Conflits d'intérêt à la Papal Foundation

McCarrick, l'un des fondateurs et membre du Conseil des cardinaux qui contrôle l'organisme, a-t-il monnayé sa capacité d'attribuer des fonds contre l'indulgence du Vatican? Et avec lui d'autres prélats douteux promus ou protégés par François? (29/9/2018)

>>> Voir aussi à ce sujet: Affaire McCarrick: la piste du fric (Valli)

En d'autres termes, François est-il bien le maître du jeu? A-t-il toutes les cartes en main?
La question se pose, et exigerait une enquête approfondie, ou à défaut des réponses circonstanciées des principaux intéressés - dont François.
Cet article paru sur le site américain <First Things>, est à lire absolument (même s'il est long et brasse des faits complexes) si l'on veut explorer toutes les pistes pour comprendre les raisons de ses silences.

Le Pape rencontre les membres de la Papal Foundation en 2015. Photo: Papal Foundation (via Angela Ambrogetti)

La Papal Foundation & le conflit d'intérêt de McCarrick


Matthew O'Brien
28 septembre 2018
www.firstthings.com
Ma traduction

* * *

Le 28 juillet 2018, le Vatican a annoncé que le Pape François avait accepté la démission de l'Archvêque Theodore McCarrick du Collège des Cardinaux. Cela a eu pour effet immédiat de mettre fin à sa relation de près de trente ans avec la Papal Foundation, un organisme caritatif qu'il a contribué à fonder, basé dans la banlieue de Philadelphie et disposant d'une dotation de 200 millions de dollars.

En tant que membre d'office du conseil des cardinaux qui contrôle la Fondation, McCarrick a plaidé et voté à quatre reprises pour l'approbation d'une subvention extraordinaire et accélérée de 25 millions de dollars au Vatican, afin de l'aider à renflouer un hôpital qu'il [le Vatican] gère et qui est impliqué dans un scandale, l'Istituto Dermopatico dell'Immacolata (IDI) à Rome; d'abord en juin 2017, puis à la réunion annuelle de la Fondation en décembre 2017, en janvier 2018 et finalement en avril 2018.

Lors des trois derniers votes au moins, le cardinal McCarrick savait qu'il faisait l'objet d'une enquête autorisée par le Vatican, menée par l'archidiocèse de New York, pour agression sexuelle d'un garçon. Selon une source ayant une connaissance directe de l'affaire, McCarrick savait au plus tard en octobre 2017 qu'il faisait l'objet d'une enquête. Étant donné que le bénéficiaire de la subvention de 25 millions de dollars était le Vatican, soit l'entité même qui devait déterminer le sort de McCarrick à la suite de l'enquête qu'il avait autorisée sur sa conduite, McCarrick semble avoir eu un conflit d'intérêts manifeste et flagrant en examinant la demande de subvention dans le meilleur intérêt de la Papal Foundation. McCarrick allait en bénéficier personnellement si, en contribuant à obtenir 25 millions de dollars pour le Vatican, il pouvait gagner une certaine indulgence dans la façon dont il avait traité son affaire d'abus sexuel.

En vertu de la loi de Pennsylvanie, les administrateurs d'organismes à but non lucratif comme la Papal Foundation ont l'obligation de divulguer aux administrateurs et aux dirigeants de leur organisme les conflits d'intérêts importants, et de se récuser des décisions du conseil mettant en jeu leurs conflits d'intérêts. Selon les personnes présentes aux réunions du conseil d'administration en 2017 et 2018, McCarrick n'a rien divulgué audit conseil d'administration de la Papal Foundation et ne s'est pas récusé des décisions du conseil.

Si, au cours de l'un ou l'autre des quatre votes du conseil auxquels il a participé, McCarrick savait qu'il faisait l'objet d'une enquête, alors selon les principes établis du droit des sociétés, il semble qu'il ait commis une fraude à l'endroit du conseil de la Papal Foundation. Selon Robert T. Miller, professeur de droit des sociétés à l'Université de l'Iowa, «l'effet juridique sur le conseil d'administration de l'apparente fraude de McCarrick est d'entacher le vote de chaque membre du conseil participant à la décision». Cela peut rendre la subvention annulable et remboursable à la Fondation à l'instigation du procureur général de Pennsylvanie ou de l'un des membres clercs ou laïcs des conseils de la Fondation.

