dans le discours conclusif de leur dernière Assemblée générale à Lourdes. Un constat s’impose. Nos évêques nous prennent pour des demeurés.
J’hésitais à parler de ces élections, mais puisque participer à la vie publique (donc politique) du pays dont il est citoyen est un devoir pour tout catholique (cf. CEC) et que ce sont nos évêques eux-mêmes qui veulent nous guider (pourquoi pas? mais alors qu’ils nous donnent de bonnes raisons d’aller voter, et qu’ils nous parlent clairement), je me permets de reproduire la dernière lettre (remarquable) de Paix Liturgique, qui devrait permettre au moins de réfléchir aux enjeux de ce vote.
Préambule:

le Parlement européen est un leurre, un outil qui n’existe que pour faire semblant que l’UE est démocratique. Il suffit de lire les Traités européens (tous accessibles gratuitement en ligne !) pour comprendre que ledit Parlement n’a JAMAIS été conçu pour pouvoir faire basculer les politiques européennes et le fonctionnement de l’UE !

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https://twitter.com/Stephane_Poli/status/1792316093333152183

EUROPE – UKRAINE

LA GRANDE PITIE DE LA PENSEE POLITIQUE INTERNATIONALE
DES EVEQUES DE FRANCE

LA CHRONIQUE GLACANTE D’EUSEBIO CAFFARELLI

Paix Liturgique, lettre n. 1041
22 mai 2024

La production communicationnelle de la CEF est un genre littéraire à lui tout seul, ardu à déchiffrer, non point tant par la profondeur de la pensée ou la hauteur des vues exprimées et offertes à la réflexion des catholiques de France, que par la pratique du « ni oui ni non », du « en même temps », du « béni oui-oui », propres à cette langue de buis qui prolonge, pour notre temps, les fameuses « motions radicales-socialistes » qui marquèrent les heures les plus glorieusement parlementaristes et politicardes des IIIe et IVe Républiques.

Nosseigneurs viennent d’en apporter la preuve supplémentaire, à la suite de leur dernière rencontre à Lourdes. Nous avons là un discours de clôture de plus de onze pages serrées, dont il est impossible de rendre compte de façon exhaustive sans paraphrase laborieuse et plus indigeste que l’original. Contentons-nous du passage où le président de la CEF, au nom de ses collègues, élargit son discours aux questions internationales :

« Enfin, l’Europe.

Au mois de juin auront lieu les élections pour le Parlement européen qui détermineront aussi la composition de la prochaine Commission européenne.

Lors de chacune de ces élections, nous rappelons nous évêques, qu’il s’agit de prendre une décision pour l’Union Européenne et non pas d’exprimer notre approbation ou notre ressentiment ou notre déception à l’égard de notre gouvernement national.

Nous rappelons aussi que ces élections sont importantes, qu’elles relèvent de notre responsabilité de citoyens et qu’il importe donc de s’inscrire sur les listes électorales si ce n’est déjà fait et d’aller voter le jour venu.

Au moment où nous sommes, je voudrais dire fortement que l’Union Européenne, même si elle en prend souvent l’aspect, n’est pas qu’une union économique ou commerciale. Elle est une aventure spirituelle. Elle est le fruit de la décision de pays qui se sont souvent fait la guerre au long des siècles de se lier les uns aux autres pour apprendre à vivre dans une paix qui ne soit pas une juxtaposition plus ou moins pacifique mais une collaboration et une entraide aussi large que possible.

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Alors que la guerre fait encore rage entre l’Ukraine et la Russie, il est bon de réaliser que l’Ukraine résiste pour sa liberté et, partant, pour la nôtre, pour que nos sociétés continuent d’être fondées sur l’accord des libertés et non pas surtout sur le poids de l’histoire.

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Que nous le voulions ou non, l’Europe a fortement marqué l’histoire du monde. On évoque beaucoup aujourd’hui son déclin et il y a des raisons à cela. Mais si certains pays européens ont été tentés par la conquête du monde, ce qui caractérise l’Europe, c’est plutôt le respect et la promotion de la liberté et de la singularité de chaque peuple, et à l’intérieur de chaque peuple, la liberté et la singularité de chaque personne humaine, l’espoir qu’une coopération de ces singularités est possible et débouche sur un meilleur (sic).

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Notre vote, le 9 juin, ne doit pas être un vote de renoncement par l’Europe à sa responsabilité universelle ni un vote de renoncement par notre pays à sa responsabilité à l’égard du monde entier. Il devrait plutôt être un vote qui manifeste notre engagement à servir la liberté de penser et d’agir et d’œuvrer ensemble de notre pays comme de tous les pays.

