Danneels: mort d'un faiseur de Pape (suite)

Bref tour d'horizon par Marco Tosatti des étapes - peu édifiantes - qui ont jalonné la carrière du prélat (18/3/2019)

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Danneels: mort d'un faiseur de Pape

Le cardinal Danneels à la Loge des bénédictions avec le Pape, le 13 mars 2013

Ces 'crocodiles' hagiographiques pour le Cardinal Danneels


Marco Tosatti
18 mars 2019
www.lanuovabq.it
Ma traduction

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La mort de l'archevêque belge Godfried Danneels a été saluée par la presse catholique progressiste avec des articles très élogieux. Pas de quoi étonner, vu les positions modernistes de Danneels. On oublie cependant la situation désastreuse dans laquelle il a quitté l'Eglise en Belgique, son implication dans une affaire de camouflage d'abus et son appartenance à la "Mafia de Saint-Gall".

Nihil de mortuis nisi bonum («des morts, il ne faut rien dire d'autre que le bien»), est une maxime très juste, et à juste titre elle peut aussi s'appliquer à la disparition du cardinal belge Godfried Danneels (4 juin 1933 - 14 mars 2019). Pourtant, en lisant les commentaires et les "crocodiles" de la presse catholique progressiste, on a l'impression que le processus de canonisation est sur le point de commencer. Alors qu'au contraire, le profil de ce cardinal peut paraître beaucoup plus tourmenté que ce que la faction avant-gardiste catholique voudrait nous faire croire.

Il est vrai que les laudatores ont trouvé un assist valide dans le télégramme du Souverain Pontife, qui énonce:

«Ayant appris avec émotion la mort du Cardinal Godfried Danneels, Archevêque émérite de Malines-Bruxelles, je présente à mon tour mes plus vives condoléances, à vous [sans doute de Kesel] et à sa famille, aux Evêques de Belgique, au clergé, aux personnes consacrées et aux fidèles touchés par cette perte. Ce Pasteur zélé a servi avec dévouement l'Église non seulement dans son diocèse, mais aussi au niveau national en tant que président de la Conférence épiscopale de Belgique, tout en étant membre de plusieurs dicastères romains. Attentif aux défis de l'Église contemporaine, le cardinal Danneels a aussi participé activement à plusieurs Synodes des évêques, dont ceux de 2014 et 2015 sur la famille. Il vient d'être appelé à Dieu en ce temps de purification et de chemin vers la résurrection du Seigneur. Je demande au Christ, vainqueur du mal et de la mort, de l'accueillir dans sa paix et sa joie. En signe de réconfort, j'adresse une bénédiction apostolique spéciale à vous, aux proches du Cardinal décédé, aux pasteurs, aux fidèles et à tous ceux qui participeront à la célébration des funérailles».


Comme cela s'est déjà produit avec la lettre pontificale accompagnant l'acceptation de la démission du cardinal Donald Wuerl comme archevêque de Washington (par ailleurs toujours là, ad libitum...), ce message du Pape à la mémoire de son fidèle king maker a semblé lui aussi également extrêmement élogieux. En particulier parce que, comme l'ont souligné certains observateurs, au cours du long "règne" de Danneels à la Conférence épiscopale de Belgique (de 1979 à 2010), le pourcentage de catholiques dans le pays est passé de 72% (1981) à 50% (2009); la présence à la Messe de 69% (1979) à 5,4% (2009). Bref, même si l'on considère les difficultés liées à la sécularisation croissante, il est difficile de ne pas interpréter cette période comme un désastre substantiel.

Et il y a des épisodes - sur lesquels évidemment la presse progressiste glisse, ou dont elle essaie de donner une interprétation absolutionniste - qui posent des questions objectives. Parmi ceux-ci figure le problème de la loi sur l'avortement en Belgique. Le 6 avril 2015, deux politiciens belges ont dit à VTM, une chaîne de télévision flamande, que Danneels avait tenté en vain de convaincre le roi Baudouin de signer la loi belge sur l'avortement en 1990. Les deux hommes politiques sont Philippe Moreau (Parti socialiste) et Mark Eyskens du Cvp (Parti populaire chrétien). Danneels, répondant à la chaîne de télévision, n'a pas voulu commenter les déclarations des politiciens. En 1990, les 14 membres du gouvernement belge, une coalition dirigée par le CDV (nd: Christen-Democratisch en Vlaams, Chrétiens-démocrates et flamands, CD&V), ont donné le feu vert à une loi sur l'avortement jugée très permissive. Le roi Baudouin refusa de le signer, se trouvant temporairement (deux jours) et arbitrairement déclaré empêché de régner par le Parlement qui remplaça le souverain en signant la loi. Si la déclaration des deux politiciens - jamais démentie - était vraie, on aurait la situation paradoxale d'un cardinal exhortant un laïc, le roi, qui défend au contraire ses principes catholiques. Le roi aurait dit: «Je ne signerais pas même si le Pape me le demandait».