En juin 2017, le cardinal Donald Wuerl a reçu la demande de subvention de 25 millions de dollars du secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, à la demande du pape François. Wuerl a insisté pour le rencontrer immédiatement. Selon le brouillon du procès-verbal du conseil d'administration, il a déclaré que la subvention était une mesure d'urgence dont dépendait la survie de l'hôpital. Wuerl a officiellement proposé de le faire plus tard en juin, en dehors du cycle normal des subventions de la Fondation, et il a convoqué une séance à huis clos du conseil des cardinaux - parmi lesquels McCarrick, qui a lui aussi fait pression pour obtenir la subvention - et procédé à un vote sommaire pour l'approbation de cette subvention.

Entre-temps, en mai 2017, juste quelques semaines avant que Wuerl reçoive la demande de subvention de Parolin, la victime présumée de McCarrick avait contacté l'Independent Reconciliation and Compensation Program de l'archidiocèse de New York, pour l'informer des accusations portées contre lui. Avant que l'archidiocèse de New York puisse enquêter sur les accusations, il devait recevoir l'autorisation du Saint-Siège, car en tant que cardinal, McCarrick était sous la juridiction canonique du seul Saint-Siège.

En août 2017, la Fondation envoyait 8 millions de dollars au Secrétariat d'État du Vatican - n'ayant reçu du Vatican ni proposition formelle sur la façon dont l'argent serait dépensé, ni projections financières, ni état de la situation financière de l'hôpital ou accord sur la façon dont les performances (= rendement) de la subvention serait suivi, communiqué à la Fondation ou évalué.

Ce n'est qu'après avoir envoyé 8 millions de dollars à la Secrétairerie d'État que l'ensemble du conseil d'administration de la Fondation - cardinaux, évêques et laïcs -, a été saisi de l'extraordinaire requête et qu'il lui a ensuite été demandé d'approuver la totalité des 25 millions (y compris le versement déjà envoyé de 8 millions) à son assemblée annuelle à Washington le 12 décembre 2017. Après une discussion tendue, Wuerl a pris la décision remarquable d'organiser le vote à bulletins secrets.
Le Conseil d'administration de la Papal Foundation est constitué de quinze cardinaux et évêques et neuf laïcs. Selon une source présente à la réunion du 12 décembre, le résultat du vote secret a été de 15 voix pour, 8 contre et une abstention. Un des huit laïcs a voté pour la subvention.

Müller a été surpris par la décision de Wuerl d'utiliser un scrutin secret dans ces circonstances. «C'est étonnant», dit-il. «Les votes secrets sont pratiquement inconnus dans les réunions du conseil d'administration des entreprises. Les membres des conseils d'administration des sociétés sont censés s'exprimer librement afin de se persuader mutuellement de la façon de voter dans l'intérêt supérieur de leur société; l'idée d'un scrutin secret, qui est utilisée dans les élections politiques où les gens craignent des représailles pour leur vote» est incongrue avec l'idée même d'un conseil fiduciaire délibératif.

Un deuxième versement de 5 millions de dollars a été envoyé à la Secrétairerie d'État en janvier 2018, encore une fois malgré les vives objections d'un certain nombre de donateurs laïcs à la Fondation, qui étaient impliqués. Depuis le premier paiement d'août 2017, Wuerl subissait des pressions pour demander au Vatican des documents sur l'utilisation des 25 millions de dollars afin d'apaiser les objections des membres laïcs du conseil d'administration, en particulier parce que l'IDI était le sujet persistant de scandales de fraude et de détournements de fonds. En 2016, les autorités italiennes avaient inculpé 40 cadres et employés de l'IDI pour 144 chefs d'accusation de fraude à la faillite, de blanchiment d'argent et de détournement de fonds, selon l'agence de presse ANSA, «dans ce que la magistrature a qualifié de "pillage" de l'entité religieuse entre 2007 et 2012». Le prêtre italien qui supervisait l'IDI à cette époque a finalement été condamné pour avoir personnellement détourné des millions d'euros, et un article récent dans <Crux> suggère que le crime organisé [la mafia tant dénoncée par le Pape!! ndt] avait également infiltré les opérations de l'IDI.

Pour aider à réprimer la dissidence des laïcs au conseil d'administration de la Papal Foundation, Soeur Carol Keehan, directrice de la Catholic Health Association, a été envoyée par Wuerl à Rome pour visiter l'IDI et faire un rapport. Soeur Keehan est revenue avec un assortiment de documents de l'hôpital dans un classeur. Toutefois, il manquait encore des états financiers ou une comptabilité de l'hôpital, ou encore une vérification professionnelle portant sur ses antécédents récents de fraude ou sur la démission soudaine, après seulement huit mois de service, du directeur général qui avait récemment été nommé pour faire le ménage dans l'administration de l'hôpital. Les cardinaux et les évêques du conseil d'administration de la Fondation ont néanmoins voté pour l'envoi des 5 millions de dollars.

