Nous avons déjà évoqué l’interview que le pape a accordée à une journaliste-star de la chaîne américaine CBS, dont la presse avait publié des anticipations (notamment le passage où François qualifiait d’ « idiots » les scientifiques qui niaient le réchauffement climatique, ou au moins celui d’origine anthropique). L’interview a été diffusée en entier le jour de la Pentecôte (face à quelle audience? c’est la seule chose qui compte, en fait). Une fois de plus, les bras en tombent. C’est une enfilade de platitudes et de niaiseries « dans l’air du temps »- et pourtant l’entretien était dans sa langue maternelle. François vit-il au pays des bisounours? A lire ses réponses totalement dénuées de « fond » et maladroitement formulées aux questions soigneusement balisées de la journaliste, on se prend à s’interroger sur ses limites intellectuelles: ne le surestime-t-on pas un peu, en lui prêtant des intentions et des plans machiavéliques? Cela me gêne de le dire, s’agissant du chef de l’Eglise, mais n’est-il plus qu’un vieil homme fatigué, un peu dépassé par les évènements et facilement manipulable? Ou fait-il semblant? La question est peut-être irrespectueuse, mais elle se pose très sérieusement.

Réponses infantiles pour un monde infantile

.

CE QUI VIENT À L’ESPRIT DU CHEF DE L’ÉGLISE, SUR QUELS SUJETS, ET SURTOUT CE QUI NE VIENT PAS.

Giuseppe Nardi
katholisches.info
21 mai 2024

Le pape François s’est livré à une interview sur CBS sur les thèmes dans l’air du temps, tout en distribuant des coups de bâton aux « catholiques conservateurs ».

. . . . . .

Grâce à des extraits publiés à l’avance, les déclarations de l’interview du pape François sur CBS, diffusée le dimanche de Pentecôte, étaient déjà connues. Notamment son attaque frontale contre les « catholiques conservateurs » aux Etats-Unis, auxquels le chef de l’Eglise a attribué un « comportement suicidaire ». En réponse, les invectives du pape sont contredites de manière significative par le taux de natalité élevé dans les familles catholiques croyantes.

Voici la traduction de la transcription officielle des réponses du pape, telle qu’elle a été publiée par CBS.

Les questions ont été posées par la journaliste de CBS Norah O’Donnell, qui a mené l’entretien avec François en espagnol, sa langue maternelle.

L’interview doit être vue sous l’angle de la campagne présidentielle en cours aux Etats-Unis, bien que celle-ci n’ait jamais été mentionnée. Les sujets abordés sont très variés, les réponses le sont aussi.

Sur les sujets sociopolitiques et moraux brûlants et importants pour la gauche woke aux Etats-Unis, François donne apparemment des réponses infantiles pour un monde infantile. Elles sont réduites et déformées et passent à côté de l’essentiel.

François veut-il promouvoir une vision infantilisée ? Un pape n’a-t-il pas à enseigner et aussi à instruire ? Certaines réponses sont si lisses qu’elles semblent avoir été jetées à la hâte pour se faire applaudir et passer au sujet suivant.

François, cela semble évident, ne veut pas heurter l’esprit du temps. Il s’en prend d’autant plus aux « catholiques conservateurs ». Son langage doux comme de la soie devient d’un coup très dur.

Un chef d’église peut-il se tromper à ce point ?

Pour François, l’homosexualité est simplement « un fait humain ». Point final. La réponse à une question morale qui concerne le droit naturel et la loi divine, mais surtout le salut de l’âme des individus, est balayée d’une platitude. Le meurtre est aussi « un fait humain ». Et après ?

La question devrait donc plutôt être la suivante : Peut-on, en tant que chef de l’Eglise, se tromper à ce point, faire des raccourcis, se soustraire ainsi à sa mission d’enseignement ?

Voici les réponses de François avec indication du thème :

. . . . . .

Guerre en Ukraine

Norah O’Donnell : Avez-vous un message pour Vladimir Poutine concernant l’Ukraine ?

