Synode Amazonie, Instrumentum laboris

Alerte!! Ecologisme extrême, indigénisme, mea culpa de l'Eglise, ordination d'hommes mariés... Et l'Evangile dans tout ça? Premier décryptage sur la Bussola (18/6/2019)

>>> Le site officiel: www.sinodoamazonico.va
>>> La version en italien de l'I.L. (celle en français n'est pas en ligne pour le moment, du moins je ne l'ai pas trouvée).

Le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, a présenté l’instrument de travail (Instrumentum laboris) de la prochaine Assemblée synodale sur l’« Amazonie : nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale » (6-27 octobre 2019), ce 17 juin, au Vatican (fr.zenit.org)

Synode sur l'Amazonie, écologisme extrême et attaque au célibat


Nico Spuntoni
www.lanuovabq.it
18 juin 2019
Ma traduction
* * *

La présentation du document qui servira de base au Synode sur l'Amazonie qui se tiendra en octobre confirme ce qui était déjà dans l'air: une forte poussée écologiste, une exaltation non-critique de l'indigénisme jointe à une condamnation sans appel de la période coloniale, et la proposition d'ordonner les viri probati pour faire face à la pénurie des prêtres. Plusieurs passages sont également une critique directe du gouvernement brésilien dirigé par Bolsonaro.


----

Nous approchons du 6 octobre 2019, date de l'ouverture tant attendue du Synode des évêques de la région panamazonienne convoqué par le Pape François. Le mois dernier s'est tenue la deuxième réunion du Conseil Pré-Synodal au cours duquel l'Instrumentum laboris, c'est-à-dire le cadre sur lequel les Pères synodaux vont travailler, a été approuvé. Le document a été présenté hier lors d'une conférence de presse, par le cardinal Baldisseri, secrétaire général de l'institution.

Divisé en trois parties ("La voix de l'Amazonie", "L'écologie intégrale: le cri de la terre et des pauvres", "Église prophétique en Amazonie: défis et espoirs"), le document s'articule en chapitres consacrés aux thèmes jugés les plus urgents pour le devenir de cette région. L'idée du Synode est née du défi de créer un nouveau projet pastoral pour cette terre définie par le Cardinal Hummes, orateur général de l'événement, comme une "région transnationale". La recette qui semble émerger en ce sens de l'Instrumentum laboris - tant en termes de langage utilisé que d'objectifs fixés - présente de nombreux traits communs avec ceux des mouvements sociaux qui critiquent la mondialisation et qui étaient jusqu'à récemment profondément enracinés en Amérique latine.

En effet, en parcourant les chapitres, on peut retrouver des visions qui remontent à des courants comme l'écologie, le syndicalisme et l'indigénisme. Par exemple, on y trouve la présence d'un jugement historique totalement négatif de l'époque coloniale dans laquelle, ignorant la reconnaissance du sacrifice de tous ces missionnaires qui ont donné leur vie pour la transmission de l'Evangile, une place est réservée pour un mea culpa («l'annonce du Christ a été faite de connivence avec les pouvoirs qui exploitaient les ressources et opprimaient le peuple»). À la lumière de ce qui est présenté comme des erreurs du passé, l'Eglise - le document l'espère - doit probablement se distancier des «nouvelles puissances colonisatrices» et la «crise socio-environnementale» lui donne l'occasion de montrer aux peuples amazoniens qu'elle est de leur côté.

Le texte met en relation la menace environnementale et celle de la survie même des peuples autochtones et met l'accent sur la protection de la nature et le respect des droits de l'homme dans ce qui est défini comme «la deuxième zone la plus vulnérable de la planète». L'homme en tant que partie intégrante de la nature, dont le pillage risque de remettre en cause la survie des cultures de milliers de communautés indigènes, compromet ainsi l'équilibre biologique de la région. L'Eglise reprend à son compte les revendications des Indiens et des paysans dépossédés contre la déforestation, les déplacements forcés et autres interventions humaines sur le territoire, montrant du doigt les entités directement concernées: «les compagnies minières», mais aussi «les gouvernements locaux et nationaux et les autorités traditionnelles» accusés de connivence.

Le moment historique où intervient ce dur j'accuse pourrait ne pas être un hasard: en effet, Bolsonaro qui considère le changement climatique comme «une question secondaire», a remporté les élections en promettant un plan de développement des infrastructures en Amazonie, avec l'intention d'intégrer la région dans le système productif national. Dans une récente interview, en outre, le nouveau président a exprimé sa volonté d'ouvrir la réserve forestière amazonienne de Renca à l'exploitation minière. Une des nombreuses raisons pour lesquelles les Indiens n'aiment pas le nouvel exécutif qui, une fois installé, a immédiatement retiré au Département national des affaires indigènes (FUNAI, fond national de l'Indien) la compétence de réglementer les limites des réserves, la transférant au Ministère de l'agriculture.