Et puis il y a l'affaire de l'enregistrement - transmis aux journaux - d'une victime d'abus de la part d'un évêque. L'abusé était le neveu du prélat, et il était allé parler avec Danneels, qui l'aurait exhorté à ne pas donner de publicité aux faits, puisque de toute façon un an plus tard l'évêque coupable allait atteindre la fin de son mandat... L'enregistrement, diffusé par la presse, a provoqué une indignation nationale et une partie de l'opinion publique a demandé que le cardinal ne participe pas au conclave.

Danneels est celui qui a forgé le terme "Mafia de Saint-Gall" pour désigner le groupe d'évêques et de cardinaux qui se réunissaient dans la ville suisse pour organiser à l'avance la succession à Jean-Paul II; et déjà en 2005, le candidat était Jorge Mario Bergoglio. La suspension "géographique" des rencontres de Saint-Gall n'a pas signifié la fin des opérations, qui se sont poursuivies sous le pontificat de Benoît XVI et qui ont atteint leur but en mars il y a six ans. On ne peut oublier le livre de Catherine Pepinster, directrice du journal anglais The Tablet, catho-progressiste, intitulé "The Keys and the Kingdom" (2017). Il y est dit que le cardinal Cormac Murphy-O'Connor (1932-2017), ancien archevêque de Westminster et membre de la "Mafia de Saint-Gall", a organisé à Rome, dans les locaux de l'ambassade britannique, au moins une rencontre pour convaincre les cardinaux du Commonwealth de voter pour l'archevêque de Buenos Aires. Volontairement exclus de cette invitation, toutefois, le cardinal Marc Ouellet, canadien, préfet de la Congrégation pour les évêques, et le cardinal George Pell, australien. On craignait probablement qu'ils déconseillent son action de lobbying. Murphy O'Connor n'était plus autorisé à voter au conclave, pour raison d'âge ; mais il était à Rome pour participer aux congrégations, c'est-à-dire aux réunions des cardinaux qui précèdent le conclave et qui sont également ouvertes à ceux qui ont plus de 80 ans.

En 2014, avant même le livre de Pepinster, Austen Ivereigh, ancien porte-parole de O'Connor et admirateur du pape François, dans son livre The Great Reformer, avait écrit que les cardinaux qui déjà en 2005 avaient fait pression pour l'élection de Bergoglio «avaient appris la leçon de 2005 et étaient cette fois bien organisés. Tout d'abord, ils s'assurèrent du consentement de Bergoglio. Quand ils lui demandèrent s'il était disponible, il répondit qu'il croyait qu'en ces temps de crise pour l'Église, aucun cardinal, s'il était invité, ne pourrait refuser. Murphy O'Connor l'avertit de prendre garde que cette fois c'était son tour, et l'autre répondit en italien: "Capisco" - je comprends».
Ce qu'Ivereigh a écrit pose un problème: cela va à l'encontre des règles du conclave, établies par Universi Dominici Gregis:

«Que les Cardinaux électeurs s'abstiennent de toute espèce de pactes, d'accords, de promesses ou d'autres engagements de quelque ordre que ce soit, qui pourraient les contraindre à donner ou à refuser leur vote à un ou à plusieurs candidats. Si ces choses se produisaient de fait, même sous serment, je décrète qu'un tel engagement est nul et non avenu, et que personne n'est obligé de le tenir ; et dès à présent, je frappe d'excommunication latæ sententiæ les transgresseurs de cette interdiction. Cependant, je n'entends pas interdire les échanges d'idées en vue de l'élection, durant la vacance du Siège». (§81).


Danneels était avec le Pape le 13 mars à la Loge de Saint Pierre. Et il a ensuite été invité par le Souverain Pontife - autre élément qui a suscité une certaine surprise - aux synodes sur la famille en 2014 et 2015. Il y a quelque temps, certains parlaient, au Vatican et ailleurs, de la réalité d'un "gouvernement fantôme" dans lequel le super homme de confiance du Pontife, Beniamino Stella, Préfet pour le clergé et ancien diplomate, jouerait un rôle de "hub". Le "conseil" secret aurait inclus des cardinaux qui étaient de vieux amis du Pape, comme Danneels et O'Connor, l'allemand Kasper et les Américains Mahony et McCarrick. Danneels aurait travaillé pendant des années pour préparer l'élection du Pape François, qui sest produite en 2013. Le groupe de Saint-Gall voulait une réforme drastique de l'Eglise, beaucoup plus "moderne" et actuelle, avec Jorge Bergoglio, le Pape François à la barre. Comme c'est arrivé ensuite. C'est ce qui explique le ton exagérément hagiographique des articles de commémoration.

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