Benoit-et-moi 2017
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Le martyre selon Benoît XVI

A l'issue du Ratzinger Schülerkreis, Andrea Gagliarducci s'est entretenu avec l'un des intervenants, lui-même ancien élève du Professeur Ratzinger, Mgr Helmut Moll (6/9/2017)

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La rencontre annuelle du Schülerkreis (1er/9)

Image d'archive

A un moment où tout est remis en cause, y compris la définition du martyre, c'est un thème crucial, et même éminemment politique (comme on le voit avec la théologie de la libérations et ses résurgences actuelles) et fixer des règles précises (ce qu'avait fait Joseph Ratzinger, d'abord comme théologien, puis comme pasteur) est une urgence, notamment en ce qui concerne le "dialogue" oecuménique.

Voilà comment les élèves de Benoît XVI ont abordé le thème du martyre

Andrea Gagliarducci
www.acistampa.com
5 Septembre 2017
Ma traduction

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Qu'est-ce que le martyre? Comment peut-il être défini? Et qu'est-ce que le martyre dans la théologie de Benoît XVI? C'était l'un des sujets de discussion au dernier Ratzinger Schuelerkreis, la rencontre du cercle des anciens élèves de Benoît XVI qui a eu lieu du 1er au 3 Septembre à Rome. L'un des orateurs, Mgr Helmut Moll, a été élève du professeur Ratzinger dans deux universités différentes, puis il a collaboré avec lui à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avant d'être appelé en Allemagne pour s'occuper du grand projet du martyrologue allemand du XXe siècle, une initiative née sous l'impulsion de Saint Jean-Paul II. Avec ACI, Mgr Moll partage les thèmes de son intervention et la discussion autor de la table.

Mgr Moll

- De quoi avez-vous parlé au Ratzinger Schuelerkreis?

J'ai parlé de la définition du martyre. Comment peut-on définir un martyr? C'est une question très importante. Il y a des extrémistes qui affirment que les attentats suicides sont le martyre, d'autres qui disent que les victimes de ces accidents sont considérés comme des martyrs. Mais la définition du martyre a été donnée, et de manière très précise.

- Quelle est donc la définition du martyre?

Il y a trois critères pour reconnaître un martyr, codifiés par Benoît XIV. Le premier critère est la mort violente. Par exemple, quelqu'un qui est tué dans une chambre à gaz, étranglé, abattu, mais aussi la mort passive, c'est-à-dire quelqu'un qu'on laisse mourir de faim et de soif. Le deuxième critère est d'avoir donné un témoignage chrétien, et un exemple nous l'avons en Allemagne, avec les catholiques qui n'ont jamais voté ou soutenu publiquement Hitler et ont été persécutés pour cela. Le troisième critère est d'être prêts à être tué pour la foi: si quelqu'un qui a témoigné recule ensuite au moment de l'épreuve, il ne peut être considéré comme martyr. Ce sont les critères de la foi, valables jusqu'à aujourd'hui.

- Aujourd'hui, pourtant, on parle d'une nouvelle façon de parvenir à la canonisation: le don de sa vie. Est-ce une nouvelle façon de considérer un martyr?

Non. Ceux qui sont considérés comme des saints pour avoir donné leur vie peuvent être canonisés seulement après qu'il y ait un miracle attribué à leur intercession, ce qui ne se produit pas avec les martyrs. Il ne s'agit pas de martyrs, mais de confesseurs, avec une certaine spécialisation.

- Pourquoi alors y avait-il besoin d'un nouveau critère?

C'est un problème de longue date. J'ai été pendant dix ans consultant de la Congrégation pour les Causes des Saints. Il y a eu un symposium avec des professeurs éminents, il y a quelque temps, et au cours de ce symposium, on a noté que, dans les critères de canonisation, il manquait quelque chose. Il fallait d'une certaine manière définir la sainteté de ceux qui ont consacré leur vie aux malades, ou - pour prendre un autre exemple - les prêtres qui vont sur les lignes de front pour donner de la nourriture et des boissons aux soldats, ou qui consacrent leur vie à la mission jusqu'à la perdre, comme c'est arrivé au père Damien de Veuster, le missionnaire belge dans l'île hawaïenne de Molokai. Ce ne sont pas des martyrs au sens strict, mais ils ont une spécialité. Et pour cela, on a a ressenti le besoin d'un quatrième critère, qui a été créé par le pape François. Il s'agit, en fin de compte, de dédier sa vie jusqu'à provoquer la mort prématurée.