Les médias progressistes sont désormais habitués à agiter le spectre d'un «péril génocidaire» pour les peuples autochtones à cause de la politique de Bolsonaro. Des tons alarmistes auxquels n'est pas étranger l'Instrumentum laboris présenté hier: le texte réserve une place à la dénonciation d'une corruption «protégée par une législation qui trahit le bien commun» et dont seraient responsables les grandes entreprises qui investissent dans l'exploitation de la richesse de l'Amazonie. Il s'en prend à la «criminalisation des protestations contre la destruction du territoire et de ses communautés», il parle de «drame des habitants de l'Amazonie» à cause de l'abattage des arbres, des déplacements forcés et de l'expansion de la frontière agricole.

En outre, sur le banc des accusés, on retrouve le «modèle économique extractiviste occidental», le «modèle culturel occidental», le «néocolonialisme aujourd'hui» avec des expressions qui appartiennent à un patrimoine conceptuel familier aussi aux mouvements populaires sud-américains. Parmi les suggestions indiquées pour éradiquer ce qui est défini comme les maux de la région, on n'échappe pas à des «affronts» contre l'exécutif brésilien actuel: l'invitation à «exiger la protection des zones / réserves naturelles, notamment en ce qui concerne leur délimitation / propriété», la promotion d'une «conscience environnementale et le recyclage des déchets», la demande aux gouvernements de «garantir les ressources nécessaires pour la protection effective des peuples indigènes isolés».

Ensuite, il y a le chapitre relatif au phénomène migratoire, politiquement et pastoralement négligé - selon ce qui est écrit dans le document - et face auquel «chaque communauté urbaine» doit être prête à accueillir «ceux qui arrivent inopinément avec des besoins urgents» en leur offrant «une protection contre le danger des organisations criminelles». Les communautés ecclésiales, quant à elles, ont le devoir de «faire pression sur les autorités publiques pour qu'elles répondent aux besoins et aux droits des migrants».

La dernière partie du document, intitulée «Église prophétique en Amazonie: défis et espoirs», est consacrée au plan ecclésiologique et pastoral. Ici est affirmé le fait que le visage spécifique de l'Église latino-américaine est marqué par «l'option préférentielle pour les pauvres» et s'exprime la nécessité d'une Église participative, créative et harmonieuse. C'est une troisième partie qui semble s'inspirer de la Théologie (dite) du peuple, porteuse d'exemples de justice sociale et dans laquelle, sous la forme de requêtes formulées par les communautés locales consultées, prend forme celle de «rejeter l'alliance avec la culture dominante et le pouvoir politique et économique pour promouvoir les cultures et droits des indigènes, des pauvres et du territoires», mais aussi de «surmonter tout cléricalisme» et de «dépasser les positions rigides qui ne prennent pas suffisamment en compte la vie concrète des personnes et la réalité pastorale».

A cet égard, l'aspect le plus important et le plus attendu est sans doute celui relatif aux nouveaux ministères. Le texte présente l'ouverture prévue sur la question des "viri probati", là où, partant du postulat que «le célibat est un don pour l'Église», la requête est formulée que «soit envisagée pour les zones les plus reculées de la région, la possibilité d'ordination sacerdotale de personnes âgées, de préférence indigènes, respectées et acceptées par leur communauté, même si elles ont déjà une famille constituée et stable, afin de garantir les sacrements qui accompagnent et soutiennent la vie chrétienne». Une condition jugée nécessaire par les rédacteurs pour passer de l'état d'«Église qui visite» à celui d'«Église qui demeure».

Enfin, l'autre élément particulièrement remarquable du document est l'attention accordée à la présence des femmes dans la vie ecclésiale, jugée jusqu'à présent «pas toujours valorisée». Le texte va au-delà de la demande d'une plus grande écoute et d'une plus grande implication pour elles, parlant de leadership dans «des espaces toujours plus vastes et importants dans le domaine de la formation: théologie, catéchèse, liturgie et écoles de foi et de politique». L'Église, dit l'Instrumentum laboris, doit accueillir et faire sienne «l'attitude féminine pour agir et comprendre les événements».

Enfin, en ce qui concerne la vie consacrée en général, l'une des suggestions faites pour revenir à l'Église primitive est d'encourager la participation politique des «personnes consacrées proches des plus pauvres et des plus exclus» et la recommandation d'inclure des processus éducatifs consacrés à l'interculturalité, l'inculturation et le dialogue entre spiritualités dans les processus de formation à la vie religieuse.

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.