Ce que pense François de Mgr Vigano

Tucho et François

AM Valli reprend une interview de l'inénarrable Victor "Tucho" Fernandez, "chouchou", conseiller écouté, ghost writer et même théologien de référence du Pape, par une vieille connaissance, le très progressiste prêtre défroqué espagnol José Maria Vidal. (3/10/2018)

 

Les propos de l'inoubliable auteur de "L'art du baiser" n'apportent rien de nouveau, puisque ce sont ceux des blogs bergoliâtres unanimes depuis le 28 août (date de la publication du fameux "mémorandum) dans le dénigrement de l'ex-nonce aux USA, dans le but de discréditer ses accusations.

Le rappel par AM Valli de son pedigree (là non plus, rien de nouveau) est particulièrement opportun, apportant un éclairage indispensable sur sa personnalité.

On pourra objecter que, symétriquement, AM Valli dénigre ici la personne de "Tucho" pour discréditer ses arguments. Sauf que ledit "Tucho" n'a besoin de personne pour discréditer sa personne et surtout son... absence d'arguments: il s'en charge parfaitement tout seul, et à cet égard, le portrait caricatural qu'il dresse de Mgr Vigano parle de lui-même.
On notera qu'il pratique lui aussi l'inversion d'accusation typique de ceux qui sont attaqués et sont à court de munitions: comme quand il évoque «des obsessions idéologiques plus fortes que la santé mentale» (suggère-t-il que ceux qui s'opposent au Pape sont fous?). Mais il y a d'autres exemple (en gras dans le texte ci-dessous)

«Vigano, un retraité en quête de notoriété».
Paroles d'un évêque ami du Pape


Aldo Maria Valli
www.aldomariavalli.it
2 octobre 2018
Ma traduction

* * *

Que pense le Pape François de Mgr Viganò? Et comment a-t-il réagi au fond de lui au mémorandum de l'ex-nonce aux Etats-Unis?

François, on le sait, n'a encore rien dit. Il a demandé aux journalistes de se faire une idée par eux-mêmes, puis a lancé des messages plus ou moins transversaux, en particulier lors des messes à Santa Marta.

Pour mieux comprendre la réaction du pape, il peut être utile d'écouter celui qui est peut-être son conseiller numéro un, en plus d'être un ami de longue date: Mgr Víctor Manuel Fernández, évêque de La Plata, qui va souvent à Rome et qui est certainement parmi les hommes les plus proches de Bergoglio.

Interviewé par José Manuel Vidal (cf. www.periodistadigital.com) Fernández rapporte que le pape est «fort et désireux de travailler», mais qu'il ne considère pas qu'une action disciplinaire soit nécessaire contre Viganò, un homme qui est seulement en quête de visibilité, «quelqu'un qui a besoin d'une minute de fausse gloire et ne se résigne pas à avoir le profil bas d'un retraité».

Au sujet du comportement de l'ex-nonce, Fernández dit: «On m'a toujours appris à mettre le Peuple de Dieu en premier. Ici, je vois une personne consacrée qui donne la priorité à ses intérêts idéologiques bien connus sur le bien du peuple, et qui finit par être confuse et sans espérance».

Question de l'intervieweur : «Allons-nous revenir aux intrigues de Vatileaks ou voulaient-ils utiliser la plaie des abus sur mineurs pour saper l'autorité papale?»

Réponse de Fernández: «Je crois que ce monsieur (Viganò, ndr) a deux objectifs: discréditer François en utilisant un problème qui a beaucoup de visibilité dans la presse et essayer de faire croire qu'il n'est pas responsable de la lenteur des réponses aux cas d'abus dans le pays où il était nonce».

Autre question: Viganò serait-il un pion entre les mains d'autres ?

Réponse: «Certaines personnes oublient la loi de Dieu et retombent dans le même relativisme moral qu'ils critiquent. Ils pensent que leur présumée défense de la doctrine traditionnelle les autorise à faire de faux témoignages et à mentir. Pour eux, la calomnie et la diffamation sont licites».

Selon Fernandez, c'est là que réside le problème: Viganò est un retraité qui, ne pouvant se résigner, avait besoin de notoriété et qui, avec l'aide de blogs «prétendus catholiques», a réussi à faire les unes pendant quelques jours comme «martyr de la vérité», mais quand il réussira à voir les dégâts qu'il a causés dans «les cœurs simples», il en souffrira beaucoup.

Enfin, selon l'évêque argentin, le choix de Viganò n'est pas le résultat de luttes de pouvoir à la Curie romaine.

«Ces jours-ci, je suis allé à Rome, dit-il, et j'ai ressenti beaucoup de douleur plus que toute autre chose. Personne ne comprend comment il est possible que quelqu'un qui été nonce dans un pays important ait pu se comporter de cette façon, comme un adolescent».

