Un ramassis de mensonges et de commérages indignes d’un Pape, destiné à détruire Benoît XVI à travers son secrétaire. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier le livre d’entretiens (en réalité livre de commande et opération de propagande) réalisé avec un journaliste-courtisan qui ne domine même pas le sujet qu’il aborde. Incroyable: le pape qui ne cesse de dénoncer le « chiacchiericcio » se révèle le pire colporteur de ragots vaticans, la malveillance en prime.
Ce compte-rendu détaillé de « Silere non possum » est une lecture indispensable pour comprendre la personnalité du Pape qui sème le chaos dans l’Eglise depuis 11 ans

Le successeur.

Le livre du pape François pour s’attaquer à Gänswein

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Le livre   “Il Successore. I miei ricordi di Benedetto XVI” vient de sortir en librairie. Le texte est le récit de quelques rencontres qui ont eu lieu à Santa Marta entre le journaliste espagnol Javier Martinez Brocal et le pape François.

Sur Silere non possum, nous avons parlé à plusieurs reprises de Martinez Brocal et de sa relation avec Jorge Mario Bergoglio. C’est d’ailleurs ce journaliste que le pape François a informé, le mardi 11 janvier 2022 à 17h10, lorsqu’il s’est rendu chez le disquaire de la Via della Minerva à Rome. Brocal était sur place et a raconté de manière sensationnelle cette visite du pape aux propriétaires du magasin. Le narratif était le suivant : « J’étais là par hasard », mais en réalité, l’homme avait été averti à temps pour créer l’affaire.

Cette prémisse est nécessaire pour lire ce livre en connaissance de cause. En même temps, ces choses apparaissent clairement dans le dialogue entre le journaliste et le Pape. Dans le texte, Brocal raconte qu’il a soumis le projet de ce texte au Pontife à plusieurs reprises et que ce dernier a apporté ses corrections. Il est donc clair qu’il ne s’agit pas d’un « livre-entretien » comme ceux que nous avons l’habitude de lire. Il s’agit d’un texte qui a été étudié « autour d’une table ». On peut se demander pourquoi.

Avant de nous plonger dans la lecture, une dernière question s’impose: quelle est la différence entre le livre de Georg Gänswein « Rien que la vérité » et le livre du pape François « Le successeur » ?

Il s’agit de deux opérations très spécifiques. La première est un livre écrit par un homme, secrétaire d’un grand pape, qui raconte ses propres souvenirs. Ce n’est pas nouveau, cela s’est déjà produit avec des pontifes précédents. La seconde est un texte du pape en exercice qui tente, à tout prix et sans rappeler son propre rôle, de répondre au premier livre et de jeter le discrédit sur tous ceux qui ont servi son prédécesseur. Le second est une véritable tentative de réécriture de l’histoire.

Cela devient très clair en analysant spécifiquement certaines expressions, ce que nous allons faire maintenant.

Légitimer ses choix

Dans l’espoir de légitimer ses choix en les faisant passer pour « également voulus par Benoît XVI », le pape affirme que le cardinal Pietro Parolin aurait dû succéder à Bertone mais que des cercles de pouvoir s’y opposaient. Si l’on fait abstraction du fait que le pape, âgé de 87 ans, a tort de dire que Parolin était cardinal, le grave problème est qu’en réalité cette affirmation est manifestement fausse. Avec la mort de Benoît XVI et la nomination de Mgr Ganswein comme nonce, François s’assure également le silence de tous sur cette question cruciale. Non seulement Benoît XVI n’a jamais pensé à remplacer Tarcisio Bertone alors que la moitié du collège des cardinaux le lui demandait, mais il n’aurait jamais pensé à Pietro Parolin. Il faut rappeler que Joseph Ratzinger a été le premier pape à vouloir frapper le lobby diplomatique, il s’agit bien d’un lobby et non du faux lobby gay. Le pape a décidé de placer un « non-diplomate » à la tête de la Secrétairerie d’État. Un choix judicieux, dommage que la décision soit tombée sur un homme qui a profité de son amitié avec le souverain pontife pour mettre toute l’Église en difficulté.

