Affaire Vincent, service minimum du Vatican

Riccardo Cascioli, regrette que les réactions (non du Pape, qui s'est contenté d'un tweet impersonnel à contretemps, mais de Paglia et Farrell, les deux responsables de "la vie" à la Curie) aient été si tardives, et même si intempestives (23/5/2019).

A gauche: Kevin Farrell; à droite, Vincenzo Paglia

Cas Vincent, la pointe de l'iceberg


Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it
23 mai 2019
Ma traduction

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On peut même dire des choses justes et laisser malgré tout perplexes, pour ne pas dire plus. C'est le cas du communiqué conjoint de l'Académie pontificale pour la vie et du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie concernant le cas de Vincent Lambert. Le communiqué dénonce le fait que «l'interruption de l'alimentation et de l'hydratation» comporte «la violation grave de la dignité de la personne». Puis il rappelle que même dans l'état de Vincent, reste la «dignité des personnes», qui conservent «leurs droits fondamentaux à la vie et aux soins, compris comme la continuité de l'assistance humaine de base». En outre, il afirme que la nutrition et l'hydratation ne constituent pas un acharnement thérapeutique aussi longtemps que le corps de la personne est capable d'absorber la nourriture et l'hydratation, à moins qu'elles ne causent des souffrances intolérables ou ne soit nocive pour le patient. Au contraire, c'est «la suspension de ces soins» qui constitue «une forme d'abandon du malade, fondé sur un jugement impitoyable sur sa qualité de vie».

Alors pourquoi ces perplexités?
Tout d'abord pour le timing. Le communiqué a été publié dans l'après-midi du 20 mai, c'est-à-dire après que la Cour d'appel française eût ordonné aux médecins de l'hôpital de Reims de suspendre l'euthanasie de Vincent. Et c'était le premier signe de vie reçu du Vatican, si l'on excepte un tweet du Pape, quelques heures avant que l'euthanasie ne soit déjà en cours.

Autrement dit, malgré les invitations, les pressions, les supplications qui duraient depuis des semaines, Mgr Vincenzo Paglia et le Cardinal Kevin Farrell, présidents respectifs des deux institutions vaticanes, donnent signe de vie une fois les jeux faits, quand Vincent pouvait déjà être mort. Quel est l'intérêt d'une intervention tellement hors délai? Crainte qu'une intervention du Vatican soit contre-productive parce qu'elle aurait pu être perçue comme une ingérence de l'Église? Argument risible: les évêques français s'étaient déjà prononcés et le cas n'est d'ailleurs pas encore résolu: d'autres recours sont en cours devant les tribunaux français et l'affaire pourrait donc prendre un mauvais tournant avant même que le Comité des personnes handicapées de l'ONU se prononce, dans quelques mois. Si la crainte d'une ingérence mal perçue était vraie, le silence aurait dû continuer. Alors pourquoi un communiqué aussi intempestif?

Et puis la forme: c'est celle d'un devoir d'écolier, avec la définition correcte de «nutrition et hydratation», mais sans grande participation ou intérêt. En fait, le communiqué recopie les «Réponses aux questions de la Conférence Épiscopale ses États-Unis concernant l’alimentation et l’hydratation artificielles» que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publiées le 1er août 2007 avec l'approbation de Benoît XVI. Il les recopie à tel point que le terme «état végétatif» a été laissé (c'était le problème soulevé par les évêques américains) sans se rendre compte que Vincent n'est pas du tout dans un état végétatif.

Que faut-il donc penser?
Nous n'avons pas le droit de faire un procès d'intentions, mais nous ne pouvons manquer de noter que les interventions du Vatican sur le thème de la «fin de vie» au cours des derniers mois ont été marquées par l'ambiguïté. On se souvient que dans le cas d'Alfie Evans, des bioéthiciens catholiques connus se sont rangés du côté des médecins anglais qui voulaient sa mort, tout comme les évêques d'Angleterre et du Pays de Galles. Cette fois aussi, on a eu droit à la fausse note du «professeur catholique». Il s'agit du professeur Massimo Antonelli, directeur du Centre de bioéthique et des sciences de la vie de l'Université catholique du Sacré-Cœur, un poste important donc. Hier matin, on a vu apparaître sur le site web de l'Université catholique un article de lui, s'en prenant à l'instrumentalisation du cas Lambert, évidemment par les pro-vie, et niant que dans ce cas on puisse parler d'euthanasie. Les protestations de plusieurs professeurs ont fait qu'en peu de temps, l'article d'Antonelli a été retiré du site. Ses thèses se trouvent encore dans l'interview qu'il a donnée à Aleteia le 20 mai dernier . Et nous doutons fortement qu'un changement de direction du Centre de bioéthique et des sciences de la vie soit imminent. Parce que c'est seulement, nous sommes portés à le croire, la pointe de l'iceberg.

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