"Lettre du Pape François au peuple de Dieu" (III)

C'est au tour d'un journaliste espagnol (lui non plus pas exactement pro-François) de nous expliquer pourquoi il n'a PAS LU la lettre (22/8/2018)

Pourquoi je n’ai pas lu la lettre de François sur les abus


infovaticana.com
Par Carlos Esteban, journaliste
Traduction de Carlota

* * *

Je vais faire une confession indigne d'un journaliste ; une déclaration qui justifierait qu'on m'enlève ma carte de presse si jamais, au cours de mes trente années de mandat, je l'avais faite: je n'ai pas lu le message du Pape en réponse au scandale révélé par le grand jury de Pennsylvanie.
Je le sais, c’est cela le pire : un journaliste doit toujours aller aux sources, et en ce qui concerne l’information religieuse, il ne peut pas y avoir de source plus importante que les paroles elles-mêmes du Saint Père, et plus encore quand il s’agit d’une affaire d’une actualité aussi brûlante que celle qui nous occupe.
Mais non, je ne l’ai pas lu. Je ne peux plus. Je l’ai ouvert, je l’ai tenu devant moi, j’ai vérifié, - merci au traitement de texte -, les mots que la lettre ne comportait pas, et je me suis senti incapable d’affronter un texte aussi convenu et prévisible.
Pour dire les choses en peu de mots : quand, après le scandale peut-être le plus grave que l'Église ait souffert depuis des siècles, la réaction du Saint-Siège n'est que des mots, j'avoue que ces mots ne m'intéressent pas beaucoup. Tout cabinet de relations publiques digne de ce nom peut faire des merveilles à cet égard, au point de tous nous faire pleurer.
Toute réaction qui n’inclut pas l’annonce d’un changement radical qui arrache à la racine la culture homosexualiste installée dans tellement de séminaires et de curies diocésaines, n’est qu’une tentative pour contenir les dégâts, comme le fait n’importe quelle entreprise qui reçoit une mauvaise publicité.

« Nous avons négligé et abandonné les petits », dit le Pape. Mais quand ces « petits », en l’occurrence les victimes du prêtre pédophile chilien Fernando Karadima, l’ont imploré d’accepter la renonciation de l’évêque Barros, un protégé de Karadima qui a assisté aux abus sans protester, le Pape les a appelés « calomniateurs ».
Il a demandé pardon pour cela, mais quand, une autre fois, ces petits, incarnés par 48 séminaristes du Grand Séminaire de Tegucigalpa, ont écrit une lettre ouverte en dénonçant le régime d’intimidation homosexuelle qui y régnait, le bras droit du Pape, le coordinateur de son très exclusif conseil privé C9, le puissant Cardinal Óscar Rodríguez Maradiaga, les a traités de menteurs et les a accusé de s’aligner sur l’ « anti-Église ».
Ces petits, ce sont les victimes d’abus pour lesquels le ministère public chilien a demandé des déclarations à la direction de l’Eglise au Chili y compris un prélat émérite, Errazuriz, qui est toujours membre du C9.

Le Pape vient de nommer “sostituto” (ndt en italien dans le texte) de la Secrétairie d’État aux affaires générale, un homme, le Vénézuélien Edgar Peña Parra, qui a fait pression pour que celui qui était alors le prêtre Juan José Pineda, écarté aujourd’hui après des accusations probables d’abus homosexuels, soit nommé évêque auxiliaire de Maradiaga (cf. Copinage). Une autre nomination récente a été celle de l’actuel évêque portugais José Tolentino Mendonça, qui assure que Jésus « n’a jamais établi de normes ».

Ce n’est pas seulement que le Vatican n’a rien dit sur cette crise jusqu’à ce qu’il devienne impossible et même dangereux, de ne pas le faire ; c’est que, comme nous n’arrêtons pas de le voir, il y a une déconnexion désespérante entre beaucoup des messages les plus prometteurs du Pape et ses actions concrètes, ses mesures réelles.
La «tolérance zéro » ne l’a pas été tant que cela, comme nous le voyons, de même que l’ « Église pauvre pour les pauvres » n’a pas signifié que François s’est défait de l’ APSA (l’énorme patrimoine immobilier du Vatican) malgré les appels constants à accueillir les réfugiés. Démagogie ? Non : prendre au sérieux le désir d’une Église pauvre.
La miséricorde que le Pape a toujours à la bouche et pour laquelle tout le monde lui adresse tellement de louanges, s’est montrée elle aussi extraordinairement sélective. En bénéficient ceux qui, pour ce qui est de pécher, pèchent du « bon » côté, ceux qui exagèrent, en tout cas, les lignes idéologiques que Sa Sainteté ne dissimule pas, comme l’ancien président brésilien emprisonné pour corruption, Lula da Silva. D’autres, les « rigides » ceux qui trouvent le Christ d’une façon plus proche de la manière traditionnelle, comme la Fraternité des Saints Apôtres ou les Franciscains de l’Immaculée, ont pu expérimenter l’autre face de François, implacable et sans appel ni explication.

Mercredi prochain commence à Dublin la Rencontre Mondiale des Familles sous l’égide de Sa Sainteté organisée par Kevin Farrell, qui a été un ami personnel, un collaborateur et un protégé de l’ex-cardinal McCarrick; une rencontre qui comptera avec la présence vedette du jésuite homosexualiste James Martin, et une rencontre pour laquelle se sont déjà excusés, à quelques jours du début, deux cardinaux qui devaient y faire d’importantes interventions, O’Malley et Wuerl (cf. Panique chez les cardinaux américains). Alors qu’il est évident que l’infiltration homosexuelle au niveau du clergé est le cœur même de cette situation qui a causé des « blessures qui ne peuvent pas être prescrites », chez les plus petits, l’évènement est présenté comme une façon d’ « adoucir » la position de l’Église sur l’homosexualité.
Libertad Digital (ndt journal d’informations en ligne, classé centre droite libérale) titre l’information avec les mots du responsable de presse du Vatican, Greg Burke, celui-là même qui n’a pas interrompu immédiatement ses vacances quand le rapport a été connu: Greg Burke - "Il est significatif que le Pape fasse référence aux abus comme à un crime, et pas seulement un péché". Mais non, ce n’est pas significatif quand une institution officielle comme le grand jury de l’État de Pennsylvanie l’a déjà fait.
Sur Vatican News qui est en passe de mériter le nom de Pravda francisquiste (ndr néologisme espagnol transparent), ils ouvrent aussi leur rubrique avec des commentaires de Greg Burke: « Le Pape le souligne aussi : il n’a jamais prescription pour les blessures ». Qu’est ce que cela veut dire exactement? Cela se traduit par quoi? Après la réduction à l’état laïc par Benoît XVI du prêtre pédéraste Mauro Inzoli, François l’a réhabilité, pour le séculariser de nouveau quand il a récidivé. Il n’y a pas de prescription pour les blessures, mais il y en a pour les délits.

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