Ce choix n’a jamais été pardonné à Benoît XVI par ceux qui appartenaient à ce lobby : Beniamino Stella, Pietro Parolin, etc. C’est pourquoi tout le scandale Vatileaks est parti de la Terza Loggia [secrétairerie d’Etat] . Alors que le monde est convaincu que Jorge Mario Bergoglio ait été voulu par l’Église pauvre, l’archevêque de Buenos Aires a été élu grâce aux cercles vénitiens dirigés par Beniamino Stella, où le prélat se rendait secrètement la nuit lors des congrégations générales pré-conclaves en 2013. Stella se trouvait à l’Académie ecclésiastique et Bergoglio y est entré secrètement par une entrée latérale. Ainsi, lorsqu’il fut élu, Stella a été utilisé pour éliminer Mauro Piacenza, et Parolin pour éliminer Tarcisio Bertone. Ces choix n’avaient pourtant rien à voir avec Benoît XVI et le pape le sait bien. (…)

On ne sait pas pourquoi, mais Bergoglio n’a jamais pris Tarcisio Bertone à bras-le-corps et, même dans ce livre, il n’en parle absolument pas. Même lorsqu’il raconte la soirée de l’élection, il rapporte, de manière totalement mensongère, qu’il est apparu à la fenêtre avec Cláudio Hummes et Agostino Vallini parce qu’il ne savait pas s’il devait apparaître avec le Camerlingue. En fait, l’Ordo rituum Conclavi au n. 75 ne stipule pas que le Pontife doit apparaître à la loggia avec le Camerlingue.

Benoît XVI et le pape François

Dans le récit, certaines attaques instrumentalisés que Bergoglio souhaite faire transcrire sont claires. Ne pouvant attaquer son prédécesseur, sous peine de provoquer un véritable schisme, le pape propose un récit visant à discréditer tous ceux qui entouraient Joseph Ratzinger, comme s’il voulait le décrire comme étant « sous la coupe » d’un cercle de loyalistes. A la tête de ce cercle, veut laisser entendre le Pontife, se trouvait certainement Georg Gänswein.

De plus, il est clair que le seul éloge que Bergoglio fait de Ratzinger est inhérent à son « courage » et à sa décision de renoncer. Il ne parle pas de tout ce que Benoît XVI a fait en huit ans de pontificat, il ne parle pas de ses encycliques, il ne parle pas de sa théologie. Rien. Juste un grand geste : la démission. Et c’est lui qui a voté pour Ratzinger en 2005 ?

En réponse à une question spécifique, François raconte que le pape Benoît XVI n’a jamais exprimé de désaccord clair avec lui et, au contraire, a répondu aux questions dans lesquelles il était impliqué en proposant d’autres solutions (p. 69). Bergoglio raconte cela parce qu’il n’a manifestement pas connu Joseph Ratzinger. Ceux qui ont passé leur vie à ses côtés savent que Benoît XVI n’a jamais élevé la voix ni tapé du poing sur la table, contrairement au souverain, et qu’il n’a jamais abordé le gouvernement de l’Église de manière despotique. Imaginez qu’il ait agi de la sorte avec son successeur dans une situation aussi délicate que celle que l’on vivait (et que l’on vit). 

Benoît XVI était bien conscient, malheureusement seulement après l’élection de son successeur, que tout geste de sa part aurait risqué de créer un véritable schisme. Il est clair que le pontife émérite, s’il a proposé une alternative, l’a fait précisément pour faire comprendre qu’il y avait d’autres solutions. C’est ce que font les grands de l’histoire, sans autoritarisme mais avec autorité. Ratzinger n’avait pas besoin de crier, de fulminer, de s’opposer, mais sa parole suffisait à être claire, sans seconde interprétation. C’est un problème que le pape François n’a pas compris lorsqu’il a parlé de la question des évêques africains et de Fiducia Supplicans (p. 150). Parlant du cardinal Fridolin Ambongo Besungu, le pape dit qu’il a bien fait de s’opposer au Dicastère pour la Doctrine de la Foi et affirme : « Ils ont clarifié les choses, ils se sont expliqués… Parfois, on reste par erreur dans le doute au lieu d’aller demander des explications directement à ceux qui ont pris certaines décisions » . En laissant de côté le fait qu’ils n’ont pas du tout clarifié les choses mais ont simplement pris la décision de « ne pas appliquer Fiducia Supplicans » en Afrique, François oublie qu’il n’est pas possible d’agir de la sorte. Tous les évêques du monde doivent-ils frapper à la porte du Saint-Office parce que les documents ne sont pas clairs, ou est-ce le Dicastère qui doit être clair et proposer des mots qui ne laissent pas de place à des interprétations fantaisistes ? L’Église se doit d’être claire et inattaquable. Sinon, à quoi servirait le magistère ? Devrions-nous avoir une file de prélats exigeant des explications sur chaque question ? Allons, allons!

