La nouvelle avait été annoncée il y a quelque temps, et elle est aujourd’hui confirmée par le bulletin officiel du Vatican. Le secrétaire de Benoît XVI va à Vilnus, il sera nonce apostolique. Pas vraiment une promotion, encore moins un cadeau. Et un calcul de François (ou de ceux qui pensent pour lui) n’est pas exclu, comme par exemple lui limer les griffes au cas où il lui prendrait l’idée de faire des révélations au cours d’une de ses multiples rencontres de promotion de son livre décidément gênant « Nient’altro che la verità » (indéniablement, une « activité » privée incompatible avec sa future charge).

du 6 juin 2024

Fin de l’exil, Gänswein va en Estonie, Lettonie et Lituanie

Nico Spuntoni
La NBQ
25 juin 2024

Pour l’ex-secrétaire de Benoît XVI, l’année de « garage » forcé à Fribourg se termine officiellement et la nonciature des trois pays baltes s’ouvre. Loin du « chiacchiericcio ».

Comme nous l’avions prévu, la signature est enfin arrivée et le Saint-Siège a annoncé aujourd’hui la nomination de Mgr Georg Gänswein comme nonce apostolique en Lituanie, Estonie et Lettonie. L’ancien secrétaire de Benoît XVI devrait faire ses débuts « en grand » car, outre la présentation de ses lettres de créance, il fera sa première apparition publique lors de la cérémonie d’inauguration du second mandat du président lituanien Gitanas Nausėda, le 12 juillet. Depuis des semaines, Gänswein attend l’annonce officielle, prêt à partir pour cette première mission de sa carrière diplomatique.

Cette nouvelle peut faire sourire le prélat qui était « parqué » depuis près d’un an à Fribourg, son archidiocèse d’origine mais qui avait déjà son propre « jeune » titulaire, Mgr Stephan Burger. Le pape avait demandé à l’ex-bras droit de son prédécesseur de rentrer chez lui sans titularisation et avait présenté en privé cette période comme bénéfique.

Gänswein en a souffert, comme il avait souffert d’être démis de sa charge de préfet de la Maison pontificale à partir de 2020. Durant cette « presque année » à Fribourg, il s’est installé au Collegium Borromaeum, où il avait accueilli Benoît XVI en 2011, qui avait à cette occasion mis en garde les séminaristes contre « l’esprit de scientificité, de comprendre, d’expliquer, de prétendre savoir, de rejeter tout ce qui n’est pas rationnel » qui cache souvent « beaucoup de présomption et de sottise ».

Ces derniers mois, l’archevêque a pourtant beaucoup voyagé, présentant son autobiographie Nient’altro che la verità à travers le monde. Il y a quelques jours, alors qu’il présentait son livre dans la commune autrichienne de Galtür, Mgr Gänswein a expliqué que c’est le désir de démonter l’image stéréotypée de Ratzinger qui l’a poussé à l’écrire, parce qu’il était agacé par ce qui était écrit sur le pontife allemand.

« J’ai souvent eu l’impression que l’on écrivait sur un fantôme qui n’existait pas », a expliqué l’archevêque aux nombreux fidèles venus l’écouter ».

Lui-même a fini par être victime de stéréotypes et, au cours de l’année écoulée, il a vécu des moments particulièrement difficiles, notamment en raison de la publication du livre El Sucesor (truffé d’erreurs) dans lequel François l’accusait de « manquer de noblesse et d’humanité ». En présentant ce livre, qui cherche à présenter la relation entre Benoît et François comme idyllique même sur le sujet des unions civiles, l’auteur Javier Martinez-Brocal n’a pas épargné les jugements au vitriol à l’égard de Gänswein, soulignant qu’ « il n’était pas quelqu’un que Benoît consultait pour ses décisions, il les lui donnait toutes faites ».

Même sur la base de ce qui a été écrit, par exemple sur les prétendues difficultés rencontrées par certains cardinaux pour rencontrer Benoît XVI au monastère Mater Ecclesiae, Gänswein s’est retrouvé dans le collimateur de ceux qui ont laissé entendre que plus qu »un secrétaire, il aurait été un geôlier.

D’aucuns ont même dénigré son déménagement du Vatican il y a un an – après presque 30 ans de vie entre les murs sacrés – en affirmant qu’il aurait (même!) fallu deux camions pour transporter ses effets personnels à Fribourg. Et qui sait si François, s’adressant aux prêtres romains dans la suite du discours sur la « frociaggine » publié par Silere non possum le 12 juin dernier [cf. Bergoglio dans le texte], se référait justement à ce « chiacchiericcio » à son propos lorsqu’il a sorti de nulle part, pour le blâmer, l’exemple d’un monseigneur de la Curie qui avait eu besoin de deux camions pour déménager.

Un an et demi plus tard, comme dans un jeu de l’oie, retour à la case départ : cette nomination de nonce apostolique qui était dans l’air dès la mort de Benoît XVI et qui s’est probablement estompée à cause de la clameur des avant-premières de Nient’altro che la verità.

L’épiscopat allemand lui dira au revoir sans trop de regrets après une année passée avec la crainte de le retrouver à la tête de quelque diocèse en raison de l’imprévisibilité de Bergoglio et la satisfaction de le voir faire des confirmations et pas grand-chose d’autre. Outre la même vision ecclésiologique, Gänswein a également hérité de son père spirituel Benoît XVI la haine de ses compatriotes évêques. Depuis des décennies, la puissante aile libérale de l’Église germanophone s’oppose à lui de toutes les manières possibles et, comme peu le savent, l’a déjà empêché en 2000 de devenir évêque auxiliaire dans « sa » Fribourg pour une critique des positions anti-sacerdoce du théologien Herbert Haag.

Pour lui barrer la route, craignant son avenir en tant qu’archevêque diocésain, on lui a collé l’étiquette de « curial », qui continue d’être fatale en Allemagne aujourd’hui encore. Dans « Nient’altro che la verità », pourtant, Gänswein a utilisé un langage tout autre que « curial » et a payé un lourd tribut pour avoir raconté des incidents qui n’ont pas été réfutés par les faits.

Aujourd’hui, les mêmes journalistes et commentateurs qui ont présenté son retour à Fribourg sans affectation comme une « punition » presque naturelle et inévitable (voire juste pour certains) proposent l’interprétation du « pardon » du pape pour sa nomination en tant que nonce.

Bon travail à Son Excellence.

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