La polémique sur les 25 millions de dollars a fait son chemin dans la presse en février 2018. Une mauvaise publicité a incité Wuerl à demander au Vatican de suspendre la subvention et d'annoncer que les 12 millions de dollars restants dus dans le versement final seraient annulés. Pourtant, Wuerl a encore changé de cap lors de la visite annuelle de la Papal Foundation à Rome en avril 2018, annonçant à un rassemblement choqué de donateurs laïcs, lors d'un dîner au Vatican, que le conseil avait décidé de procéder malgré tout au versement de la subvention complète de 25 millions de dollars au Secrétariat d'Etat.

Bien que Wuerl, McCarrick et d'autres défenseurs de la subvention de 25 millions de dollars aient justifié son approbation accélérée en faisant appel aux besoins urgents de l'IDI, plusieurs sources de la Papal Foundation m'ont dit que les 13 millions de dollars déjà envoyés au Vatican n'ont pas encore été versés à l'hôpital. Plus d'un an après l'envoi du premier versement de 8 millions de dollars, la subvention d'urgence de la Papal Foundation se trouve apparemment aujourd'hui sur un compte bancaire du Vatican, non versée.

De 1990 à 2018, la Papal Foundation a versé 120 millions de dollars en subventions à des centaines d'œuvres caritatives catholiques dans le monde, principalement dans les pays en développement. Chaque année, après avoir approuvé une liste de subventions individuelles, la Fondation envoyait un chèque pour le montant brut - généralement entre 10 et 15 millions de dollars au cours des dernières années - à la Secrétairerie d'État du Vatican, puis chargeait le Secrétaire d'Etat d'envoyer les montants appropriés aux bénéficiaires individuels de chaque subvention. L'adoption de cette procédure indirecte d'octroi de subventions en passant par des intermédiaires du Vatican était une décision discrétionnaire du conseil des cardinaux et n'est pas une exigence des statuts de la Fondation.

Toutefois, les règlements administratifs et les statuts constitutifs exigent que le conseil supervise et surveille si les subventions individuelles sont reçues par les bénéficiaires prévus, et utilisées à des fins de bienfaisance. L'article 6.2.4 des Statuts administratifs stipule: «Le Conseil exige que les bénéficiaires des fonds fournissent des comptabilités périodiques démontrant que les fonds ont été dépensés aux fins qu'il a approuvées». Selon les statuts constitutifs, «Lorsque des contributions, dons, subventions ou autres transferts caritatifs sont attribués à des organismes étrangers [par exemple, le Vatican], l'organisme étranger doit toutefois être organisé et géré d'une manière analogue à celle des organisations exonérées d'impôt aux États-Unis. De plus, les contributions, dons, subventions ou autres transferts caritatifs à ces organismes étrangers doivent être faits uniquement à des fins que la Société a examinées et approuvées et sur lesquelles elle exerce un contrôle et une responsabilité».

Selon de multiples entretiens indépendants avec des personnes impliquées dans la Papal Foundation, au cours de ses presque trois décennies d'octroi de subventions, pratiquement aucune comptabilité ou audit n'a été effectué pour confirmer que les subventions sont arrivées à leurs bénéficiaires prévus après l'envoi des contrôles annuels au Secrétariat d'État. De plus, la Fondation n'aurait pas tenté systématiquement de confirmer que les fonds reçus par les bénéficiaires visés ont été utilisés à des fins de bienfaisance.

L'apparente incapacité du Conseil de contrôle des cardinaux de la Fondation à surveiller la distribution ou l'utilisation des subventions «soulève une question importante», selon le professeur Miller, «parce que lorsqu'un conseil d'administration sait qu'il a un devoir et ne fait apparemment rien pour remplir ce devoir, un tribunal pourrait bien conclure que le conseil n'agit pas "de bonne foi", ce qui est une exigence technique importante en droit des entreprises. Cette détermination aurait pour résultat que chaque membre du conseil d'administration serait personnellement responsable», a dit Miller. «Puisque l'obligation de surveiller l'utilisation de l'argent était prévue dans les règlements administratifs, il serait impossible pour les membres du conseil d'administration de soutenir qu'ils n'étaient pas au courant de cette obligation. De plus, s'il est vrai qu'ils n'ont pratiquement rien fait pour surveiller, il y a de bonnes raisons de croire qu'ils ont tous manqué à leur devoir de bonne foi pour chaque don pendant près de 30 ans».