L’amour de Benoît XVI pour l’Église

François tient à rappeler que Joseph Ratzinger n’a jamais cédé à ceux qui tentaient de l’instrumentaliser pour attaquer le souverain pontife. À l’époque où l’on m’a envoyé le livre pour que je puisse en faire la critique, j’ai eu la chance de rencontrer un prêtre qui m’a rappelé un épisode raconté dans les Écritures : l’ivresse de Noé.

« Les fils de Noé qui sortirent de l’arche furent Sem, Cham et Japhet ; Cham est le père de Canaan. Ces trois-là sont les fils de Noé, et c’est d’eux que toute la terre a été peuplée.

Noé, qui cultivait la terre, se mit à planter une vigne. Ayant bu du vin, il s’enivra et se déshabilla dans sa tente. Cam, père de Canaan, vit la nudité de son père et le dit aux deux frères qui se trouvaient dehors.

Sem et Japhet prirent leurs manteaux, les mirent tous deux sur leurs épaules et, marchant à reculons, couvrirent la nudité de leur père ; ayant le visage tourné vers l’arrière, ils ne virent pas la nudité de leur père.

Lorsque Noé se réveilla de son ivresse, il comprit ce que son fils cadet lui avait fait, et il dit: « Maudit soit Canaan !Il sera pour ses frères l’esclave des esclaves ». Et il ajouta:« Béni soit le Seigneur, Dieu de Sem, que Canaan soit son esclave ! » 

Genèse 9:18-29.

De même que ces fils sages l’ont fait avec leur père, Benoît XVI a agi avec le Pape régnant. De la même manière, nous sommes appelés à faire de même face à ces remarques du pape qui visent à dénigrer certains de ses frères dans l’épiscopat. François ne se rend malheureusement pas compte qu’avec ces gestes, il sape la papauté et la crédibilité de l’Église elle-même. Bergoglio passera, comme sont passés Albert de Morra, Bertrand de Got ou Joseph Ratzinger… L’Église a cependant le devoir de rester un phare inattaquable.

Les attaques contre Gänswein

La raison pour laquelle Francis a choisi d’écrire ce livre est unique : répondre du tac au tac à Georg Gänswein. C’est ce que l’on peut comprendre tout au long du récit et en particulier à certains moments. Silere non possum avait raconté, avec des citations fidèles, les paroles du pape adressées aux presbytres de Rome. Lors de la rencontre du 11 juin 2024, le Pontife a commencé par une phrase dans laquelle il a raconté le déménagement « scandaleux » d’un « monseigneur » qui emportait de sa maison « deux TIR » [transports routiers internationaux] d’affaires.

Nous avions déjà expliqué qu’il était clair pour ceux qui vivent ici à qui le Pape faisait référence, et nous avions également expliqué à quel point ce commentaire paupériste était ringard et inélégant. Comment se fait-il que François n’ait pas expliqué que ces « deux TIR », qui sont en fait deux « camions », étaient le résultat de 20 ans de service à la Curie romaine et au Pape ? Comment se fait-il qu’il n’ait pas expliqué qu’il s’agissait de deux camions avec tout ce qu’ils contenaient, non seulement les affaires du secrétaire, mais aussi du Pontife émérite et des Memores

D’ailleurs, quand il faudra vider Santa Marta, deux camions suffiront-ils ? Quelqu’un est-il entré dans la résidence du pape ? Seuls ceux qui n’y ont jamais mis les pieds sont encore convaincus que le pape vit dans une chambre avec un lit et une salle de bain. Au fil des ans, François a pris possession de tout l’étage de la Domus, étrange que ces journalistes n’en parlent pas.