Pape François : S’il vous plaît… dans les pays en guerre, cessez tous de faire la guerre ! Cherchez la négociation. Cherchez la paix. Une paix négociée est toujours meilleure qu’une guerre sans fin.

Conflit au Proche-Orient

Norah O’Donnell : ce qui s’est passé à Gaza a provoqué une grande division et beaucoup de douleur dans le monde. Je ne sais pas si vous avez remarqué qu’aux États-Unis, il y a beaucoup de manifestations dans les universités et un antisémitisme croissant. Que diriez-vous pour changer cela ?

Pape François : Toute idéologie est mauvaise. Et l’antisémitisme est une idéologie, et elle est mauvaise. L’« anti » est toujours mauvais. On peut critiquer tel ou tel gouvernement, le gouvernement israélien, le gouvernement palestinien. On peut critiquer ce que l’on veut, mais pas contre la race. Ni anti-palestinien, ni antisémite. Non.

Norah O’Donnell : Je sais que vous appelez à la paix. Vous avez appelé à un cessez-le-feu dans nombre de vos sermons. Comment pouvez-vous aider à négocier la paix ?

Pape François : [soupir] Prier. Je prie beaucoup pour la paix. Et suggère aussi : « S’il vous plaît, arrêtez. Négociez ».

Migration

Norah O’Donnell : Mes grands-parents étaient catholiques. Ils ont émigré d’Irlande du Nord vers l’Amérique dans les années 1930, à la recherche d’une vie meilleure. Et je sais que votre famille aussi est partie, avant le fascisme. Vous avez parlé des migrants, dont beaucoup sont des enfants, et vous avez dit que vous demandiez aux gouvernements de construire des ponts, pas des murs.

Pape François : La migration est une chose qui fait grandir un pays. On dit que vous, les Irlandais, avez immigré et apporté le whisky, et que les Italiens ont immigré et apporté la mafia… [rires]. C’est une blague, ne le prenez pas mal. Mais les migrants souffrent parfois beaucoup. Ils souffrent beaucoup.

Norah O’Donnell : J’ai grandi au Texas. Et je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais l’État du Texas tente de fermer une organisation caritative catholique à la frontière avec le Mexique, qui fournit une aide humanitaire aux immigrants sans papiers. Qu’en pensez-vous ?

Pape François : C’est de la folie, de la folie. Mais fermer la frontière et les laisser là … c’est de la folie. Les migrants doivent être accueillis. Ensuite, nous verrons comment ils seront traités. Peut-être qu’ils devraient être renvoyés, je ne sais pas, mais chaque cas devrait être examiné avec humanité… avec humanité.

Norah O’Donnell : votre premier voyage en tant que pape vous a conduit sur l’île de Lampedusa, où vous avez parlé de la souffrance. Et j’ai été très impressionnée lorsque vous avez parlé de la mondialisation de l’indifférence. Qu’est-ce qui se passe ?

Pape François : Dois-je le dire en créole et très clairement ? Les gens se lavent les mains dans l’innocence ! Il y a tellement de Ponce Pilate lâches… qui voient ce qui se passe, les guerres, les injustices, les crimes… « ça va, ça va » et se lavent les mains dans l’innocence. L’indifférence. Quand le cœur s’endurcit… et qu’il devient indifférent.
S’il vous plaît, nous devons rendre le cœur sensible à nouveau. Nous ne pouvons pas être indifférents à ces drames de l’humanité. La mondialisation de l’indifférence est une très vilaine, très vilaine maladie.

Scandale des abus sexuels

Norah O’Donnell : Vous avez essayé plus que quiconque de réformer l’église catholique et de faire pénitence pour les innommables abus sexuels commis par des membres du clergé sur des enfants pendant des années. Mais l’église en a-t-elle fait assez ?

Pape François : Elle doit continuer à le faire. Malheureusement, le drame de l’abus est énorme. Et pour cela, il faut avoir une bonne conscience ; et non seulement ne pas laisser faire, mais créer les conditions pour que cela ne se produise pas.

