant, mais il écrit encore, et beaucoup. Il a une énorme correspondance, du monde entier. Il lui arrive des livres, des écrits, des lettres. Et il répond. Naturellement, la correspondance nécessite du temps et des forces. Il médite chaque réponse, il n'y a jamais rien qui est fait au hasard».

- Il reçoit également des visites?
« La liste de ceux qui voudraient le voir est sans fin. Il y a beaucoup de gens qui demandent des prières, veulent exprimer leur douleur pour un deuil, racontent des expériences de foi, se livrent à des confidences et il se laisse impliquer. Pour tous, la prière est l'intermédiaire. Il la considère comme une force énorme, une source d'énergie, un vecteur de positivité. De cette façon, il sait qu'il est proche de chacun d'eux».

- C'est ce qu'il avait promis quand il s'est retiré dans le monastère?
« Exactement. Il est convaincu que la prière est l'apostolat numéro un. Par la prière, il sent qu'il peut être proche des fidèles».

- Et le pape François, comment le soutient-il?
« Il le supporte, il est proche de lui, il prie pour lui. Il s'est créé une très belle relation. Lorsque François vient au monastère, on voit combien ils sont proches, idéalement. François, mercredi, est venu pour les souhaits de Pâques et pour l'anniversaire. Il ne manque jamais de l'inviter à des célébrations importantes, des consistoires [ndt: et Benoît XVI a décliné la dernière invitation...]. Et c'est une relation qui va au-delà de la circonstance en elle-même, de la bonne éducation».

- Beaucoup affirment qu'ils ne sont pas aussi proches qu'on veut nous le faire croire. Est-ce vrai?
« Entre eux, il y a de l'affection. Ils l'aiment bien (si vogliono bene). Il s'aiment vraiment bien, écrivez-le parce que c'est vrai. Il y a une cordialité sincère, un transport émotif et quand deux personnes sont proches, ces choses se voient, se comprennent, même si naturellement, elles ont des différences de caractère».

- Pourquoi son frère Georg, qui vit à Ratisbonne et a 93 ans, n'a-t-il pas déménagé définitivement dans la maison pape émérite?
« Maintenant, il viendra à Pâques et à Pâque, il n'est jamais venu auparavant. Au monastère, il a sa chambre, mais il n'a jamais voulu s'installer. Je pense que c'est dicté par un fait lié à des habitudes qui se consolident avec l'âge. Don Georg reçoit constamment des visites de ses anciens élèves du choeur Domspatzen. Bref, il y a des habitudes qui peuvent faire partie d'un tissu personnel. Toutefois, ils se téléphonent tous les jours».

- A Pâques , vous lui ferez une belle petite fête pour ses 90 ans?
« Dimanche, puisque c'est de Pâques, nous resterons en famille, entre nous, pour fêter. Une petite chose. L'anniversaire, nous le célébrerons le lendemain. Nous avons pensé à quelque chose de bavarois. Un petit groupe de vieux amis, les schützen (chasseurs alpins), des plats traditionnels, des chants bavarois. Mais nous ne serons pas plus d'une trentaine».

- Joseph Ratzinger vous semble-t-il une personne heureuse?
(Don Georg réfléchit un peu) « Le mot que je crois pouvoir décrire son cœur est joie. Le bonheur en soi, pour lui, ne représente pas une catégorie de la foi, ou même n'appartient pas à cette dimension. La joie, au contraire, est le fruit visible de la foi. Le bonheur va et vient, la joie reste. Et je pense qu'il a la joie à l' intérieur. Je peux le voir dans ses yeux».

- En observant l'Europe d'aujourd'hui, ne ressent-il pas un peu un échec pour la façon dont elle tourne, lui qui pendant des années a combattu pour que le continent reconnaisse la valeur de ses racines et se donne des frontières idéales capables de cimenter les peuples et les États et de prévenir l'avancée de forces centripètes»?
« Il a essayé par tous les moyens, comme cardinal et comme pape, d'attirer l'attention sur les racines européennes. Il a insisté pour faire comprendre que l'Europe, avant d'être politique devait reconnaître qu'elle a une âme et un cœur. Il a parlé d'Athènes, Rome et Jérusalem, comme d'un triangle fondateur. Mais il n'a aucun sentiment d'échec, éventuellemnt il se sent une personne à laquelle il n'a pas été accordé suffisamment d'attention. Et à bien des égards, de années plus tard, il avait raison».

- Peut-être, sous certains aspects, a-t-il été une figure incomprise, et même trop avancée, et l'a-t-il payé de sa solitude ...
« Ce pourrait être une bonne lecture».