Enfin, le pape a-t-il le temps de regarder combien de camions sortent lors d’un déménagement ? Ces déclarations ne font que mettre en évidence la façon dont Bergoglio passe ses journées à écouter les bavardages des différentes « commères » (gendarmes, serviteurs de la cour, monseigneurs à la langue bien pendue, professeurs refoulés, etc.) qui vienet à Santa Marta pour obtenir quelque chose. Ces commentaires montrent également à quel point ces nouveaux collaborateurs étaient bien disposés à l’égard de ceux qui les avaient précédés.

En parlant de Santa Marta et du Palais Apostolique, je fais une petite digression pour souligner ce que le Pape François dit dans le livre :

« Le Palais Apostolique était « un entonnoir très étroit » « , dit-il.

En fait, c’était l’objectif du Palais apostolique, pour éviter que tout le monde puisse avoir accès au Pape et lui dire ce qu’il veut. Aujourd’hui, au contraire, tout le monde a accès à Santa Marta et François n’a pas encore compris que ceux qui lui disent certaines choses le font dans un but bien précis. On peut donc se demander combien de ces choses sont vraies.

Gänswein ayant été « indélicat » dans ses propos, François choisit de raconter un épisode qui n’a que très peu de chances de s’être réellement produit. Le jour où Benoît XVI est tombé malade, il s’est rendu au monastère. En racontant cette visite, sans qu’on le lui ait demandé, il dit :

Mais tout de suite après, il s’est passé quelque chose de très grave. Au moment de partir, l’un des médecins du monastère a dit d’un ton méprisant à l’infirmier qui m’accompagnait : « Vous êtes un espion ». Ce que je raconte est la pure vérité. D’après les médecins, rien ne devait filtrer. D’une certaine manière, j’en suis venu à penser qu’ils gardaient Benoît presque « en détention ». Je ne veux pas dire prisonnier ou enfermé, bien sûr, mais ‘gardé’. [ndt: classique « inversion accusatoire ». On peut se demander si ce n’est pas ce que lui-même a fait avec Benoît XVI]

Ce récit est d’une gravité sans précédent, bien pire que ce qu’a raconté Ganswein et qui est confirmé par les paroles de nombreux témoins. Mais ici, le pape raconte un épisode invraisemblable. Patrizio Polisca [le médecin « historique » de Benoît XVI, qui a accompagné ce dernier jusqu’à la fin… rapidement congédié par Bergoglio, ndt], devant le Pape, aurait-il vraiment prononcé une telle phrase ? [cela ne me paraît pas si invraisemblable, et serait une illustration de l’atmosphère empoisonnée que l’équipe en charge faisait régner autour du Saint-Père]. Mais demandons-nous, pourquoi Bergoglio propose ce récit. S’attaquer à son prédécesseur serait-il trop effronté, alors il choisit de s’en prendre à tout son entourage? [en français]

Pourquoi François offre-t-il cette image du Vatican depuis onze ans ? Même Dan Brown n’a pas réussi à en écrire autant. « Ce que je raconte est la pure vérité », déclare le pape. Pourtant, cela ressemble à une excusatio non petita .

Ce récit de complots contre lui revient sans cesse. Aux pages 74-75, François raconte en détail un dîner auquel assistaient trois cardinaux qui, selon lui, allaient le « mettre à l’épreuve ». Il est évident qu’il n’était pas présent. Là encore, personne ne demande : mais comment le pape le sait-il ?

Il faut réfléchir à ces dynamiques typiquement cléricales, malheureusement. François s’est-il rendu compte que, de même que certains jouent à influencer le Pape en faveur de leurs propres idées, ils peuvent aussi le faire pour mettre les autres en mauvaise posture ? François, qui a qualifié le Palais apostolique d' »entonnoir étroit », n’a pas encore réalisé que de nombreuses personnes ont compris sa façon d’agir et lui racontent des épisodes ou des anecdotes (souvent fausses) pour influencer son jugement à l’égard de certaines personnes. Ce sont précisément ceux qui l’entourent et qui l’incitent nuit et jour qui fomentent ce jeu malsain.

