Les médias français (au moins « grand public », radios et télévisions) sont très discrets sur le sujet, pour des raisons qu’il n’est pas très difficile de comprendre: révéler les mauvais coups « en douce » et in extremis de Macron (décidé coûte que coûte à faire triompher son ego démesuré), ce serait faire le jeu de Poutine, et l’on sait que la totalité des médias et de la classe politique a choisi son camp… ce n’est pas la Russie! Voici donc des informations inédites, au moins pour moi, issues de la presse italienne (la NBQ)

Macron met le turbo sur l’aide à l’Ukraine. Tant qu’il est là

Gianandrea Gaiani (*)
lanuovabq.it/it/macron-mette-il-turbo-agli-aiuti-allucraina-finche-tiene
13 juin 2024

(*) Journaliste, diplômé en histoire contemporaine, il travaille depuis 35 ans dans le domaine de la défense, de la sécurité, des études de conflits et des reportages sur les fronts de guerre des Balkans, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie centrale. Directeur du magazine en ligne Analisi Difesa, il a écrit pour des journaux et des périodiques et est chroniqueur pour plusieurs stations de radio et de télévision.

Des instructeurs pour former les Ukrainiens, de nouveaux avions et de nouvelles armes : Macron promet de ne pas se laisser distancer dans le flux des investissements en armement. Mais chez lui, c’est la crise noire.

On ne sait pas encore dans quelle mesure les résultats des élections européennes des 8 et 9 juin affecteront l’aide militaire européenne à l’Ukraine, mais il est indéniable que les gouvernements les plus « belliqueux » qui se sont rangés du côté de Kiev et étaient prêts à utiliser leurs armes sur le territoire russe ont subi une défaite sans appel. En particulier, ces considérations sont valables pour les exécutifs allemand et français, mais pas pour le gouvernement italien, qui a au contraire réussi à montrer une approche plus modérée, avant tout en refusant l’utilisation d’armes italiennes fournies à Kiev contre des cibles sur le territoire russe.

L’impact du vote européen s’ajoute à la crise du gouvernement conservateur britannique en vue de nouvelles élections qui voient les travaillistes favoris, tandis qu’en France, les élections de fin juin détermineront probablement aussi le sort des projets d’Emmanuel Macron de resserrer les liens militaires avec l’Ukraine en fournissant des avions de chasse et en envoyant des troupes officiellement avec des tâches de formation.

D’après ce qui a été rapporté ces derniers jours, Paris aurait déjà une équipe de reconnaissance sur le terrain pour identifier les zones où envoyer dans un premier temps un nombre limité de personnels dans les écoles et les centres de formation en Ukraine, puis envoyer plusieurs centaines de militaires sur place. Le chef d’état-major de Kiev, le général Aleksander Syrsky, a confirmé début juin qu’il avait autorisé le personnel français à visiter les centres de formation ukrainiens.

L’objectif de Macron est de former une coalition européenne (évidemment dirigée par la France) d’instructeurs militaires à envoyer en Ukraine pour former des recrues à Kiev (la Pologne, la Finlande et les républiques baltes n’ont pas exclu d’envoyer des troupes en Ukraine si la situation militaire s’aggrave) et de fournir des avions de chasse Mirage 2000 à Kiev.

Macron a affirmé que Paris était en train de « construire une coalition avec d’autres partenaires », précisant que la formation des pilotes ukrainiens se ferait sur le sol français et a proposé au président Zelensky que les pilotes puissent être formés cet été. Normalement, cela prend cinq à six mois, donc d’ici la fin de l’année, l’Ukraine pourra avoir les pilotes et les avions. En outre, Macron a fait part de son intention de proposer la formation d’une « brigade française » de 4 500 soldats ukrainiens, entraînés par des conseillers français, armés et équipés de produits français.

« Nous avons déjà beaucoup fait avec nos partenaires allemands et polonais et quelques autres en matière de formation depuis le début du conflit. Nous entrons ainsi dans une nouvelle phase ».

Concernant l’envoi d’instructeurs français en Ukraine, Macron a ajouté que « le sol ukrainien est souverain : il ne s’agit pas d’aller s’entraîner dans la zone de combat ». Selon Macron, le fait que les instructeurs français opèrent « dans la partie occidentale de l’Ukraine ne représentera pas un acte agressif à l’égard de la Russie ».

Il est certainement excessif de considérer l’Ukraine occidentale comme une « zone franche » où transite l’aide militaire occidentale de la Pologne et où les Russes ont frappé durement à plusieurs reprises. D’ailleurs, Moscou a déjà fait savoir qu’une fois sur le territoire ukrainien, les militaires français seront une « cible légitime ».

Humour russe

La propagande de Macron mise beaucoup sur l’impact de cette initiative, contrée par la propagande russe avec un fil d’ironie. Aux arrêts de bus de Moscou, près de l’ambassade de France, une affiche a été placardée appelant les soldats français à se rendre aux troupes russes en Ukraine. Français, ne répétez pas les erreurs de vos ancêtres, peut-on lire sur l’affiche montrant la photo d’Edgard Puhaud, commandant de la 33e division SS Charlemagne composée de volontaires français, décimée en Pologne et en Prusse-Orientale puis anéantie lors de la bataille de Berlin en 1945. Appelez Volga 149,200, peut-on encore lire sur les affiches. Il s’agit du mot de passe et de la fréquence radio créés par les forces russes pour les soldats ukrainiens et les combattants étrangers en Ukraine qui veulent se rendre.

L’initiative de Macron, au lendemain des élections européennes, était peut-être destinée à faire oublier la défaite française en Afrique, avec l’expulsion du Sahel, et l’impasse de la crise en Nouvelle-Calédonie, mais elle fait certainement partie d’un plan plus large visant à faire assumer à Paris le leadership militaire en Europe. Politiquement et industriellement, Macron n’a pas l’intention de laisser aux Anglo-Américains ou aux Allemands l’exclusivité des livraisons militaires à l’Ukraine, qui, même après la fin de la guerre, verra les pays membres de l’OTAN et de l’UE soutenir la reconstitution des forces armées de Kiev selon les normes occidentales. Pour soutenir l’effort de guerre, Stoltenberg [secrétaire général de l’OTAN, ndt] a demandé 40 milliards d’euros par an pour la défense ukrainienne et Macron veut éviter que ce flux d’argent n’alimente que les entreprises d’autres puissances occidentales.

La livraison prochaine à l’Ukraine de F-16 construits aux États-Unis a, sans surprise, stoppé le transfert par Stockholm des chasseurs suédois JAS-39 Gripen, mais apparemment pas celui des vieux Mirage 2000-5, modernisés il y a 20 ans mais datant des années 1980, tout comme les F-16 de la Belgique, de la Hollande, de la Norvège et du Danemark. Selon la presse spécialisée, Paris pourrait réunir une demi-douzaine de Mirage 2000 car 18 à 20 autres doivent les maintenir en service en attendant le nouveau Rafale, mais d’autres appareils de ce type pourraient peut-être être fournis par la Grèce, qui les met au rebut en vue d’acheter d’autres Rafale à la France.

Dans l’ensemble, les livraisons françaises permettraient à Paris de se positionner parmi les fournisseurs importants de l’Ukraine et seraient payées, au moins en partie, par les fonds de l’UE pour le soutien militaire à Kiev.

Toutefois, la défaite électorale semble indiquer que les Français veulent non seulement faire payer à Macron le désastre de sa présidence en termes économiques et de politique étrangère, mais aussi sa politique interventionniste en Ukraine. Beaucoup dépendra donc de l’équilibre qui émergera des élections générales de fin juin.

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