Il y a 56 ans s'ouvrait le Concile

et Jean XIII prononçait le discours d'ouverture commençant par cette affrmation optimiste: "L'Église Mère se réjouit"... C'est pourtant là que se trouve en germe tout le drame de l'Eglise aujourd'hui. Réflexion d'AM Valli (12/10/2018)

>>> Le discours de Jean XXIII Gaudet Mater Ecclesia (laportelatine.org)

Quand le Pape Jean a dit : «Gaudet Mater Ecclesia!»


aldomariavalli.it
11 octobre 2018
Ma traduction

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Aujourd'hui, 11 octobre, marque l'anniversaire (cette fois aussi, entre autre, c'était un jeudi) de l'ouverture solennelle du Concile Vatican II et du discours historique du Pape Jean XXIII : «Gaudet Mater Ecclesia».

Je vais être sincère: il fut un temps où je me suis identifié au discours du Pape Jean. A l'époque, je pensais que les «prophètes du malheur», comme les appelait Roncalli, l'étaient vraiment. Puis j'ai dû constater qu'ils avaient plus d'une raison.

Quand j'entends les premiers mots du discours du Pape («Gaudet Mater Ecclesia»... L'Église Mère se réjouit...), je ressens un mélange d'émotion et de gêne. Emotion parce que j'imagine les rêves cultivés par ceux qui ont cru de bonne foi au Concile (je dis que je l'imagine parce qu'à l'époque j'avais quatre ans); gêne parce que la plupart de ces rêves sont devenus des cauchemars, comme nous le voyons à notre époque.

Il ne sera pas inutile, cependant, de rappeler que dans «Gaudet Mater Ecclesia», le Pape Jean, tout en manifestant un optimisme qui, aujourd'hui, à la lumière des événements qui ont suivi, peut nous sembler naïf, répète à plusieurs reprises le désir de réaffirmer et confirmer le Magistère.

En effet, il dit dans un passage central : «L'humble Successeur du Prince des apôtres qui vous parle, le dernier en date, a voulu en convoquant ces importantes assises donner une nouvelle affirmation du magistère ecclésiastique toujours vivant et qui continuera jusqu'à la fin des temps». Puis, plus loin: «Ce qui plus que tout intéresse le Concile, c'est que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit gardé et enseigné plus efficacement». Et encore : «.... Puisque cette doctrine embrasse les multiples domaines de l'activité humaine, individuelle, familiale et sociale, il est nécessaire avant tout que l'Eglise ne détourne jamais son regard de
l'héritage sacré de vérité qu'elle a reçu des anciens». Et encore: «Le XXIe Concile œcuménique ... veut transmettre intacte, non diminuée, non déformée, la doctrine catholique qui, bien qu'entre difficultés et controverses, est devenue le patrimoine commun des hommes».

Comme nous pouvons le voir, la volonté de confirmer les frères dans la foi, sans la changer, est répétée plusieurs fois. Toutefois «Gaudet Mater Ecclesia» contient aussi des mots qui ont permis de saper l'objectif initial. Les voici: «Cependant, ce précieux trésor nous ne devons pas seulement le garder comme si nous n'étions préoccupés que du passé, mais nous devons nous mettre joyeusement, sans crainte, au travail qu'exige notre époque, en poursuivant la route sur laquelle l'Eglise marche depuis près de vingt siècles... En effet, autre est le dépôt lui-même de la foi, c'est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée».

Eh bien, c'est dans cette fente que se sont enfilés les partisans de ce "renouveau" qui a ensuite conduit aux abus: la manière de présenter la doctrine. La même fente utilisée aujourd'hui aussi pour changer la doctrine qui, selon le pape Jean, devait rester inchangée.

Comme bannière, les champions du renouveau, ont choisi un mot: pastoral. A la faveur d'un passage de «Gaudet Mater Ecclesia» dans lequel le pape dit qu'«Il faudra attacher beaucoup d'importance à la forme et travailler patiemment, s'il le faut, à son élaboration; et on devra recourir à une façon de présenter qui correspond mieux à un enseignement de caractère surtout pastoral», une sorte d'idéologie de la pastorale est née, un "pastoralisme" qui a conduit à de nombreuses maladies, comme le spontanéisme (pensons à la liturgie!) et l'activisme, mais aussi la reddition face au laïcisme et au séculartisme.

Le Pape Jean a beau dire: « il n'a jamais été aussi manifeste que la vérité du Seigneur demeure éternellement», en réalité, au moment même où il invoque l'esprit pastoral, il ouvre la porte à la contestation doctrinale.

Mais il y a un autre passage de «Gaudet Mater Ecclesia» qui a été instrumentalisé. C'est là où le pape disait : «aujourd'hui, l'Epouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité».

Voilà une autre fente qui a permis l'entrée de l'équivoque, de l'abus et de l'hétérodoxie. Aux côtés de «pastorale», «miséricorde» est devenue la bannière des rénovateurs à outrance.

Dans «Gaudet Mater Ecclesia», en somme, il y avait déjà les virus qui ont ensuite conduit l'Église à tomber malade. Et la tentative d'équilibre faite par le pape Jean n'a pas servi à grand-chose. C'est vrai: il a dit que «L'Eglise catholique, en brandissant par ce Concile oecuménique le flambeau de la vérité religieuse au milieu de cette situation, veut être pour tous une mère très aimante, bonne, patiente, pleine de bonté et de miséricorde pour ses fils qui sont séparés d'elle», mais le flambeau de la vérité catholique, en réalité, fut rapidement mis de côté et se concentra de plus en plus sur une idée de miséricorde détachée de l'idée de justice.

Je recommande aux jeunes, s'ils ne l'ont pas encore fait, de lire «Gaudet Mater Ecclesia». Cinquante-six ans ont passé et la barque de Pierre, gouvernée par les successeurs de Jean dans des eaux souvent tempêtueuses, a continué tant bien que mal à naviguer. Mais vraiment là, dans «Gaudet Mater Ecclesia», il y a déjà, en germe, toute l'histoire, et tout le drame, de l'Église post-conciliaire.

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