Il est étrange qu’il ne s’en rende pas compte alors qu’il en est victime depuis des années, même lorsqu’il a été exilé (terme utilisé par le Pape lui-même à la page 151) en Allemagne et à Cordoue. Quant à son exil en Allemagne, page 153, le pape nie qu’il se soit produit pour le chasser. Et pourtant, c’est exactement ce qui s’est passé et c’est si vrai qu’il n’a pas terminé ses études en Allemagne et qu’en d’autres occasions, il a raconté qu’il restait toute la journée à regarder les avions décoller.

Brocal, en bon serviteur du maître, raconte l’exil de Bergoglio en Allemagne de manière totalement déformée (p. 104). Le provincial jésuite a été renvoyé et envoyé en Allemagne parce qu’il avait divisé la province et créé pas mal de problèmes pour l’ordre.

Une autre attaque contre Gänswein, le Pape la fait (p. 44) en utilisant quelque chose de connu ici au Vatican : les relations entre l’archevêque Josef Clemens et l’archevêque Georg Gänswein n’étaient pas les meilleures. Après tout, l’un était le secrétaire de Ratzinger pendant les années où il a servi la Curie romaine ; l’autre lui a succédé jusqu’à sa mort. François raconte un épisode de la relation entre Benoît XVI et Clemens comme s’il en avait été le témoin. En réalité, il s’agit à nouveau de ragots qu’il a entendus de la part de ses collaborateurs.

La publication du livre de Georg Gänswein à la veille des funérailles n’a pas été un choix délicat de la part de la maison d’édition, certes, mais il est bon de dire aussi que ce n’était pas le souhait spécifique de Gänswein. La publication de ce dernier livre avec toutes ces attaques contre le secrétaire de son prédécesseur, en revanche, a été décidée autour d’une table. L’attaque du pontife régnant a une portée très différente et ce modus agendi est scandaleux pour le « peuple saint de Dieu », comme l’appellerait François.

Summorum Pontificum

Sur l’une des mesures les plus controversées du pontificat et celle qui l’oppose le plus à Benoît XVI, le pape François ne répond pas à la question qui lui est posée. Cette stratégie typiquement jésuitique, François l’emploie chaque fois qu’il ne veut pas répondre. Il l’a également fait avec les prêtres de Rome et les évêques italiens. Le journaliste lui demande s’il a parlé à Benoît XVI du Motu Proprio Traditionis Custodes. Il répond : « Non, nous n’en avons pas parlé », puis change de sujet : « Mais j’ai eu une conversation très agréable avec lui après que certains cardinaux, contrariés par mes propos sur le mariage, sont allés le voir ».

Quel est le rapport ? Il n’y a aucun rapport. Pourtant, il est emblématique que l’homme qui se dit ami et parle de Benoît XVI comme d’un « grand-père » qui ne l’a jamais contredit, alors qu’il décide d’abroger un document identitaire du pontificat de son prédécesseur, n’en parle pas alors qu’il a la chance de l’avoir encore en vie et de pouvoir le confronter. Curieux.

Les funérailles de Benoît XVI

Dans son récit, le pape dit qu’il s’est appuyé sur les décisions du secrétaire de Benoît XVI pour les funérailles et quand les questions étaient plus spécifiques, il a répondu « je ne me souviens pas ». Ces déclarations sont manifestement fausses et le pape doit seulement penser que des journalistes comme Brocal, qui s’enthousiasment parce qu’ils ont mis les pieds ici une fois ou deux, le croient. Ceux qui vivent dans cet État et qui ont écouté ses discours à l’époque savent bien que toutes les peurs qu’il éprouvait à l’égard de son prédécesseur sont apparues au grand jour. Il est un fait que Bergoglio n’a jamais pu soutenir la comparaison avec Benoît XVI. Il a toujours été perçu comme « celui qui n’a pas étudié et qui fait des gaffes » et Ratzinger comme le théologien érudit et hiératique. Ces journées ont été emblématiques et révélatrices pour beaucoup.

