Le Pape en Suisse: dépôt de bilan annoncé

Les coûts exhorbitants de la visite du Pape à Genève. Cela en valait-il vraiment la peine? (25/6/2018)

Du temps de Benoît XVI et de ses (moins nombreux) voyages apostoliques à l'étranger, j'étais toujours exaspérée devant les commentaires fielleux des cassandres médiatiques, qui dénonçaient des semaines, voire des mois à l'avance, le coût faramineux du voyage. Je n'ai pas changé d'avis, mais apparemment, les mêmes cassandres médiatiques, qui adorent pourtant ce Pape tellement cool, n'ont pas changé non plus. La différence, c'est que chacun des voyages de Benoît XVI était méticuleusement pensé pour "confirmer ses frères dans la foi" ce qu'il prenait soin de rappeler systématiquement. Alors qu'ici, dans le désert spirituel de la Suisse, où le tourisme de l'euthanasie est, à ce qu'on dit, florissant, le Pape n'avait rien de plus urgent à faire que de "dialoguer" avec ses "frères" protestants (attirant toujours une foule imposante: apparemment il n'y a que les italiens qui, pour l'entendre quotidiennement à la télévision, lui manifestent visiblement leur désaffection en désertant ses apparitions publiques)
Mais on ne peut s'empêcher de sourire devant le décalage entre la volonté affichée de promouvoir un "Eglise pauvre pour les pauvres" (en 2013, pour la messe d'inauguration du Pontificat, le Pape avait même demandé à ses compatriotes argentins de ne pas venir à Rome, et de donner l'argent ainsi économisé aux pauvres) et la dure réalité de ce qu'il faut bien appeler marketing papal. On pourra toujours objecter que le Pape n'y est pour rien. Oui... mais alors à quoi rime toute cette ostentation paupériste qui est la marque (médiatique) de ce pontificat, et qu'il utilise à son seul profit?

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Léon Bertoletti
www.riscossacristiana.it
23 juin 2018
Ma traduction

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«Une grande entreprise en pure perte [ndt: traduction officielle sur le site du Vatican, en v.o. italiennne: in perdita. On pourrait aussi dire "en déficit"]» . C'est en ces termes - parmi d'autres circonlocutions et périphrases vaines et creuses sur la rhétorique du marcher ensemble - que Checco I a défini l'œcuménisme dans sa visite à la Rome protestante, à la cité de Calvin, à Genève.

Les fans les plus déchainés de la rockstar en robe blanche se sont limités à la lecture évangélique du message, de l'événement célébré évidemment en pleine page par la Tribune de Genève (qui, cependant, quelques pages plus loin, accueille laïquement, il faut aussi le noter, les annonces épicées d'Ana, Jenny, Lisa, Nadia, une belle brésilienne, une belle chinoise, une petite indienne [en français dans le texte] et autres soubrettes et petites infirmières sexy). Mais c'est sur autre chose que s'est focalisée l'attention des "journaleux" [cronisti praticoni], toujours concrets et attentifs aux choses d'ici-bas plus qu'à celles d'en-haut. Parce que l'oikoumene, tout comme le voyage papal, a ses coûts. Et les comptes ne tombent pas juste.

«Les coûts énormes causés par la visite du Pape François à Genève pèseront lourdement sur les caisses du diocèse hôte», a même souligné l'Agence Télégraphique Suisse, une agence de presse objective, faisant autorité. Même l'évêque Charles Morerod (à la tête d'un unique diocèse rebaptisé LGF, non pas pour rappeler l'abréviation LGBT mais seulement parce qu'il réunit les villes de Lausanne, Genève et Fribourg) a dû admettre, interviewé par le journal francophone La Liberté de Fribourg, que oui, le voyage de Bergoglio laisse planer «la possibilité d'une faillite». «Bistum droht wegen Papstbesuch der Konkurs» («Le diocèse menacé de faillite à cause de la visite du Pape») a même titré le tabloïd suisse en langue allemande Blick, certes toujours enclin à faire usage de tons forts, excessifs, apocalyptiques, scandaleux. Mais la conclusion est raisonnable.

Le budget annuel du diocèse est d'environ deux millions de francs (à peu près un million sept cent mille euros). La petite virée pontificale d'une seule journée a coûté, au total, 2,2 millions, toujours en francs suisses: un montant énorme, inhabituel, disproportionné par rapport aux caisses du catholicisme local, même en passant sur l'inévitable blague: «Et les pauvres, rien?»

Le prélat a dû expliquer : «Nous n'imaginions pas qu'il faudrait louer une cinquantaine de portiques de sécurité», avec les détecteurs de métaux pour contrôler l'entrée des participants, «pour la plupart (les portiques?) venant d'Allemagne, de Grande-Bretagne et de Norvège». La Curie ne pouvait pas non plus prévoir que les chaises manqueraient, à cause de la Fête de la Musique et des fêtes de fin d'année dans les écoles genevoises programmées le même jour que l'arrivée du Pontife. Ainsi, 22 camions chargés de chaises ont dû venir de France pour accueillir les plus de quarante mille personnes à la Messe au Palexpo (un succès fou, il faut bien le dire; dans le même lieu, les concerts de Metallica, Mylène Farmer et Depeche Mode ont attiré un maximum de vingt-quatre mille spectateurs). De plus, a encore dit Mgr Morerod «nous avons dû louer pas moins de 105 bus» et la facture pour le transport pouvait atteindre 300 mille francs (environ 260 mille euros).

D'accord, l'évêque est optimiste. «J'ai de bonnes raisons de croire que nous ne nous retrouverons pas avec une dette sur le dos. Il faudra prier saint Joseph». Et encore : «J'ai déjà constaté beaucoup de générosité et de compréhension. Nous n'avons pas trouvé de gros sponsors, mais des donateurs de toutes sortes. Les corporations de la Suisse toute entière nous soutiennent. Une couverture partielle du déficit est prévue». Mais tout le monde, y compris parmi ses collaborateurs, n'est pas aussi certain d'une sortie du rouge, qui cette fois n'est pas la couleur d'un cardinal de la Sainte Eglise Romaine mais celle du passif dans le bilan.

Et, au fond, il ne reste qu'une seule question: cela en valait-il vraiment la peine ?

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