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Le don de Benoît XVI

Les initiatives pour promouvoir la pensée de Joseph Ratzinger (dont j'essaie autant que possible de me faire l'écho dans ces pages) se multiplient à travers le monde, discréditant ceux qui voyaient dans sa démission l'acte le plus remarquable de son pontificat (13/5/2017)

La montée de Ratzinger

William Doino Jr. (*)
www.firstthings.com
8 mai 2017
Ma traduction

* * *

Quand Joseph Ratzinger a renoncé à la papauté, certains de ses adversaires ont prédit méchamment que son abdication serait la seule chose dont on se souviendrait de sa vie et de son pontificat. Il s'avère que ce sont les critiques de Benoît qui sont aujourd'hui éclipsés, alors que la réputation de Joseph Ratzinger continue de grandir.

En 2012, un an avant son retrait, l'Université Notre-Dame avait déjà publié un livre commémoratif d'essais sur la théologie et l'oeuvre impressionnante de Ratzinger. Deux ans auparavant, à la suite du succès de sa visite au Royaume-Uni, de nouveaux mouvements de jeunes catholiques ont commencé à jaillir, suivie d'une augmentation inattendue des vocations religieuses chez les hommes et les femmes. Après sa retraite, une initiative en ligne intitulée «Generation Benedict» a vu le jour, invitant les jeunes à décrire comment Joseph Ratzinger avait changé leur vie. Et cette année, la maison d'édition du Vatican, en coopération avec la Fondation Benoît XVI, a publié un nouvel hommage, intitulé Cooperatores Veritatis, écrit par les lauréats du Prix Ratzinger, une récompense attribuée à des universitaires et des théologiens de premier plan.

Les réalisations de Ratzinger sont importantes non seulement pour les suites qu'elles ont produites, mais aussi pour les connaissances et les enseignements pénétrants qu'elles contiennent.

Nulle part, l'influence de Ratzinger n'a été plus grande que dans la théologie, et plus particulièrement l'exposition et la défense des croyances fondamentales du christianisme. Dans sa désormais classique Introduction au Christianisme, publiée en 1968 au sommet de la révolution culturelle, Ratzinger a non seulement défendu le christianisme biblique à travers une profonde élucidation du Credo des apôtres, mais il a présenté le seul remède au chaos qui bouleversait alors la société.

Avant et après être devenu Pape, Ratzinger a également défendu la vérité essentielle de la Sainte Écriture, à la fois contre une lecture littérale et l'effort moderne pour la «démythologiser». Les contributions théologiques de Ratzinger ont culminé avec sa trilogie sur Jésus de Nazareth, ainsi que ses écrits relatifs à l'eschatologie, Marie, les apôtres, les saints, les Docteurs de l'Église et, non des moindres, le culte (la liturgie) chrétien(ne). Aucun leader catholique moderne n'a fait plus pour relancer ce dernier que Ratzinger ne l'a fait avec son livre L'Esprit de la Liturgie et son motu proprio Summorum Pontificum. Ce document d'accueil a accordé une liberté inédite aux prêtres modernes pour célébrer la messe tridentine - aujourd'hui connue sous le nom de Forme extraordinaire de la messe - à la suite de sa suppression en faveur de la nouvelle messe de Paul VI.

Les écrits de Ratzinger sur le Concile Vatican II, auquel il a assisté en tant qu'expert théologique, ont culminé avec sa critique désormais célèbre de «l'herméneutique de la discontinuité et de la rupture», qui décrivait Vatican II comme une rupture radicale et irréconciliable avec l'enseignement catholique classique - alors qu'en réalité, Vatican II est dans sa continuité, dans le cadre d'une réforme et d'un développement légitimes, enracinés dans le Dépô Sacrét de la Foi. La lecture correcte de Vatican II par Ratzinger répond à la fois aux modernistes et aux archi-traditionalistes qui, ayant pris à tort Vatican II pour une révolution, essayent de l'utiliser soit comme une charte pour la dissidence soit comme une cible de la rébellion réactionnaire. Ratzinger, par contraste, représente le centre vital de l'orthodoxie catholique, qui cherche à amener l'Évangile au monde contemporain, sans perdre son sel ou tomber en proie au sécularisme et au relativisme.

Cela dit, Ratzinger n'a pas craint de critiquer le Concile pour avoir omis ou minimisé des aspects vitaux de la tradition catholique ou pour sa réticence à faire face à des idéologies et des pathologies dangereuses. Ce faisant, il a démontré que les catholiques fidèles peuvent soutenir le Concile sans le romancer.

La valeur persistante de Joseph Ratzinger peut être vue - pour citer trois exemples - dans les intenses débats autour de la «décentralisation» dans l'Église, d'Amoris Laetitia, et de l'approche juste à l'islam radical.