François était tellement agacé par le tumulte provoqué par la mort de Benoît XVI qu’il n’a pas voulu faire le deuil, même au Vatican. La raison invoquée était que Benoît XVI ne régnait pas, mais dans un État, on ne porte pas le deuil uniquement pour la mort du souverain. Peut-être en Corée du Nord, mais ce n’est pas le cas dans d’autres pays. Le pape s’est également montré agacé par la longue file de fidèles venus prier sur la dépouille de Ratzinger. Dans le livre, il signale d’ailleurs que pour ses funérailles, il n’y aura rien de tout cela (p. 83). La raison est vite énoncée : qui irait prier sur la dépouille mortelle d’un homme qui a divisé l’Église de la sorte et traité tous ses collaborateurs comme des esclaves ? Personne.

Alors qu’il parlait des funérailles de Benoît XVI, il a déclaré qu’il ne ferait pas brûler ses notes, mais qu’il « s’en chargerait lui-même ». Cette déclaration nous amène à nous interroger sur la manière dont François aborde le grand mystère de la mort. Comme pour sa maladie, le pape pense pouvoir tout prévoir, même sa propre mort.

Brocal signale dans son livre deux épisodes relatifs aux funérailles: l’homélie et la prière sur le cercueil avant l’enterrement. Pour l’homélie, le pape joue au grand homilétique et dit que dans l’homélie il ne faut pas faire l’éloge des gens, c’est pourquoi il n’a rien dit. Nous ne pensons sincèrement pas que François ait de plus grandes compétences homilétiques ou théologiques que ses prédécesseurs, pourtant ils ont toujours esquissé, au moins les points saillants, de la vie des personnes dont ils célébraient les funérailles.

Quant au geste de la main sur le cercueil, il est le résultat d’une lutte avec le maître de cérémonie.  François ne voulait pas rester sur le parvis pendant qu’on emportait le cercueil de Benoît XVI, il voulait partir dès que la bénédiction serait donnée. Ce sont les collaborateurs qui lui ont fait comprendre que ce geste serait très mal interprété. Ceux qui étaient dans la sacristie avant et après la messe peuvent témoigner de l’agacement de François ce jour-là.

Le Synode : un échec cuisant

Dans ce livre, le souverain pontife définit le synode comme « la plus grande priorité du moment ». Il mentionne également que cette voie a été initiée par saint Paul VI. Ces affirmations en disent long. Tout d’abord, ce que le Pape appelle « la priorité » se matérialise par un énorme échec. Dans les diocèses du monde entier, cet événement est ignoré de tous, en particulier des laïcs que le pape voudrait tant impliquer. Ensuite, le synode conçu par Paul VI n’a rien à voir avec cela. Enfin et surtout, l’implication des laïcs ou des prêtres. Le synode, pour Paul VI, était celui des évêques.

Le Conclave 2005

Le Pape François offre une fois de plus l’image d’un Conclave rempli de personnages calculateurs. Il rapporte qu’il a été utilisé pour s’opposer à l’élection de Ratzinger parce que, selon lui, les cardinaux avaient proposé un troisième candidat. Immédiatement après, François se contredit et affirme qu’il a lui-même permis l’élection de Ratzinger parce qu’il en avait parlé au cardinal Darío Castrillón Hoyos et lui avait dit qu’il n’accepterait jamais cette élection. Mais si la volonté du Collège était de proposer un troisième candidat, comment Bergoglio se serait-il ce faisant rallié à leur plan? S’il avait refusé et si Ratzinger n’avait pas eu assez de voix, le troisième homme aurait été proposé. Comme on le sait, les choses ne se sont pas passées ainsi, mais il y a eu une intervention emblématique du cardinal Carlo Maria Martini, un jésuite. Cet homme, bien qu’éloigné des positions de Ratzinger, a dit clairement : « Votez Ratzinger, pas Bergoglio ! ». Martini savait bien qui était le jésuite Jorge Mario et voulait éviter son élection.