Je vous recommande à tous de guetter la publication prochaine d’une lettre pastorale consacrée à l’Europe par les évêques de l’Euregio : l’archevêque de Luxembourg, les évêques de Metz et Verdun, Nancy et Toul, Troyes, Trêves, Liège, sous le regard du vénérable Robert Schumann. »

Chacune des propositions énoncées ici mériterait un commentaire approfondi, tant elles fourmillent d’à-peu-près, de poncifs, d’erreurs et d’idées creuses sur l’Europe en général et la situation actuelle sur ce (sous)continent. C’est une synthèse, comme dirait Audiard : thèse, antithèse et… foutaise !

Première calembredaine.

Elle est systémique, selon un vocabulaire qu’affectionnent « nos » évêques. Elle consiste à maintenir, contre vents et marées – perseverare diabolicum estl’ambiguïté entre Europe et Union Européenne.

Ce n’est pas digne d’une réflexion supposée aider nos concitoyens à mesurer les enjeux de leur choix aux élections de juin prochain.

L’Europe est une réalité civilisationnelle et historique, il faut le répéter avec insistance ; l’Union européenne est une institution burocratico-administrative qui n’a plus rien à voir aujourd’hui avec l’idéal d’un continent unit par l’œuvre millénaire des moines, la mise à l’honneur de la raison et le respect de la dignité de l’homme.

Comment peuvent-ils, avec autant d’impudence, feindre de ne pas voir que les instances européennes dans leur ensemble, politiques, parlementaires, juridiques, sociales, culturelles, favorisent systématiquement, depuis plusieurs décennies, tout ce qui conduit à la dénaturation de la famille, à la mise à bas des protections sociales, à la dissolution des identités nationales, sans oublier les atteintes à vie, bref, la contradiction massive des lois européennes avec les « principes non négociables » de la doctrine sociale de l’Église ? Cela relève du mystère.

Deuxième carabistouille.

Elle relève de l’éducation civique basique, enseignée dans les écoles européennes et dont, nos évêques, n’ont visiblement pas beaucoup profité. Nous faire croire que les élections européennes sont un processus démocratique qui influerait directement, je cite, sur la « détermination de la composition de la Commission européenne », relève du mensonge ou de l’auto-intoxication.

Quiconque connaît un tant soit peu les mécanismes internes de cette dernière institution, sait qu’elle relève essentiellement des gouvernements, de rapports de force entre les groupes de pression européistes, et que la future Assemblée ne possède en la matière qu’un droit de regard plus que vague. D’ailleurs, de facto, ce pouvoir-croupion n’a servi qu’à écarter des postes à pouvoir les candidats qui ne correspondaient pas à l’agenda libéral-libertaire des élites bruxelloises.

Rien de moins démocratique dans le choix des acteurs véritables de la politique européenne. Le Parlement est une chambre d’enregistrement, guère plus. Tous les observateurs savent le flou entretenu à ce sujet à Bruxelles, mais surtout, l’absence de démocratie réelle. « J’ai vécu dans votre futur, disait un dissident soviétique, à propos de l’UE ». Nous devons aux vrais défenseurs de la liberté, un « devoir de mémoire » authentique : celui ne de pas nous laisser bercer d’illusions et de mensonges. « Le mensonge ne passera pas par moi, disait un autre dissident plus fameux encore ». Visiblement, nos évêques n’en ont jamais entendu parler.

Troisième sornette.

« … l’Ukraine résiste pour sa liberté et, partant, pour la nôtre ».
Le président de la CEF ajoute, « pour que nos sociétés continuent d’être fondées sur l’accord des libertés et non pas surtout sur le poids de l’histoire ».

Passons sur le jargonnage pour nous intéresser au fond.

Dans quel univers parallèle vivent nos prélats ? L’Ukraine, symbole de notre liberté ? L’Ukraine, modèle et défenseur de la liberté et de l’humanisme ? On rêve ! Cet état failli, inféodé aux pouvoirs de l’argent le plus pourri, promoteur de la prostitution, du commerce des utérus, de la gay-pride et de tous les trafics possibles et imaginables, dont les gouvernements successifs depuis 2014 sont issus d’un coup d’État sanglant ? Ce gouvernement qui a, aujourd’hui, supprimé les partis politiques, fermé les médias d’opposition, et qui martyrise les communautés religieuses qui refusent l’inféodation. Comment oublier que Kiev, depuis 2014, n’a eu aucune forme de dialogue avec son opposition intérieure hormis la contrainte, l’arrestation et la violence. Jusque-là, il serait encore possible, au moins en théorie, de prétendre qu’il y a débat sur la situation.

