Après le discours de Ratisbonne et le prétendu « dérapage » anti-musulman de Benoît XVI (un discours qui s’est avéré par la suite être un sommet de son pontificat, reconnu comme tel même par ses ennemis), John Allen avait soulevé une question qui, sous sa plume, était purement rhétorique mais non moins déplacée: qui dira non à Benoît XVI?

Aujourd’hui, après les VRAIS dérapages à répétition de El Succesor, la question se pose à nouveau: qui dira non à François? Les médias vaticans semblent avoir pris le taureau par les cornes, en imposant des restrictions drastiques aux journalistes pour l’accès aux interventions du Pape (Franca Giansoldati dit que c’est le pape lui-même qui en est à l’origine, mais le doute est raisonnablement permis). Ce n’est pas forcément un mal, mais cela peut suggérer de fâcheuses comparaisons: en fait, c’est l’intempérance verbale du Pape lui-même qui est à l’origine de mesures qui font de plus en plus ressembler le Vatican à un Pyongyang miniature (j’exagère un peu, mais à peine)

Après la phrase sur la «frociaggine», tour de vis aux journalistes :

Textes sous embargo et audio au compte-gouttes.

Franca Giansoldati
Il Messagero
10 juin 2024

Les incidents de communication sont nombreux. Des mots mal compris et mal interprétés, d’autres prononcés sans imaginer les conséquences (souvent diplomatiques), ou des discours modifiés à la volée qui ont ensuite fait des ravages. Si l’on analyse ces onze années de pontificat, il en ressort d’authentiques blizzards qui ont contraint le pape François et sa com’ à réparer les dégats, même si parfois le colmatage s’est avéré pire que le trou. Jusqu’à corriger les guillemets des passages les plus controversés.

Le dernier gros incident planétaire s’est produit à propos de la réponse donnée à un évêque italien lors de l’assemblée de la CEI. Malgré le fait que Bergoglio avait recommandé de ne rien dire aux journalistes (qui n’étaient pas présents, à l’exception de ceux des médias de la Conférence épiscopale italienne), la phrase choc sur la frociaggine dans les séminaires est tout de même sortie des Murs sacrés (comme il fallait s’y attendre).

Le Pape François, fatigué de devoir faire face à des urgences de communication permanentes qui nuisent à son image et alourdissent son action gouvernementale, a décidé de resserrer encore les robinets avec la presse accréditée au Vatican.

Ainsi, à la longue série de restrictions déjà en vigueur (impensables à l’époque de Wojtyla et Ratzinger), il en a ajouté d’autres. Dès à présent, une grande partie des audios des audiences des groupes au palais apostolique, qui étaient auparavant écoutables en direct dans la salle de presse, ne seront plus disponibles, de même que les textes des discours préparés. Ceux-ci ont toujours été diffusés sous embargo dans l’attente de leur lecture pour faciliter le travail de la presse. Seules les catéchèses relatives à l’audience générale du mercredi et à la prière de l’Angélus resteront inchangées et distribuées. En revanche, les textes qui seront distribués aux journalistes seront uniquement ceux prononcés par le Pape, afin de garantir au Vatican une certaine vigilance sur les phrases a braccio du souverain pontife. En clair, les plus spontanées. Un changement de cap motivé par la nécessité pour le pape de ne pas jeter involontairement de l’huile sur le feu.

Ces mesures s’ajoutent à d’autres barrières que Bergoglio a érigées au fil du temps.

Par exemple, l’interdiction des pools de presse internationaux lors des visites de chefs d’État, ou encore les questions des interview dans l’avion, lors des voyages internationaux, qui sont de facto mises sous clé depuis quelques années pour limiter les questions gênantes. Les questions ne sont autorisées que si elles ont un rapport direct avec le pays visité et son histoire.

Les journalistes, dans cette phase du pontificat marquée par de grandes lacérations internes à l’Église, sont tenus à bonne distance. François préfère choisir ses interlocuteurs pour les interviews fleuves.


Dernièrement, le passage d’une interview accordée à CBS dans laquelle il refusait le diaconat aux femmes, malgré les promesses faites à plusieurs reprises, notamment à l’Église allemande qui pousse fort sur ce point, a créé une vague de protestation au sein de l’Église. Un autre problème a été créé par la conversation qu’il a eue en privé avec des parents de Palestiniens de Gaza, reçue peu après le 7 octobre. Le pape leur aurait parlé d’un génocide commis par les Israéliens, comme les Palestiniens l’avaient déclaré aux journalistes. Mais dans le même temps, d’autres incohérences sont apparues dans ses propos aux proches des victimes israéliennes, qualifiant les miliciens du Hamas de terroristes.

En 2020, François – à cause de ces tempêtes médiatiques – a même été contraint d’envoyer une note à tous les nonces apostoliques pour clarifier ses propos sur les gays et les lois en cours de discussion dans les parlements. La polémique avait éclaté après que le pape eut déclaré, dans un film sur son pontificat, qu’il approuvait les lois civiles pour les couples homosexuels, bien que cela soit en contradiction flagrante avec la doctrine de l’Église, qui n’avait jamais été désavouée jusqu’à présent, ce qui avait déclenché de vives protestations de la part d’évêques et de cardinaux. Dans le même temps, le réalisateur du film, Evgeny Afineevsky, un ami du pape, a confirmé aux journalistes que le pape lui-même avait eu l’occasion de visionner le film dans son intégralité et qu’il l’avait approuvé.

Ensuite, il y a eu l’interprétation de la guerre en Ukraine. Depuis les « aboiements de l’OTAN aux frontières de la Russie », comme si l’intervention contre Kiev avait été « provoquée » par l’OTAN, jusqu’à la demande de reddition contenue dans une autre interview (à la télévision suisse) dans laquelle il a parlé du courage de hisser le drapeau blanc. À une autre occasion, il a qualifié les Tchétchènes et les Buriati de cruels (entretien avec America, la revue des Jésuites).

Les épisodes offrant matière à controverse n’ont pas manqué. Parlant a braccio, il a déclaré qu’ « en fin de compte, tout féminisme finit par être du machisme en jupe ». Une définition peu réjouissante quand on sait que le machisme a même été condamné dans un document du Vatican. Ou lorsqu’il a dit à un garçon autiste lors d’un appel vidéo : « Alors je te verrai en enfer ». Le pape l’avait appelé après avoir reçu une lettre touchante dans laquelle il racontait les difficultés qu’il avait rencontrées à cause du Coronavirus. Le garçon, Andrea, avait l’habitude de s’asseoir devant la télévision tous les matins pour regarder la messe que le pape célébrait à l’époque à Santa Marta pendant le Covid.

Et puis aussi les casus belli de la fessée aux enfants turbulents, des coups de pied aux fesses des corrompus, des catholiques qui font des enfants comme des lapins, des coups de poing aux personnes qui offensent leur mère et des insultes aux religieuses aigries et vieilles filles, pour ne citer que les plus connus.

Share This