Les jeunes abandonnent l'Eglise...

Ce qui manque, c'est le témoignage des chrétiens, dit François, spécialement des prêtres, jusqu'au sommet. Mais lui, son silence face aux accusations de Vigano est-il un témoignage crédible? Article de Marco Tosatti (2/2/2019)

Question posée au Pape par un journaliste lors de la conférence de presse durant le vol de retour du Panama (traduction Zenit):

Ces jours-ci, vous avez parlé avec beaucoup de monde et de jeunes. Et aussi avec des jeunes qui s’éloignent de l’Église. Quelles sont les raisons qui les éloignent?


Voici la réponse de François:

«Il y en a beaucoup, certaines sont personnelles. Mais plus généralement, c’est le manque de témoignage des chrétiens, des prêtres et des évêques. Je ne dis pas des papes parce que c’est trop, mais… eux aussi. Si un pasteur fait l’entrepreneur ou l’organisateur d’un plan pastoral, s’il n’est pas proche des gens, il ne donne pas un témoignage de pasteur. Le pasteur doit être avec les gens. Le pasteur doit être devant le troupeau, pour indiquer le chemin. Au milieu du troupeau pour sentir l’odeur des gens et comprendre ce que sentent les gens, de quoi ils ont besoin. Et il doit être derrière le troupeau pour veiller sur l’arrière-garde. Mais si un pasteur ne vit pas avec passion, les gens se sentent abandonnés ou éprouvent un certain sentiment de mépris. Ils se sentent orphelins.
J’ai parlé avec des pasteurs, mais il y a aussi les chrétiens, les catholiques. Il y a des catholiques hypocrites, qui vont à la messe tous les dimanches et qui ne paient pas le treizième mois, ils te paient au noir, ils exploitent les gens. Et ensuite ils vont aux Caraïbes pour les vacances, en ayant exploité les gens. Si tu fais cela, tu donnes un contre-témoignage. C’est à mon avis ce qui éloigne le plus les gens de l’Église. Aux laïcs, je suggèrerais : ne dis pas que tu es catholique si tu ne donnes pas un témoignage. Tu peux plutôt dire : je suis d’éducation catholique, mais je suis tiède, je suis mondain, excusez-moi, ne me regardez pas comme un modèle. Voilà ce qu’il faut dire. J’ai peur de ce genre de catholiques, qui se croient parfaits. L’histoire se répète, la même chose s’est produite pour Jésus avec les docteurs de la loi, qui priaient en disant : "Je te remercie, Seigneur, parce que je ne suis pas comme ces pécheurs


Et voici le commentaire de Marco Tosatti:

Le Pape, les jeunes qui s'en vont, le silence sur Vigano


Marco Tosatti
2 février 2019
www.marcotosatti.com

* * *

Voilà donc les mots du Pontife sur l'abandon de l'Église. Des mots qui sont certainement justes. Mais en plus du témoignage, de la proximité du pasteur - à tous les niveaux - avec les gens, et de l'hypocrisie des catholiques (pouvait-elle manquer? De ceux qui vont à la messe, évidemment... mais de ceux qui se disent catholiques et qui font la promotion de l'avortement jusqu'au neuvième mois pas même une allusion) je voudrais ajouter quelque chose.

Le 26 août dernier a été rendu public le témoignage de Mgr Viganò, qui a directement et à visage découvert mis en cause le Pontife. Il demandait raison de son comportement, c'est-à-dire pourquoi il avait favorisé et libéré des restrictions imposées par Benoît XVI un cardinal serial-abuseur, Theodore McCarrick. L'utilisant comme son envoyé dans différentes parties du monde, et comme conseiller dans la gestion de la politique de l'Eglise aux Etats-Unis. Promouvant - c'est un fait - des personnes liées à McCarrick et à son groupe. Un fait qui perdure aujourd'hui.

Le Pape n'a pas répondu. Et même, il a déclaré qu'il ne dirait pas un mot. Ce silence, ce refus de dire: 'c'est vrai/ce n'est pas vrai; j'ai eu tort, je n'ai pas compris', est un coup très sérieux porté à sa crédibilité. Et alors beaucoup de gens, catholiques et non-catholiques, ont pensé: quel tort un pasteur qui ne répond pas, qui ne clarifie pas et qui compte sur les attaques personnelles et le dénigrement pour ne pas donner de réponses fait-il à lui-même et à l'Eglise? Dans quelle mesure la confiance qu'on peut avoir en lui en est-elle affectée ?

Et la complaisance des médias ne suffit pas à le sauver. Lors de la conférence de presse de son retour du Panama, aucune question ne lui a été posée sur ce point. Personne n'a eu le courage de dire: Sainteté, le 26 août, vous nous avez dit de lire ce que disait Mgr Viganò et de nous faire une idée. Nous avons lu. Mais vous, que dites-vous? Est-ce vrai, ou Mgr Viganò ment-il? De même, aucune question n'a été posée sur le fait qu'un évêque argentin ait trouvé refuge - et un poste important au Vatican, créé spécialement pour lui - en dépit du fait que de multiples témoignages indiquent que le Vatican avait été informé de ses, disons, petits défauts dans sa conduite avec les séminaristes [ndt: Gustavo Zanchetta]. Mais dans ce cas, comme dans d'autres, il manque de la part du sommet un élément que les gens apprécient peut-être plus que tout autre, chez celui qui réclame la confiance, celui qui prêche, celui qui devrait exercer une autorité morale: la clarté. Au contraire, malheureusement, on a l'impression, une fois de plus, du "troncare, sopire, sopire, troncare" [litt, "tronquer et apaiser", citation d'Alessandro Manzoni dans I promessi Sposi]. Laissez tomber dans le silence les questions parfois dramatiques, parfois simplement embarrassantes. Comptant sur l'oubli.
Mais cela ne crée ni confiance ni attirance. Cela ne réchauffe aucun cœur, cela ne vous incite pas à dire: «J'ai confiance en lui».

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