1. En 2001, le cardinal Ratzinger (alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi) et le cardinal Walter Kasper avaient débattu publiquement de la décentralisation dans l'Église (cf. www.crisismagazine.com). Kasper plaidait en faveur de l'importance de l'Église locale et de ses pratiques, au-dessus et contre les normes universelles promulguées par Rome, que Ratzinger défendait avec force. Beaucoup d'évêques en Allemagne ont malheureusement suivi les conseils de Kasper, et les conséquences désastreuses peuvent en être observées dans les bancs vides du pays, la sécularisation massive et le défi ouvert à l'enseignement catholique.
Le cardinal Robert Sarah, le préfet de la Congrégation pour le culte divin, a parlé récemment du dommage que la localisation et la décentralisation ont causé au sein de l'Église - citant Ratzinger :

Comme nous le dit le pape Benoît XVI: «Il est clair qu'une Église ne se développe pas en s'individualisant, en se séparant au niveau national ... en se donnant une portée entièrement culturelle ou nationale; au contraire, l'Église doit avoir l'unité de la foi, l'unité de la doctrine, l'unité de l'enseignement moral. Elle a besoin de la primauté de Pierre et de sa mission de confirmer la foi de ses frères.

A défaut, avertissait le cardinal Sarah, l'Eglise risque la fragmentation, et même le schisme.

2. Sur Amoris Laetitia , trois professeurs à l'Institut Jean-Paul II [pour le mariage et la famille] de Rome viennent de publier un manuel pour l'interpréter fidèlement, et leur guide pour le faire est l'herméneutique de continuité de Ratzinger. Comme Stephan Kampowski, l'un des auteurs du livre, l'a expliqué :

Les catholiques croient que le Saint-Esprit guide l'Église tout au long des siècles dans la compréhension de la révélation que Dieu nous a donnée une fois pour toutes en Jésus-Christ. Bien qu'il y ait une compréhension croissante, aucune nouvelle révélation n'est attendue. ... Maintenant, le Saint-Esprit ne se contredit pas. Par conséquent, une herméneutique de continuité est la seule légitime pour l'interprétation de textes magistraux. Une manière de lire les passages difficiles du chapitre 8 [d'Amoris Laetitia] qui contredirait clairement le magistère en particulier en ce qui concerne la pratique concrète, Familiaris Consortio de Jean-Paul II et Sacramentum Caritatis de Benoît XVI ... est non seulement peu plausible, mais, théologiquement parlant, illégitime.

En conséquence, le livre réaffirme l'enseignement de l'Église interdisant la Sainte Communion pour ceux qui se trouvent en état grave de péché, et ne tente pas de contourner cet enseignement en spéculant sur la culpabilité individuelle d'une personne (chose que seul Dieu connaît), ou en invoquant des idées erronées de conscience, miséricorde, discernement et accompagnement. Le repentir plein et sincère de ses propres péchés mortels, suivie d'une ferme intention de ne plus en commettre, disent les auteurs, doit précéder la Sainte Communion.

3. Le discours de Benoît XVI à Ratisbonne en 2006, sans doute son discours le plus controversé, était une réflexion éloquente sur la foi et la raison, mais il fut violemment critiqué pour avoir soulevé des questions pointues au sujet de l'islam. Pourtant, plus d'une décennie plus tard, avec la prolifération des attaques terroristes de l'islamisme radical, ce discours est considéré par beaucoup, y compris des musulmans réformistes, comme prophétique. Bien que le pape François ait été beaucoup plus réticent à mettre en cause un quelconque aspect de l'islam, récemment, à l'occasion de son voyage en Egypte, il fait écho à certains des thèmes abordés par Benoît. Comme l'a commenté John Allen:

En effet, ce que François a livré le premier jour ... était presque sa version du discours célèbre et controversé du pape Benoît XVI [...] [qui] provoqua une tempête de protestations en citant une ligne reliant le Prophète Mahomet à la violence. François a évité la citation incendiaire, mais a néanmoins livré un appel clair et fort aux dirigeants religieux - ce qui, dans le contexte égyptien, signifie sans équivoque l'islam en premier lieu - à rejeter la violence au nom de Dieu.

Les avertissements de Joseph Ratzinger à l'Église ne doivent pas être considérés comme signifiant que sa vie ou son pontificat ont été dominés par de telles critiques ou par une suspicion insatiable envers le monde. En fait, Joseph Ratzinger a toujours accueilli un dialogue fructueux avec ceux qui sont en dehors de l'Eglise, y compris les non-croyants, et a encouragé les catholiques à embrasser la beauté, en particulier à travers l'art, la musique et la littérature. L'objectif de l'action de Joseph Ratzinger a constamment été d'élever et d'inspirer, et de rapprocher les gens de «l'homme transpercé», Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
La joie qu'apporte la chrétienté a été le thème primordial de sa vie et de son pontificat; et on pourrait détecter un peu de cette joie sur le visage du pape émérite quand il a récemment fêté ses 90 ans avec ses amis et sa famille. C'est une joie que l'Église partagera longtemps, tandis que les catholiques continuent à remercier le ciel pour le don de Joseph Ratzinger.

(*) William Doino Jr. collabore à la revue Inside the Vatican.