Norah O’Donnell : Vous avez dit « tolérance zéro ».

Pape François : Il n’y a pas de tolérance. S’il y a un cas d’abus dans l’église de la part d’un homme ou d’une femme consacré(e), toute la loi s’applique à eux. Beaucoup de progrès ont été faits dans ce sens.

« Accueil » des homosexuels

Norah O’Donnell : L’année dernière, vous avez autorisé les prêtres catholiques à bénir les couples de même sexe. C’est un grand changement. Pourquoi ?

Pape François : Non, ce que j’ai permis, ce n’est pas de bénir l’union. Je ne peux pas le faire. C’est le Seigneur qui peut. Mais je bénis chaque personne. La bénédiction est pour tous. Pour TOUS. Bénir une union homosexuelle est contre la loi, la loi naturelle, la loi de l’église. Mais bénir chaque personne, pourquoi pas ? La bénédiction est pour tout le monde. Certains se sont indignés à ce sujet. Pourquoi ? Pour tout le monde. Pour tout le monde!

Norah O’Donnell : Vous avez dit : « Qui suis-je pour juger ? L’homosexualité n’est pas un crime.

Pape François : Non, c’est un fait humain.

Norah O’Donnell : Il y a des évêques conservateurs aux Etats-Unis qui s’opposent à vos nouveaux efforts pour repenser les enseignements et les traditions. Comment réagisssez-vous à leurs critiques ?

Pape François : Ils utilisent l’adjectif « conservateur », ce qui signifie que le conservateur est quelqu’un qui s’accroche à quelque chose et ne veut pas voir au-delà. C’est une attitude suicidaire, car c’est une chose de prendre en compte la tradition, de considérer les situations du passé, et c’en est une autre de s’enfermer dans une boîte dogmatique.

Le commerce moderne d’enfants : la « maternité de substitution ».

Norah O’Donnell : Je connais des femmes qui ont survécu à un cancer et qui ne peuvent pas avoir d’enfants, et elles se tournent vers les mères porteuses. C’est contraire à l’enseignement de l’Eglise.

Pape François : Parler de maternité de substitution, au sens le plus technique du terme, non, ce n’est pas possible. Parfois, la maternité de substitution est devenue un business, et c’est très dur. C’est très dur.

Norah O’Donnell : Mais parfois, c’est le seul espoir pour certaines femmes.

Pape François : Peut-être. L’autre espoir est l’adoption. Je dirais que dans tous les cas, il faut se consulter clairement sur la situation, médicalement puis moralement. Je pense qu’il y a une loi générale dans ces cas-là, mais il faut voir la situation dans chaque cas particulier, tant qu’on ne passe pas outre le principe moral. Mais vous avez raison. J’aime, je tiens à vous le dire, votre expression lorsque vous m’avez dit : « Dans certains cas, c’est la seule chance ». Je peux voir que vous ressentez ces choses. Je vous remercie [sourire].

Norah O’Donnell : Je pense que c’est pour cela que tant de gens… ont trouvé de l’espoir en vous, parce que vous étiez plus ouvert et plus compréhensif que peut-être les anciens dirigeants de l’église.

Pape François : Il faut être ouvert à tous. L’église est cela : tout le monde, tout le monde, tout le monde. « Qu’est-ce qu’un pécheur ? » Moi aussi, je suis un pécheur. Tout le monde ! L’évangile est pour TOUS. Si l’église met un poste de douane à sa porte, elle cesse d’être l’église du Christ. Tout le monde.

Norah O’Donnell : Quand vous regardez le monde, qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ?

Pape François : Tout. On voit des tragédies, mais on voit aussi… tellement de belles choses. On voit des mères héroïques, des hommes héroïques, des hommes qui ont de l’espoir, des femmes qui vont de l’avant. Cela me donne beaucoup d’espoir. Les gens veulent vivre. Les gens vont de l’avant. Et les gens sont fondamentalement BONS. Nous sommes tous fondamentalement bons. Il y a donc quelques méchants, des pécheurs, mais le cœur est bon.

Share This