- Ainsi, le martyre reste toujours le martyre selon les critères de Benoît XVI ...

Pas mal de gens souhaitent élargir la critériologie du martyre. Par exemple, les théologiens de la Libération soutiennent que quand quelqu'un en Amérique latine a souffert et donné sa vie dans la lutte pour la libération, il est considéré comme un martyr, ou que si une soeur qui soigne un enfant est infectée par sa maladie, elle est une martyre. Moi, en revanche, je trouve que les critères de Benoît XIV sont très valides. Il faut une mort sanglante pour être un martyr. Il faut l'effusion du sang qui veut dire la vie. Il y a des cas gris, et ces cas peuvent tomber précisément dans la catégorie du don de la vie.

- Mais qu'est-ce que le martyre pour Benoît XVI?

Benoît XVI a enseigné dans cinq universités différentes en Allemagne - Freising, Bonn, Münster, Tübingen et Ratisbonne - mais le thème du martyre est un fruit qu'il a développé surtout à Ratisbonne, puis à Münich. Benoît XVI interprète le martyre comme un signe d'amour infini. Il n'y a aucune colère, aucune haine dans le martyre, mais seulement un acte suprême d'amour. Il renvoie à l'Eucharistie, l'acte de martyre qui est la représentation de la Passion du Christ, lequel s'est offert pour nous et pour nos péchés. Et nous, prêtres et fidèles, nous sommes appelés à imiter la passion du Christ. Malheureusement, pour la plupart des chrétiens l'Eucharistie est [seulement] une communauté de croyants. Le sens profond de l'Eucharistie est au contraire de donner sa vie au Christ, parce que l'Eucharistie est amour insurpassable.

- Quel est le plus grand héritage que laisse Benoît XVI?

Il a une capacité intellectuelle illimitée. Il a des intuitions incroyables. Par exemple, il y avait un certain Drewermann qui a eu un grand succès en Allemagne, et il se demandait pourquoi il avait tant de succès. Et alors, il a réalisé que notre théologie était trop rationnelle, il a dit tout de suite que la théologie veut un cœur et un corps. Et c'est pour cela que son langage est un poème, il a une grande profondeur de pensée et de parole. Ensuite, quand on commença à parler de théologie de la libération, il perçut immédiatement qu'avec la terminologie marxiste, on ne peut pas développer une vraie théologie. Leonardo Boff répétait que c'étaient seulement des mots, mais le cardinal Ratzinger a répliqué que les mots ont en eux-mêmes un contenu.

- On parle beaucoup d'oecuménisme de sang aujourd'hui. Dans quelle mesure le notez-vous dans votre recherche?

Les chrétiens à l'époque d'Hitler ont été confrontés à une idéologie non-chrétienne, et c'est pourquoi les confessions chrétiennes ont uni leurs forces pour lutter contre l'ennemi commun. Mais il est vrai aussi qu'après la Seconde Guerre mondiale, le chemin œcuménique n'a pas continué. Je dirais qu'en cas de danger, les chrétiens se rassemblent en une voix [unique]. Dans les camps de concentration, les catholiques et les protestants étaient ensemble, ils lisaient ensemble les Saintes Ecritures, ils ont entendu l'appel commun d'être chrétiens.

- Sur le sujet du martyre, catholiques et protestants peuvent-ils converger?


C'est difficile. Il y a un martyrologe des églises protestantes, mais il y a des critères différents. Les protestants ne reconnaissent pas le martyre de la pureté, celui de Sainte Agnès, de Sainte Cécile, et admettent également les suicides. Mais la grâce est une chose absolue, tous les arguments en faveur du suicide ne suffisent pas. Cependant, les protestants l'ont accepté dans leur martyrologues.