Quant aux évêques d'Amérique du Nord, selon Fernández, il est «surprenant» que quelqu'un d'entre eux n'ait pas essayé de prendre ses distances de Viganò: On voit qu'il y a des obsessions idéologiques plus fortes que la santé mentale».

L'évêque dit qu'il ne croit pas que le pape va prendre des mesures disciplinaires contre Viganò: «Ces dernières années - explique-t-il - il l'a fait à très peu d'occasions. Dans le cas de Vatileaks, il l'a fait parce que c'était Benoît XVI qui était frappé, mais il serait étrange q'il le fasse maintenant que l'attaque est contre lui».

Quant à l'image de l'Église et à la crédibilité du Vatican, selon Fernández, il ne restera finalement que le souvenir d'«une grande attaque contre le pape, comme cela s'est déjà produit avec Paul VI et d'autres». En ce qui concerne le problème des abus sexuels, il s'agit simplement de «faire respecter les règles actuelles».

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Répétons-le: les paroles de Fernández ne sont pas celles d'un évêque quelconque, mais d'un prélat très proche du pape, de son proche collaborateur et théologien de référence.

Pour mieux encadrer la figure de Fernández, il ne sera pas inutile de rappeler qu'en tant que théologien de confiance du Pape, il a été l'un des principaux inspirateurs d'Amoris laetitia, Laudato sì' et de l'EA Evangelii gaudium de François. Des parties entières d'Amoris laetitia, en particulier dans le controversé huitième chapitre, où l'on donne de fait le feu vert pour la communionaux divorcés remariés, sont inspirées par quelques articles, datant de 2005 et 2006, de Fernández, déjà ami et référence de Bergoglio à l'époque.

Dans ces années-là, Fernández était professeur de théologie à l'Universidad Católica Argentina de Buenos Aires et dans ses articles, s'opposant à Veritatis splendor de Jean-Paul II sur les questions fondamentales de l'enseignement moral de l'Église, il se rangea en faveur de l'éthique de situation, qui est esuite [devenue] le principe directeur du chapitre VIII d'Amoris Laetitia.

C'est aussi à cause de ces articles que la Congrégation du Vatican pour l'éducation catholique a bloqué la candidature de Fernandez comme recteur de l'Universidad Católica Argentina, mais s'est ensuite inclinée, en 2009, devant les demandes de l'archevêque de Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio, qui a imposé la promotion de son ami.

En 2013, immédiatement après être devenu pape, Bergoglio consacra Fernández comme évêque, lui donnant le titre de siège métropolitain aujourd'hui éteint, tandis que la carrière du théologien dominicain Jean-Louis Bruguès, qui s'était prononcé contre la nomination de Fernández, restait bloquée.

«Et depuis lors - écrit Sandro Magister - Fernández passe presque davantage de temps à Rome qu’à Buenos-Aires. Il y est très occupé par son rôle de "nègre" de son ami le pape, sans que, dans l’intervalle, ses références en tant que théologien, qui étaient initialement tout sauf brillantes, se soient développées.»

En fait, les mérites de Fernández, en tant que théologien, ne sont pas immédiatement perceptibles. Son livre, "Guéris-moi avec ta bouche. L'art du baiser", publié en Argentine en 1995, est quelque peu singulier et est présenté ainsi par l'auteur lui-même: «Dans ces pages, je veux résumer le sentiment populaire, ce que les gens éprouvent quand ils pensent à un baiser, ce que les mortels ressentent quand ils embrassent. Pour cela, j'ai longuement parlé avec beaucoup de gens qui ont beaucoup d'expérience dans le domaine, et aussi avec beaucoup de jeunes qui apprennent à embrasser à leur façon. J'ai aussi consulté de nombreux livres et j'ai voulu montrer comment les poètes parlent du baiser. Ainsi, avec l'intention de synthétiser l'immense richesse de la vie, sont venues ces pages en faveur du baiser, qui je l'espère t'aideront à mieux embrasser, qui te pousseront à libérer dans un baiser le meilleur de ton être».

En ami de François, Fernandez doit avoir à cœur la parrésie et la synodalité dont parle souvent le Pape. Au contraire, il a pris des positions désobligeantes à l'égard de la curie romaine, dans la conviction, dit-il, que le Christ a assuré «au pape et à l'ensemble des évêques une direction et une illumination spéciales, mais pas à un préfet ou à une autre structure».

«Tel est donc - écrit Magister - le personnage que François garde près de lui comme son penseur de référence».
Et qui explique à présent que Mgr Viganò, avec son mémorandum, n'est qu'un pauvre retraité qui, incapable d'accepter sa condition, parti à la recherche d'un peu de notoriété.

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