Selon une source impliquée dans la Papal Foundation et ayant une connaissance personnelle de la situation, le comité d'audit a exprimé des inquiétudes quant à la prise en compte des versements des subventions lors d'une réunion du conseil de la Fondation en 2015 ou 2016. Selon cette source, le problème a incité le conseil d'administration à demander au staf de la Fondation de faire le point sur les subventions des dernières années et de dresser une liste des subventions qui ont été reconnues comme étant en correspondance avec la Fondation.

«La liste dressée par le staf a montré que la plupart des dons avaient fait l'objet d'un accusé de réception des organisations caritatives ou des différents nonces papaux censés les envoyer aux organisations caritatives de leur pays», indique la source. «Mais beaucoup de ces accusés de réception ne mentionnaient pas le montant des subventions qu'ils avaient reçues de la Papal Foundation» via la Secrétairerie d'État. De plus, bien que, dans la majorité des cas, ces accusés de réception fussent issus des organismes de bienfaisance qui étaient les bénéficiaires réels, il n'en était pas toujours ainsi. Dans ces cas, les accusés de réception venaient des nonces - eux-mêmes employés par la Secrétairerie d'État. Selon les statuts de la Fondation, les bénéficiaires concernés doivent être sujets d'une "comptabilité périodique", et pas seulement les nonces, qui étaient censés être des intermédiaires dans la distribution des subventions. En général, les accusés de réception ne mentionnaient aucune surveillance, ni aucune documentation quant à l'utilisation finale des fonds alloués à des fins de bienfaisance.

D'après la liste dressée par le staf, pour certaines subventions, la Fondation n'avait aucun dossier. «Ils ont trouvé environ 3 millions de dollars non pris en compte», m'a dit la source. Cette découverte a incité la Fondation à examiner ces subventions de plus près, ce qui lui a permis de récupérer de l'argent, du moins dans un cas. En l'occurrence, selon la source: «La Fondation a récupéré quelque 600.000 dollars du nonce apostolique en Egypte», somme qui avait été envoyée par versements de 200.000 dollars sur trois ans afin d'aider à financer la construction d'un nouveau séminaire. Après enquête, la Fondation apprit que le projet de construction du séminaire avait été annulé en raison de l'instabilité politique. Le nonce n'en avait pas avisé la Fondation et avait conservé les 600 000 dollars qu'il avait l'intention d'utiliser à l'avenir pour d'autres projets. La Fondation demanda au nonce de lui rendre l'argent, en lui disant qu'il devrait faire une nouvelle demande de subvention lorsque ces projets se concrétiseraient et le nonce obtempéra.

La source rappelle également qu'une solution à l'absence de prise en compte systématique des subventions fut proposée par le cardinal Wuerl, président du conseil des cardinaux, pour les prochains cycles de subventions. Wuerl suggéra que la Fondation commence par vérifier trois à cinq subventions sur la centaine de subventions versées chaque année, afin de déterminer si les bénéficiaires prévus avaient reçu leurs subventions et les avaient utilisées de façon appropriée. Selon la source, lorsque la question s'est posée de savoir quelle méthode devrait être utilisée pour sélectionner les subventions qui seraient examinées, «Wuerl a dit qu'il choisirait lui-même ces subventions».
(...)

Fin 2017, le cardinal Wuerl a chargé le conseiller juridique de la Fondation d'examiner ses opérations et ses règlements pour s'assurer de leur conformité juridique. Dans une lettre datée du 29 décembre 2017, dont une copie m'a été remise par une personne impliquée dans la Papal Foundation, ses propres avocats ont identifié cinq domaines problématiques dans les opérations et procédures de la Fondation. Deux d'entre eux étaient particulièrement importants: premièrement, une apparente incapacité générale à confirmer que les bénéficiaires finaux de ses subventions étaient traités d'une manière analogue à celle des organismes caritatifs publics des Etats Unis; deuxièmement, l'apparente incapacité générale à obtenir des comptabilités ou des audits significatifs sur la façon dont les bénéficiaires des subventions dépensaient les fonds reçus. Les juristes de la Fondation ont conclu cette évaluation par une injonction: «Le conseil d'administration doit avoir l'obligation de rendre des comptes pour s'assurer que les fonds sont effectivement dépensés à des fins de bienfaisance».