Mais surtout, ce qui est le plus honteux, n’ayons pas peur des mots, dans les propos du prélat français, c’est de pousser sous le tapis la présence, minoritaire mais active, à tous les échelons de l’État ukrainien, d’organisations, reconnues officiellement, dont l’inspiration idéologique est très largement inféodée à celle du IIIe Reich. Rappelons qu’en bonne morale catholique, le mensonge par omission est un mensonge au même titre que les autres. L’infâme bataillon Azov, et son insigne inspiré de la SS, n’est que la partie émergée de l’iceberg. Nos évêques, si chatouilleux lorsqu’il s’agit de monter au créneau et d’emboiter le pas de l’oie des médias pour dénoncer les soi-disant relents « des heures les plus sombres de notre histoire » qu’ils discerneraient dans certains mouvements politiques français, seraient bien avisés d’affiner leurs instruments d’analyse de la situation politique en Ukraine. Comment peuvent-ils feindre d’ignorer la complicité des figures tutélaires mises en avant par Kiev (Bandera, Choukhevytch, etc.) avec les auteurs des massacres les plus ignobles de la Seconde Guerre mondiale. Mgr de Moulin-Beaufort est trop intelligent et cultivé pour ignorer ces choses-là, à moins que…

Quatrième faribole.

« L’Europe, c’est la paix ! » et voter contre l’Union européenne relèverait de la complicité avec les partisans de la guerre. Simplisme et raccourcis de la pensée et de l’analyse historique. La paix en Europe, de 1945 à 1991, est le produit de l’équilibre de la terreur, point à la ligne. La meilleure preuve en est que son fléchissement (relatif) fit ressurgir les conflits, en ex-Yougoslavie, par exemple. Les institutions européennes n’y sont pour pas grand-chose, et n’ont infléchi en rien les politiques belliqueuses de ses membres à travers l’institution militaire qui lui est liée statutairement, l’OTAN. Elle a ainsi porté la mort et la destruction jusqu’en Afghanistan.

Allez expliquer à un Iraquien, un Syrien, un Yéménite, ou à un habitant du Donbass, que « l’Europe c’est la paix ». Il vous rira au nez, ou s’écroulera en sanglots si tant est qu’il lui reste quelques larmes à verser. Rien n’a jamais été fait pour l’aider à faire la différence entre Occident, Europe, Otan, Communauté internationale et tapis de bombes.

Quant au passé, évoquer ces pays d’Europe qui, je cite, « ont été tentés de conquérir le monde… », est un euphémisme scandaleux. Il y a tant à dire sur l’épopée coloniale, même sans pathos ou névrose repentante, qu’un peu de précautions oratoires seraient appréciées par nos anciens dominés, devenus indépendants aujourd’hui, et souvent hypersensibles sur ces sujets. Quant à des considérations géopolitiques intelligentes, ce serait trop demander.

Dernière billevesée.

Nos évêques seraient fort avisés aussi, de lever le pied sur la référence au « vénérable » Robert Schuman. La prudence la plus élémentaire, en ce domaine, est de mise. Ni véritable ancien combattant ni résistant au nazisme, patriote aux allégeances fluctuantes, sous influence d’intérêts étrangers à ceux de son pays, il vaudrait bien mieux attendre que s’ouvrent toutes les archives concertant l’histoire de ces temps troublés, et que s’éteignent définitivement les querelles qu’ils engendrèrent, bref, que soit venu le temps de l’histoire non propagandiste, avant de le hisser sur le pavois. Nous leur suggérons la même circonspection qui avait été la leur appliquée au cas de Charles de Foucaud, au regard de ses implications dans la politique coloniale de la France en Algérie. Il n’y a aucune hâte à avoir dans ce dossier, sauf à soupçonner son instrumentalisation pour faire avancer d’autres pions moins reluisants.

Conclusion.

Une fois encore, au mieux les évêques de France prennent leurs ouailles pour des mineurs plus ou moins demeurés, incapables de juger par eux-mêmes et ignares, au pire, révèlent une inculture abyssale. Ils feraient bien de s’aviser qu’une telle attitude a ses limites et que celles-ci ne probablement plus très loin d’être atteintes.

Leur devoir en cette manière si délicate est pourtant d’une simplicité que l’on pourrait qualifier d’évangélique : appeler à la paix, à la réconciliation, prêcher pour que s’enclenchent aux plus vite des initiatives diplomatiques destinées à faire cesser ces combats fratricides et inutiles. Que font d’ailleurs à cet égard la CCEE ou la COMECE ?

Ce discours pourrait peut-être être taxé d’irénisme, il aurait au moins le mérite de faire oublier le silence abyssal des évêques français à propos les massacres provoqués dans le Donbass par leurs « petits protégés » depuis 2014, parfaitement reconnus (et aussitôt occultés) par des instances internationales tout à fait respectables. Sinon, les témoins le moins prévenus contre eux seront bien obligés de constater que, par conformisme, paresse ou, pire encore, les ghostwriters de l’épiscopat se contentent de régurgiter le narratif otano-médiatique, et de se faire, une fois encore, les amplificateurs naïfs du discours des maîtres à penser de notre temps, oublieux de leur vocation de pasteurs et de defensor civitatis, ballotés entre ignorance et naïveté coupable.

EUSEBIO CAFFARELLI dit « LE CHANOINE »

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