La volonté de diaboliser l’Eglise

Dans le récit que fait le pape François des années de pontificat de Benoît XVI et de Jean-Paul II, il y a une volonté de dépeindre la Curie romaine comme un environnement plein d’intrigues destinées à tenir le pape à l’écart. Même en ce qui concerne la Congrégation pour les évêques, François se laisse aller à des commentaires peu élégants. Tout cela parce que c’est cet environnement qui l’a maintenu en Argentine aussi longtemps qu’il l’a pu, car tout le monde savait ce que Bergoglio pensait et ce qu’il avait fait au fil des ans.

Les erreurs de Martinez Brocal

Brocal révèle qu’il a consacré beaucoup d’espace à Ganswein lorsqu’il a raconté la mort de Benoît XVI. Un espace qu’il lui consacre également dans ce livre (page 125), précisément parce que l’objectif du texte est de l’attaquer, de le décrire comme peu fiable, stratège, calculateur . D’un côté, l’image de Benoît XVI victime d’une machination est offerte, de l’autre, l’image d’un homme sans scrupules qui l’a tenu sous son emprise.

Ce livre contient de nombreuses erreurs de l’auteur.

L’auteur parle d’une « crosse » qui n’a pas été placée dans le cercueil de Benoît XVI. Or, le pape ne porte pas la crosse mais la férule. Brocal se vante souvent dans ce texte d’avoir servi les papes pendant des années, mais il n’en connaît même pas les rudiments.

L’auteur rapporte que le pape Benoît XVI a été transporté « sur un corbillard », du monastère à la basilique vaticane (p. 130). L’affirmation est fausse, le pontife a été chargé dans un minibus parmi ceux utilisés pour transporter les évêques lors des visites ad limina . Le choix était risqué et très irrespectueux du défunt, car deux personnes ont dû monter à bord pour tenir le corps, sans quoi le corps de Benoît aurait risqué d’aller dans tous les sens au cours du voyage. Les chiffres mentionnés par Brocal sont également manifestement faux. Il suffit de dire qu’il y a eu environ 5000 presbytres concélébrant à eux seuls. Jamais autant de prêtres n’avaient concélébré lors d’une célébration du pape François, pas même lors de la messe chrismale.

Le pape François n’a jamais voulu que des hommes mariés soient ordonnés. Contrairement à ce qu’affirme Martinez (p. 71), le pape n’envisageait pas une réponse permettant l’ordination d’hommes mariés, mais écrivait : 

 » Dans les circonstances spécifiques de l’Amazonie, en particulier dans ses forêts et ses lieux les plus reculés, il faut trouver un moyen d’assurer le ministère sacerdotal. Les laïcs pourront proclamer la Parole, enseigner, organiser leurs communautés, célébrer certains sacrements, rechercher diverses expressions de la piété populaire et développer les nombreux dons que l’Esprit répand sur eux. Mais ils ont besoin de la célébration de l’Eucharistie, parce qu’elle  » fait l’Église « , et nous allons jusqu’à dire qu' » il n’est pas possible qu’une communauté chrétienne se forme si la célébration de la sainte Eucharistie n’en est pas la racine et la pierre angulaire « . Si nous croyons vraiment que c’est le cas, il est urgent de veiller à ce que les peuples amazoniens ne soient pas privés de la nourriture de la vie nouvelle et du sacrement du pardon.

.

Ce besoin pressant me conduit à exhorter tous les évêques, en particulier ceux d’Amérique latine, non seulement à promouvoir la prière pour les vocations sacerdotales, mais aussi à être plus généreux, en orientant vers l’Amazonie ceux qui manifestent une vocation missionnaire. En même temps, il convient de revoir en profondeur la structure et le contenu de la formation initiale et permanente des prêtres, afin qu’ils acquièrent les attitudes et les compétences nécessaires pour dialoguer avec les cultures amazoniennes. Cette formation doit être éminemment pastorale et favoriser la croissance de la miséricorde sacerdotale » 

Exhortation Querida Amazonia 89-90

En conclusion, on ne peut que souligner à quel point Brocal n’a pas saisi l’invitation faite par Benoît XVI, à savoir d’être authentique dans son travail. Au contraire, dans ce cas, il s’est prêté à une opération, peu digne d’un pontife, visant à dénigrer son prédécesseur et en particulier ceux qui ont « osé parler ».

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