Le conseil des cardinaux de la Papal Foundation a apparemment distribué ses dons caritatifs d'une manière qui les rendait remarquablement vulnérables à la fraude et au détournement de fonds, et ce faisant, le conseil semble avoir enfreint ses propres règlements administratifs, et violé également le droit civil en Pennsylvanie. Le partenaire choisi par la Fondation pour la distribution des subventions, la Secrétairerie d'Etat du Vatican, a de longue date une réputation de mauvaise gestion financière. Ces dernières années, le secrétaire d'État lui-même, le prédécesseur du cardinal Parolin, le cardinal Tarcisio Bertone, a été personnellement impliqué dans le détournement de 500.000 dollars de fonds caritatifs pour payer en double un ami entrepreneur pour rénover son appartement au Vatican, et aussi dans l'investissement de millions de dollars du Saint-Siège dans une chaîne de télévision italienne, désormais vouée à la faillite, appartenant à ses amis.

Aucun prélat n'a été plus régulièrement et intimement impliqué dans la Papal Foundation que McCarrick
, qui a contribué à fonder l'association en 1988 aux côtés des cardinaux Krol de Philadelphie et O'Connor de New York. Le président actuel du conseil de contrôle des cardinaux est le cardinal Wuerl, successeur de McCarrick comme archevêque de Washington. Avant d'être élevé au cardinalat et de déménager à Rome, Kevin Farrell, alors évêque, protégé de McCarrick et son ex-colocataire à Washington, était membre du conseil d'administration de la Papal Foundation. Le président actuel du conseil des cardinaux est un autre protégé de McCarrick, l'évêquer Michael Bransfield.

McCarrick a consacré Bransfield comme évêque. Avant que Bransfield ne devienne évêque, il a été recteur du sanctuaire national de l'Immaculée-Conception à Washington pendant le mandat de McCarrick à ce Siège. Depuis la création de la Papal Foundation jusqu'à la création de McCarrick en tant que cardinal en 2001, McCarrick lui-même a occupé le poste qu'occupe aujourd'hui Bransfield.

Comme McCarrick, Bransfield est accusé d'abus sexuel. Sa récente démission du diocèse de Wheeling-Charleston a été annoncée le 13 septembre 2018, au moment même où le Saint-Siège annonçait la tenue d'une enquête spéciale sur Bransfield pour abus sexuel d'adultes. Avant l'annonce de l'enquête, Bransfield avait été poursuivi pendant des années par des accusations d'abus sexuels et de complicité présumée dans des viols et des agressions commis par des amis prêtres dans sa ville natale de Philadelphie.

Le premier directeur exécutif de la Papal Foundation, qui a été en fonction de 1988 à 2001, était un prêtre nommé Monseigneur Thomas Benestad. Benestad, qui a pris une retraite anticipée de son diocèse d'Allentown et qui vit maintenant à Boca Raton, en Floride, est accusé dans le rapport du Grand Jury de Pennsylvanie d'avoir agressé sexuellement un garçon pendant des années au début des années 1980, alors que celui-ci avait 9 ans.

Selon le rapport, les responsables de l'application des lois de Pennsylvanie ont déterminé que les accusations contre Benestad étaient crédibles, mais ils ont refusé de porter plainte parce qu'en 2011, le délai de prescription de l'État pour les crimes présumés avait expiré. À l'époque, le diocèse d'Allentown a transmis le cas de Benestad au Vatican, et le Vatican a rétabli ses facultés sacerdotales en 2014, bien que le diocèse de Palm Beach, où il vit actuellement, ait toujours refusé de l'autoriser à y célébrer les sacrements.

Benestad, Bransfield et McCarrick ont été trois des dirigeants ecclésiastiques les plus importants de la Papal Foundation, et tous font face à de graves accusations d'abus sexuels. Certaines de ces accusations étaient amplement connues depuis des décennies, mais elles n'ont pas empêché les hommes de s'élever d'un poste ecclésiastique à l'autre. Ces hommes ont-ils utilisé le pouvoir d'octroi de subventions de la Papal Foundation pour obtenir des faveurs et acheter la protection des autorités du Vatican? Ont-ils permis le détournement des subventions de bienfaisance de la Fondation? La seule façon de répondre à ces questions est de mener une enquête indépendante sur la Papal Foundation et d'établir un rapport juridique sur les subventions passées.

Une telle enquête ne se heurterait pas à des obstacles canoniques et ne porterait pas atteinte à l'autorité des évêques sur leur diocèse. La Papal Foundation n'est pas une entité ecclésiastique, mais un organisme religieux ordinaire 501(c)(3) [ndt: en référence au code fédéral des impôts américain, cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/501c ] à but non lucratif. Aucune permission de Rome n'est nécessaire. Le conseil d'administration de la Fondation peut commander une enquête par un simple vote. Si la Fondation n'autorise pas sa propre enquête indépendante, elle pourrait néanmoins se trouver confrontée à une enquête de la part des autorités étatiques ou fédérales.

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